10 ans pour que la France devienne un champion de l'hydrogène vert
"Une opportunité à saisir pour décarboner l’industrie et les transports" : les objectifs et les détails du plan hydrogène décidé par le gouvernement ont été détaillés, le 8 septembre 2020, par Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique et Bruno le Maire, ministre de l’Economie. Le sujet, déjà annoncé lors du plan de relance au début du mois de septembre 2020 prévoit un investissement de deux milliards d’euros dans les deux ans à venir et cinq milliards d’euros supplémentaires jusqu’en 2030.
L’objectif de cet investissement doit permettre un passage rapide à l’échelle industrielle pour baisser de manière significative les coûts de production. Le premier enjeu est la production massive d'hydrogène décarboné, défi que les énergéticiens pensent relever grâce à l'électrolyse de l'eau à partir d'énergies renouvelables (éolien, solaire) ou de nucléaire.
Compte tenu de son mix électrique faiblement émetteur de CO2, la France, selon le gouvernement, dispose de sérieux atouts pour produire de l’hydrogène décarboné. Pour mémoire et selon le site eletricitymap.com, qui informe en temps réel des émissions de carbone consommé dans chaque pays dans le monde, la France affiche une intensité carbone de l’ordre de 106 g de CO2 par kilowatt/heure contre 307 g pour l’Allemagne, ou encore 641 g pour la Pologne.
Produire de l’hydrogène décarboné permettrait ainsi à la France de réduire les tonnes de CO2 émises par l’industrie pour les passer de 80 millions de tonnes à 53 millions. Ainsi, la France se fixe un objectif de 6,5 gigawatts d'électrolyseurs installés en 2030.
Pour Gilles Le Borgne, directeur de l’ingénierie Renault et récompensé le 8 septembre 2020 par le titre de l’Homme de l’Année du Journal de l’Automobile, cette annonce va permettre sans aucun doute à la filière de se développer, tout en étant sûr de l’origine de l’hydrogène. "A partir de 2021 ou 2022, on va voir arriver des camions, des camionnettes, des bus à hydrogène dans pas mal de villes d'Europe", a indiqué pour sa part, Marc Perraudin, directeur de la division Nouvelles Energies chez Plastic Omnium, à l’AFP. L'équipementier français, spécialiste du stockage de carburant, a engagé 200 millions d'euros d'investissements sur cinq ans pour développer des réservoirs à hydrogène, déjà commercialisés, mais aussi des piles à combustible.
Selon ce dernier, les véhicules électriques purement à batteries ne répondent pas aux besoins des transports lourds, par manque d'autonomie. Les automobiles, qui ont besoin d'un maillage étroit de stations de recharge, se développeront après 2025, estime Plastic Omnium qui table, à l'horizon 2030, sur un marché mondial de 2 millions de véhicules, dont 1,6 million de voitures particulières.
150 000 emplois directs et indirects
En fin d'année dernière, Renault, pionnier en France, a introduit dans son catalogue une version hydrogène de son fourgon Kangoo, dont il a produit 200 exemplaires. Un deuxième modèle, plus grand, le Master, suivra l'an prochain. La pile à combustible est fournie par le spécialiste Symbio, co-entreprise de Faurecia et Michelin qui équipe aussi le fabricant de bus français Safra.
En plein essor, l'entreprise française emploie 250 personnes, contre une cinquantaine il y a deux ans, et vise une production annuelle de 25 000 unités en 2025. Selon Gilles le Borgne, la solution hydrogène fait sens pour les gros SUV et utilitaires destinés à la livraison appelée "la tournée du laitier". Les véhicules reviennent à leur point de charge après une autonomie qui pourrait aller jusqu’à 600 km (soit 6 kg d’hydrogène). Chez PSA, qui avait sorti sept démonstrateurs technologiques de 2000 à 2010, les premiers véhicules utilitaires à hydrogène (Peugeot Expert, Citroën Jumpy et Opel Vivaro) seront lancés fin 2021, une offre complémentaire aux véhicules électriques classiques.
Mais pour que la technologie à hydrogène puisse réellement se développer, il faudrait multiplier les points de charge or une station à hydrogène coûte de l’ordre de 1 million d’euros. A travers cet investissement, le gouvernement espère construire une filière industrielle créatrice d'emplois. Il table sur 50 000 à 150 000 emplois directs et indirects qui garantiront à l'Hexagone une maîtrise technologique.