Quels changements pour l'Alliance Renault-Nissan-Mitsubishi ?
"Depuis plusieurs semaines, Renault, Nissan et Mitsubishi se sont attachés à faire face à la crise. Aujourd’hui, toutes les activités de production ont été relancées, tout comme les ventes et le moment est venu de reconstruire", a annoncé Jean-Dominique Senard, président de l’Alliance, en préambule de la conférence de presse organisée ce 27 mai 2020 en video simultanée en France et au Japon avec les équipes dirigeantes des trois constructeurs.
La course aux volumes, fer de lance de l’industrie automobile des années 2010 est remisée pour "adapter notre nouveau modèle qui sera recentré sur l’efficience et la compétitivité plutôt que sur les volumes", a précisé Jean-Dominique Senard, appuyé par Makoto Uchida, directeur général de Nissan, "l'Alliance est la clé de voûte de la compétitivité de chaque partenaire" et Osamu Masuko, patron de Mitsubishi Motors, qui a déclaré que "mutualiser les forces de l'alliance sera crucial".
Objectif : baisser les coûts en recherche & développement de 8 %, contracter de 40 % l’investissement de chaque modèle. La stratégie de leader-follower, annoncée dès février 2020 par Clotilde Delbos, directrice générale par interim de Renault, lors des résultats annuels du groupe et détaillée aujourd’hui, doit mettre fin aux doublons au sein de l’Alliance qui nuisent à sa compétitivité et donc à l’essence même de son existence.
Ainsi, "les synergies augmenteront afin de maximiser le partage des coûts fixes, ainsi que l'exploitation des actifs de chaque entreprise", a affirmé Jean-Dominique Senard dont l'objectif est de "renforcer la stratégie de standardisation (...), depuis la plateforme jusqu'au véhicule complet. La production de véhicules conçus en commun va être regroupée dans une seule usine du groupe lorsque cela (sera) jugé pertinent".
Une stratégie, trois axes
Cette stratégie va s’appliquer aux véhicules, aux technologies mais aussi sur le plan géographique selon une même philosophie : un constructeur de référence, qui avance en leader sur chacun de ces sujets et les autres qui suivent le plan pour en récolter les bénéfices en minimisant les coûts. L’objet de cette conférence était donc de dévoiler le partage du leadership sur ces trois domaines pour chacun des constructeurs.
Leaders sur les plateformes
"En 2019, 39 % des véhicules produits par l’Alliance avaient une plateforme commune. Nous allons passer à 50 % des modèles d’ici 2025. Nous devons pousser la standardisation au maximum et couvrir les deux tiers de l’investissement de chaque modèle. Grâce à cette stratégie, sur le seul segment C-SUV, nous ferons 2 milliards d’euros d’économies", a poursuivi Jean-Dominique Senard.
Sur ce principe de leader-follower, dans la zone Europe, Renault sera leader en matière de VUL, sur les polyvalentes (Clio, Micra) ainsi que sur les segments des SUV-B (type Captur, Juke et Duster), Nissan le sera sur les SUV-C (Kadjar, Qashqai). Par segment de voiture, Renault sera leader pour les petites voitures essence et diesel. Nissan aura la main pour les grandes essences et les kei cars, ces minivoitures spécifiques au marché nippon. Il s'occupera en outre des voitures autonomes et des motorisations des futurs modèles électriques. Enfin, Mitsubishi sera chargé du développement des grands véhicules hybrides rechargeables.
Leaders technologiques
L’axe technologique reprend le même principe de répartition. Nissan prendra les rênes sur la conduite autonome et sur les motorisations des futurs modèles électriques développés sur des plateformes dédiées.
Renault sera responsable des technologies de connectivité basées sur le système d'exploitation Android (exploité dans le monde entier sauf en Chine où Nissan sera chef de file) et sur l'architecture électrique-électronique des véhicules. Le constructeur français aura également la responsabilité des motorisations pour les véhicules électriques dérivés de plateformes thermiques.
Enfin, Mitsubishi sera référent sur les technologies hybrides rechargeables (essence-électrique) des véhicules de moyenne et grande taille.
Leaders géographiques
L'Alliance s’est également partagée le monde en désignant certaines zones géographiques comme régions de référence. Chaque entreprise se concentrant sur ses régions clés dans le but d'être parmi les plus compétitives et de servir de référence aux autres afin de renforcer leur propre compétitivité.
Selon ce principe, Nissan deviendra le référent en Chine, Amérique du Nord et Japon ; Renault pour l'Europe, la Russie, l'Amérique du Sud et l'Afrique du Nord ; et Mitsubishi Motors pour l'ASEAN et l'Océanie.
"Par exemple, au Brésil, il existe aujourd'hui 4 plateformes, 2 Renault et 2 Nissan, pour 6 modèles (Sandero, Stepway, Logan, Captur, March, Kicks, NDLR). Avec le nouveau système, nous n'aurons plus qu'une seule plateforme pour fabriquer 7 modèles différents. Nous pourrons construire jusqu'à 300 000 véhicules grâce à cette plateforme unique », a illustré Jean-Dominique Senard.
Cette stratégie doit permettre à l'Alliance, chahutée par l’arrestation de son ex-président Carlos Ghosn, de retrouver un nouveau souffle, apaisé et débarrassé de sujets jugés fâcheux pour Nissan comme celui d’une fusion. "Il n'y a pas de projet de fusion entre nos entreprises. Je pense que cela doit être très clair. Aujourd'hui il s'agit d'un modèle très différent. Nous n'avons pas besoin d'une fusion pour être efficaces", a déclaré Jean-Dominique Senard.