Emmanuel Bonnaud, Movivolt : "Nous privilégions les constructeurs aux délais plus courts"
Emmanuel Bonnaud : Après la première année pleine d’activité, comment se porte Movivolt ?
Journal des Flottes : Nous avançons relativement bien puisque nous avons signé plus de 600 contrats en 2022 et nous visons au moins le double en 2023. Movivolt est toujours sur la même ligne stratégique, à savoir la location longue durée de véhicules électriques, essentiellement des utilitaires. Nous avons fait plus de 95 % de véhicules électriques en 2022, les 5 % restants sont des hybrides. Notre mix est à 70 % de l’utilitaire, pour 30 % de voitures. Nous faisons de plus en plus de voitures particulières, mais aussi des vélos cargos avec un catalogue composé d’une dizaine de modèles adaptés à nos clients évoluant notamment dans le milieu de la livraison de colis.
E.B. : Movivolt est devenu le premier client des utilitaires électriques B-On. Est-ce une stratégie que d’aller chercher de nouveaux acteurs afin de vous différencier ?
JDF : Effectivement, nous nous différencions par la typologie de clientèle que nous ciblons. Une clientèle de collectivités locales, de TPE, d’artisans, de commerçants évoluant dans les ZFE et dont les besoins sont essentiellement orientés vers les VUL électriques proposant des volumes de chargement et des autonomies adaptés à leurs activités : BTP, livraison de colis... Pour répondre à ces besoins, notre stratégie d’achat doit être la plus ouverte possible y compris aux solutions de mobilités décarbonées novatrices. Le Max Box de la marque B-ON en est une. Loué exclusivement par Movivolt sur le marché français, le Max Box se distingue notamment par le niveau d’ergonomie qu’il propose à la clientèle des « expressistes ». Plus globalement, nous sommes très à l’écoute du marché. Nous travaillons avec tous les constructeurs historiques mais aussi naissants tels que DFSK ou Maxus. Néanmoins, le groupe Stellantis a représenté plus de 50 % de nos livraisons en 2022 devant Ford, Mercedes, Toyota et Renault.
Nous sortons progressivement du bois
E.B. : N’est-ce pas compliqué d’évoluer principalement sur le créneau des VUL électriques où l’offre est encore réduite ?
JDF : Effectivement, sur les VUL de taille moyenne, en 2022, il n’y avait que Stellantis. Le Mercedes Vito était en renouvellement et le Renault Trafic E-Tech n’existait pas. Nous n’avions donc qu’un seul fournisseur chez qui il y a avait un an d’attente et dont les tarifs augmentaient régulièrement tout au long de l’année. C’est aussi pour cela nous sommes allés voir ailleurs des offres un peu plus exotiques. Fort heureusement, le nombre de propositions va s’étoffer cette année. Sur les grands fourgons, il existe plus de produits, c’est moins compliqué.
E.B. : Comment faites-vous pour gagner en notoriété ?
JDF : Nous avons été très discrets à nos débuts mais depuis un an, nous sortons progressivement du bois. Nous sommes présents sur quelques salons et nous menons des campagnes digitales. Nous nous sommes également dotés d’un département marketing et communication en interne, pour ne plus dépendre sur ce point de nos actionnaires que sont La poste et de la Banque des Territoires. Notre structure a évolué puisque nous sommes aujourd’hui près de 20 personnes. Et pour rappel, nous avons aussi Fatec qui nous accompagne sur la partie opération des contrats et mises à la route, Véhiposte sur certaines fonctions support et la Banque Postale sur les dossiers de financement.
Il a fallu attendre près d’un an avant que nos premiers véhicules soient mis à la route
E.B. : Le fait d’avoir des partenaires constitue, on l’imagine, une belle rampe de lancement ?
JDF : Nous avons effectivement la chance d’être adossés à deux grands groupes. Le projet Movivolt a été validé en janvier 2021 avec d’un côté la Caisse des Dépôts et sa Banque des Territoires, actionnaires à 70 %, et de l’autre le groupe La Poste investi à hauteur de 30 %. Nous avons des ressources financières grâce à eux sans lesquelles nos débuts auraient pu être beaucoup plus compliqués. Nous avons travaillé pendant un an pour lancer l’entreprise et ensuite nous avons dû faire face à des délais très longs sur nos premières livraisons. Il a fallu attendre près d’un an avant que nos premiers véhicules soient mis à la route, ce qui veut dire que dans l’intervalle, nous n’avons pas eu de rentrées de cash. Sans véhicules livrés, il n’y a pas de rentrées d’argent.
E.B. : Voyez-vous une amélioration sur les délais ?
JDF : C’est assez compliqué, nous manquons parfois de visibilité. Mais je constate malgré tout que les délais sont désormais davantage liés à des soucis de logistique plutôt que de production. J’espère que sur le deuxième semestre 2023, tout ceci sera beaucoup moins un sujet. Depuis nos débuts nous essayons de privilégier les constructeurs qui ont des délais plus courts que les autres, mais nous ne sommes pas les seuls dans ce cas…
Nous avons réussi quand même à percer assez bien pour une première année d’existence.
E.B. : Vos clients ont-ils su faire preuve de patience ?
JDF : La relation avec les clients a été très particulière, beaucoup se sont plaints de cette situation, à raison. Si certains voulaient annuler leur commande, nous leurs rappelions simplement qu’ils auraient du mal à trouver des offres plus compétitives ailleurs, dans la mesure où nous leur garantissions par exemple un loyer de 500 euros au moment de la commande. En cas d’annulation, au regard des délais d’attente, des baisses de remises, de la hausse des taux d’intérêt ou de l’augmentation de prix, nous n’avions aucun problème à trouver un client pour le même véhicule avec un loyer ajusté à la hausse à 600 euros par mois.
E.B. : Sans ces soucis, où en serait Movivolt ?
JDF : Nous avons perdu au moins un tiers de ventes en raison de ce contexte. Les loueurs qui étaient déjà installés ont pu profiter de la situation en rallongeant les durées de location, en revendant les véhicules à un très bon prix. Pour nous, en tant que nouvel acteur sur le marché, c’était plus compliqué. Mais nous avons réussi quand même à percer assez bien pour une première année d’existence.
Aujourd’hui nous avons quasiment atteint les 1 000 véhicules sous contrat.
E.B. : L’objectif de 10 500 contrats en 2025 est-il toujours d’actualité ?
JDF : Cela reste toujours une cible, mais elle sera peut-être un peu décalée du fait du contexte économique. Mais encore une fois, nous n’avons pas à rougir de nos débuts. Aujourd’hui nous avons quasiment atteint les 1 000 véhicules sous contrat.
E.B. : Comment jugez-vous votre environnement concurrentiel ?
JDF : Nos principaux concurrents sur les utilitaires électriques sont les grands loueurs Arval ou ALD, mais aussi Fraikin. Watèa monte aussi en régime. Il est d’ailleurs intéressant de voir que de grands groupes, la Poste et la Banque des Territoires d’un côté, et Michelin de l’autre ont créé au même moment des structures sur un même marché qui n’est pas si large que cela. Sur la partie VP, nos concurrents sont également les grands loueurs. En positionnement prix, nous sommes assez comparables mais en fonction des véhicules et de la typologie de client, il nous arrive parfois d’être moins chers que les autres.
Je vais avoir 30 % de remise sur un modèle diesel, contre 10 % seulement pour un électrique
E.B. : Que pensez-vous de l’étude de l’ONG T&E qui pointe du doigt les pratiques des loueurs sur les VR des modèles électriques ?
JDF : Les conclusions sont malhonnêtes car elles laissent entendre que les loueurs longue durée se font de fortes marges sur les véhicules électriques. Or je rappelle tout d’abord que ce sont les loueurs qui portent le risque, et c’est quelque chose qui se rémunère évidemment, mais pas dans les proportions évoquées. Ensuite, un modèle électrique, en plus d’être plus cher à l’achat, bénéficie d’une remise beaucoup plus faible qu’un modèle thermique. Sur de l’utilitaire, je vais avoir 30 % de remise sur un modèle diesel, contre 10 % seulement pour un électrique. Tout cela a un impact majeur sur le loyer ! En revanche, grâce aux aides mais aussi à l’entretien moins cher et aux économies sur le carburant, l’électrique revient dans la course. Il est même parfois plus compétitif en termes de TCO.
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