Constructeurs et consommateurs pas toujours en phase avec les offres
Le jeu en vaut-il vraiment la chandelle ? Les milliards d’euros investis par les constructeurs automobiles dans l’électrification de leurs gammes, en un temps record puisque d’ici 2030, se traduiront-ils au bout du compte par des succès commerciaux ? Autrement dit, les consommateurs seront-ils au rendez-vous ? La question mérite d’être posée, tant les messages envoyés par le marché semblent contradictoires.
Prenons le cas de la dernière édition du baromètre Deloitte sur les Français et l‘automobile. Une bonne partie de ses indicateurs va à l’encontre de l’antienne publique : peu d’adeptes du véhicule 100 % électrique, alors que l’offre se démultiplie ; des automobilistes fidèles aux modèles thermiques, alors que l’Europe veut acter leur fin de vie en 2035 ; des conducteurs assez peu friands de mobilités partagées, alors que les opérateurs multiplient au contraire les innovations dans ce domaine. Ou encore des consommateurs attachés aux réseaux de concessionnaires, alors qu’on leur propose des parcours 100 % digitaux pour acquérir leurs futurs véhicules !
Même si, à l’image de l’hirondelle qui ne fait pas le printemps, une étude ne fait pas l’opinion, il convient tout de même de se rendre à l’évidence : dans l’opinion publique, les mentalités ne changent pas aussi vite que les stratégies des industriels ou de l’exécutif. D’aucuns auront beau jeu de rappeler "qu’on ne saurait faire boire un âne s’il n’a pas soif". Le fait est que le fossé se creuse entre l’offre et la demande.
Sans doute les incertitudes quant à la disponibilité d’un réseau de recharge adapté aux usages, ou encore l’autonomie des modèles full électriques, expliquent cette frilosité des ménages (et des entreprises). L’envolée des prix du neuf devient aussi un frein, explique Deloitte, puisque selon son étude, 6 % seulement des acheteurs sont prêts à accepter de verser plus de 2 000 euros supplémentaires pour des technologies liées à l'automatisation des véhicules. Alors que dire des prix annoncés de l’électrique, même avec des aides à l’achat qui, c’est de bonne guerre, sont appelées à décroître au fur et à mesure que cette motorisation entrera dans les mœurs. Là encore, la réponse de Deloitte est nette : 89 % des acquéreurs se refusent à consacrer plus de 50 000 euros à un véhicule électrique.
Dès lors, on se dirige peut-être vers un dialogue de sourds entre automobilistes et constructeurs dans les prochaines années, malgré le durcissement des législations environnementales et le développement des ZFE interdites aux vieux modèles. D’autant que les grandes marques ont un nouveau credo : générer du chiffre d’affaires à l’intérieur de l’habitable avec ce qu’ils appellent le logiciel. Stellantis et Renault fourbissent leurs armes sur ces nouveaux business, nouent des partenariats avec des spécialistes de la tech et annoncent des services connectés, des systèmes d’info-divertissement ou encore de cybersécurité à bord de leurs futurs modèles.
Autant d’ingrédients susceptibles de renforcer l’image de la voiture "produit de luxe" et non plus "populaire" au bon sens du terme, et de détourner des acquéreurs potentiels désabusés par les prix de vente. Avec la crise des semi-conducteurs, les VO se sont arrachés comme jamais l’année dernière, augmentant du même coup l’âge moyen du parc à la route. La tendance pourrait bien se confirmer dans l’avenir, si les consommateurs ne trouvent plus leur compte dans les véhicules neufs.
L’Arval Mobility Observatory
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