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Distribution

"L’idée de Prix Futé ne sera bonne que si elle s’accompagne d’une stratégie d’achats à long terme"

Publié le 29 septembre 2011

Par Benoît Landré
6 min de lecture
Patrick Chiron, directeur des Etudes et du Conseil d’Eurostaf - Patrick Chiron livre les grandes lignes de l’étude consacrée au marché des VO en France, “Quelles stratégies de reconquête pour les professionnels de l’automobile ?”. Il revient notamment sur les défis qui attendent les constructeurs et leur réseau pour contrer la prédominance des particuliers.

JOURNAL DE L’AUTOMOBILE. Quels sont les grands enseignements que vous avez tirés de cette étude de marché ?
PATRICK CHIRON.
Entre 2008, date de notre précédente étude dédiée au marché du VO, et 2011, nous avons assisté à un profond bouleversement du marché de l’occasion suite aux primes à la casse et à la déstabilisation du marché du neuf. La vente de véhicules d’occasion a plutôt plongé sur cette période. Le principal enseignement est que le marché a retrouvé en 2011 ses fondamentaux, qui se caractérisent par un segment des véhicules de moins d’un an qui représente 12 à 13 % des volumes globaux, contre moins de 10 % en 2009 et 2010. Nous observons ainsi une offre de véhicules récents beaucoup plus importante et une meilleure tenue des cotes.

Le deuxième point important est que nous assistons à une prise de conscience grandissante et concrète des constructeurs qui ont compris que, pour retrouver une place forte sur le marché du VO, ils ne pouvaient plus se contenter d’être présents sur un créneau qui représente seulement 20 % du marché. Dans le meilleur des cas, les concessionnaires proposent 20 % de véhicules de moins de 10 000 euros alors que ce segment représente plus de 60 % de la demande. De même, leur offre de voitures âgées de plus de 5 ans n’atteint pas 2 % pour une demande qui dépasse les 60 %. Ils sont hors marché et leur offre est déconnectée de la demande.

JA. Comment expliquez-vous ce décalage entre l’offre et la demande ?
PC.
Ce phénomène tire son explication de la politique de reconquête des constructeurs sur le marché VO, dans les années 90, au travers le déploiement de labels occasion. Ils ont réussi à capter une partie du marché VO grâce à ces programmes rassurants, incluant des garanties, des promesses clients… Mais ces labels, coûteux pour les constructeurs, ne pouvaient être rentabilisés que sur la vente de véhicules récents et assez chers. Et ils étaient incapables d’offrir ce type de prestations sur des VO de plus de 4 ans et moins de 10 000 euros, laissant ainsi un pan entier du marché aux marchands indépendants. Ensuite, nous avons assisté au développement du Net, qui a facilité largement les transactions entre particuliers. Tout cela a donc contribué à marginaliser les constructeurs sur ce segment de marché, des constructeurs qui ont par ailleurs beaucoup porté leurs efforts sur le neuf ces dernières années.

JA. Vous utilisez de nouveau le mot “reconquête” dans l’intitulé de votre étude. Comment se matérialise-t-elle ?
PC.
Nous avons vu se concrétiser des labels VO dits “low-cost” à l’initiative de certains groupes de distribution et nous voyons arriver des offres davantage remarketées sur des véhicules affichant jusqu’à 8 ans d’âge, comme Prix Futé de Renault qui reste très innovant. Ces dernières années, l’offre des constructeurs était presque inexistante sur les véhicules de plus de 5 ans. Mais le vrai révélateur a été la crise en 2008 car les constructeurs se sont retrouvés avec des VO qui coûtaient plus chers que les voitures neuves. Par conséquent, ils ont dû revoir leur modèle et leur approche de l’activité VO pour reconquérir le marché. Et ils n’y arriveront que si l’offre de produits est en adéquation avec le discours marketing et s’ils industrialisent le processus avec une vraie politique d’achats. L’idée de Prix Futé ne sera bonne que si elle s’accompagne d’une stratégie d’achats à long terme pour alimenter les réseaux dans cette catégorie de véhicules. Tout cela a un coût, mais c’est le prix de la reconquête.

JA. Malgré la crise, vous relevez une croissance de l’activité VO chez les concessionnaires. Comment l’analysez-vous ?
PC.
L’activité VO est mieux gérée aujourd’hui qu’elle ne l’a été il y a quelques années. Nous avons assisté entre 2002 et 2010 à une croissance de 78 % du chiffre d’affaires VO, chose que nous n’avons pas vue dans le VN. En revanche, les comptes des exercices 2009 et 2010 ne sont certainement pas représentatifs de ce train de croissance. L’activité occasion représente en moyenne 25 % du chiffre d’affaires des concessions, mais ne contribue qu’à 6 % de la rentabilité globale. Si le modèle économique est bien approprié, le VO est plus rémunérateur que le VN. Nous observons d’ailleurs que la rentabilité des marchands spécialisés dans le VO, qui sont parfaitement libres de leurs approvisionnements, est bien supérieure à celle des distributeurs.

JA. Quelles sont les principales composantes de la profitabilité VO aujourd’hui ?
PC.
Les trois grands postes sont le sourcing, la remise en état et les marges. Si nous établissons une proportion des facteurs clefs du succès VO, je dirais que le sourcing conditionne à lui seul 80 % de cette réussite, la remise en état et les marges se répartissant les 20 % restants. Concernant la remise en état, il existe aujourd’hui des plates-formes industrielles au sein de certains groupes automobiles, des processus et des avancées techniques qui permettent de gagner quelques centaines d’euros par véhicule, mais la différence entre un bon et un mauvais achat peut se quantifier en milliers d’euros. Les concessions doivent vraiment s’appuyer sur des acheteurs dédiés qui soient très au fait des tendances du marché. Par ailleurs, il n’est pas normal que les estimations de reprises dans la plupart des affaires soient encore réalisées par les services VN, car au final cela se fait au détriment du compte VO.

JA. Les constructeurs n’ont-ils pas trop cherché à assainir leur parc au sortir de la crise ?
PC.
Non, car il y avait un réel besoin. Ils ne pouvaient pas faire autrement car cela aurait entraîné une dévalorisation du prix des véhicules encore plus forte. Cet assainissement des stocks s’est fait dans la douleur, mais a permis au marché de repartir sur de bonnes bases.

JA. La situation économique en cette fin d’année reste encore fragile. Les professionnels du VO doivent-ils anticiper ce durcissement pour ne pas se retrouver en difficulté, comme en 2008 ?
PC.
Pour commencer, il n’y aura pas la perturbation de la prime à la casse qui a beaucoup fragilisé les acteurs du VO. Et s’il y a crise du pouvoir d’achat, les gens devraient davantage se tourner vers les voitures d’occasion. Le marché des véhicules de 5 ans et plus repose sur des fondamentaux solides car ils sont aujourd’hui très fiables, moins sujets aux pannes qu’avant, et peuvent durer longtemps. Le marché s’est bien assaini et me paraît moins fragile qu’il ne l’a été à une époque. En revanche, en cas de crise, la baisse des prix du VN qui en découlerait affecterait également les prix des VO. De plus, il y a de fortes chances qu’une guerre des prix redémarre à l’approche de la fin de l’année.
 

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