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Distribution

Distribution : la crise du marché est une aubaine

Publié le 19 septembre 2008

Par Alexandre Guillet
4 min de lecture
Hausse du prix du pétrole, explosion des coûts des matières premières, pression accrue du législateur… La crise de l'automobile est avérée et elle a ses raisons… Toutefois, c'est sans doute une opportunité à saisir...
Hausse du prix du pétrole, explosion des coûts des matières premières, pression accrue du législateur… La crise de l'automobile est avérée et elle a ses raisons… Toutefois, c'est sans doute une opportunité à saisir...

...pour faire table rase de mauvaises habitudes historiques et concevoir enfin de nouvelles technologies.

Non, ce n'est pas une provocation. Le marché automobile européen est en pleine restructuration, apparemment pour cause de prix du pétrole et des matières premières, voire d'émissions de CO2. En réalité, le marché sanctionne aujourd'hui une stratégie pernicieuse de multiplication de l'offre, qui a plombé l'action des constructeurs et des réseaux au cours des cinq ou six dernières années. On ne le voit pas tant dans les chiffres du marché français de cette année, que dans les sombres perspectives annoncées par nombre de constructeurs pour les années à venir, avec, à la clef, une révision des ambitieux programmes de lancement de nouveaux modèles. Inversement, l'aubaine réside en ceci : on a à présent l'occasion d'abandonner définitivement la stratégie évoquée plus haut, qui coûte cher et qui ne rapporte rien. Il faudrait en profiter pour saisir de nouvelles opportunités, à savoir celles qui sont cachées dans les replis de la crise de la demande qui est en cours. Apparemment, elles ne sont pas clairement perçues par les constructeurs, et notamment par les constructeurs français. Mais il est possible que nous nous trompions, et qu'ils aient déjà élaboré une stratégie nouvelle, en phase avec les attentes et nécessités des consommateurs de l'an de grâce 2008. S'il en est ainsi, on nous pardonnera d'énoncer les banalités qui suivent.

Ce qu'il ne fallait pas faire

Il nous arrive, on le sait, d'être auto référentiel. Nous ne trahirons pas cette tradition : nous recommandons par conséquent de relire, entre autres, une chronique déjà ancienne, qui s'intitulait "sénescence prénatale", et qui dénonçait les dangers de l'emballement de l'offre. Quant au reste, les constructeurs, à notre très humble avis, ne tenaient/ne tiennent pas compte de quelques principes fondamentaux en matière de commerce automobile. Rappelons-les : le produit est presque tout, mais pas vraiment tout ; un même réseau ne peut pas vendre chaque chose et son contraire ; les lancements en rafale de nouveaux modèles condamnent les réseaux à bâcler leur travail vis-à-vis de la clientèle ; un même constructeur ne peut pas produire, offrir et commercialiser tout et n'importe quoi ; le commerce monomarque est une aberration commerciale qui coûte cher aux constructeurs et qui ne convient qu'aux concessionnaires les moins professionnels ; il vaut mieux défendre les volumes aujourd'hui que tenter de les reconquérir demain. Est-ce suffisant ? forcément, puisqu'on ne peut pas, ici, reprendre toutes les démonstrations des théorèmes énoncés. Et puis, les faits sont là et les plans de reconquête des marchés sont un tantinet embourbés.

Ce qu'on pourrait faire

Prenons, pour ne vexer personne, un hypothétique constructeur lambda, en panne de solutions efficaces pour sortir de l'ornière européenne. Il lui conviendrait tout d'abord de redéfinir son offre, en tenant le plus grand compte de sa propre image, de la clientèle qui s'adresse à lui aujourd'hui mais pourrait le quitter demain s'il persistait dans son marivaudage commercial et de la clientèle qui pourrait s'adresser à lui demain, s'il savait profiter des faiblesses de ses concurrents plus ou moins directs. Bref, il s'agit de cibler les amis (les consommateurs les moins éloignés) et les adversaires (la concurrence la plus vulnérable). Le constructeur lambda pourrait alors réélaborer une politique de distribution sevrée de toutes les fausses certitudes du siècle dernier. Il pourrait, librement, définir les réseaux de distribution qui lui conviennent, ainsi que les mesures à mettre en œuvre pour les faire naître quand ils n'existent pas, les conquérir s'ils font déjà autre chose, les remplacer ensuite si nécessaire, en fonction des évolutions du marché. En un mot, pour le Constructeur Lambda, la sortie de crise dépend à la fois de son bon sens et de sa capacité de répudier les habitudes séculaires du commerce automobile. Saura-t-il le faire ? L'alternative, nous semble-t-il, n'est pas réjouissante : il se peut, c'est vrai, qu'on imagine, chez Lambda, de retourner dans l'ornière dès que les choses s'amélioreront un tant soit peu. Au fond, les P-dg du secteur ne considèrent le commerce que comme une espèce d'ornement un peu trop coûteux de leur activité : le produit, en revanche, est par définition solide, facile à cerner, porteur de valeurs sûres. C'est comme ça qu'on perd de l'argent. Sérieusement.

Photo : Le marché sanctionne aujourd'hui une stratégie pernicieuse de multiplication de l'offre, qui a plombé l'action des constructeurs et des réseaux au cours des cinq ou six dernières années.

Ernest Ferrari

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