Université de Cincinnati : Design, conception et réalisation pour ingénieurs en herbe
...de plus de 3 milliards de dollars.
Au sein de l'université de Cincinnati, se côtoient de nombreuses formations, réunies en "Colleges". En un même campus, sont donc dispensées les formations de sciences de la santé, musique, droit, pharmacie, médecine… Ces programmes peuvent accueillir deux types d'élèves. Soit des étudiants préparant une licence, soit des diplômés, désireux d'accroître leurs connaissances. L'objectif est de préparer des professionnels opérationnels sur les marchés locaux et internationaux, tout en respectant la diversité de chacun. Un minimum, direz-vous. Pourtant de nombreuses universités formatent les étudiants à leur propre mode de pensée, ce qui a pour effet une standardisation souvent néfaste à la création. En ce qui concerne l'automobile, une profonde culture mécanique et artistique règne à l'intérieur de l'université de Cincinnati.
Ainsi, deux "Colleges" travaillent en collaboration, et forment chaque année de nombreux ingénieurs capables d'œuvrer dans des domaines très vastes liés à la conception d'une automobile.
Le "College of Design, Architecture, Art and Planning (DAAP)" tout d'abord, se pose en cursus atypique, préparant l'étudiant à un diplôme dans les disciplines de la conception, de l'environnement, et de l'art, tous domaines confondus. La mode, la conception graphique, le design industriel, l'architecture, l'aménagement intérieur, l'histoire de l'art, la planification urbaine… sont autant de thèmes abordés par le collège of "DAAP".
Au sein du cursus réservé au design industriel, un sous-ensemble réservé à l'automobile accueille des étudiants qui apprennent à dessiner des automobiles d'une part, mais également des pièces détachées. Une formation déterminante dans la conception d'un véhicule, qui dure 5 ans (au lieu de 4 habituellement dans les autres universités), pour 50 élèves annuels, avec 10 élèves par niveau. Des moyens considérables sont mis à leur disposition, malgré leur nombre restreint. Il faut dire que les parrains, qui voient en eux les ingénieurs de demain, ont mis la main au portefeuille… Honda, Ford, GM, DaimlerChrysler et Mitsubishi ont donc contribué à la mise en place de salles informatiques haut de gamme, réservées au design en 2D et 3D. Les étudiants peuvent aussi s'enorgueillir de posséder dans les murs de leur université un centre de prototypage rapide incluant un robot automatisé permettant de réaliser des maquettes en 3D. Outre cet arsenal impressionnant, n'oublions pas non plus la présence d'une fonderie de bronze et d'aluminium pour la réalisation des pièces. Enfin, un studio photo professionnel complète la panoplie, ainsi qu'une bibliothèque, très fournie, d'ouvrages de références sur l'automobile. C'est dire si, à Cincinnati, l'université croit à l'automobile ! Et ce n'est pas tout. Lorsque l'on parle d'industrialisation, l'université de Cincinnati n'est pas en reste. Un second "college" se charge de ces formations, plus techniques. Avec un
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Les collaborations
Ces croisements entre les formations ont donné lieu à la création d'une entité supplémentaire, nommée "Center for global design and manufacturing", comprenez centre global de conception et de fabrication. L'ambition d'un tel centre consiste à tirer parti du meilleur des deux cursus, afin d'aboutir à des initiatives communes. Ainsi, dans le canevas de préparation d'un projet, la collaboration débute logiquement par le travail du DAAP, qui va créer les esquisses et autres dessins du futur produit. Ces dessins sont ensuite synthétisés en 2 D, puis en 3 D, et enfin prototypés en bois ou en argile. Les étudiants de l'engineering arrivent à ce moment-là. Partant de ce que leur ont fourni les designers, ils réalisent de nombreuses études de faisabilité, sur le plan structurel, puis thermique, environnemental, et enfin industriel. Ils construisent en fait le plan complet d'industrialisation du produit, qui peut être une pièce automobile ou un modèle roulant complet. Plus concrètement, chaque année, les étudiants participent à des compétitions inter-universités sur des monoplaces entièrement conçues par leurs soins. C'est ainsi que l'an dernier, pour prendre l'exemple du collecteur d'admission, de nombreux élèves se sont relayés au design, à la modélisation, à l'optimisation du passage des flux, à l'analyse vibratoire de la pièce, qui fut par la suite montée sur la petite voiture de course. En plus de ces projets, le Centre Global de Conception et de Fabrication mène actuellement un projet d'envergure sur lequel travaillent les étudiants depuis plus de deux ans… L'idée est venue d'une donation de General Motors. Le constructeur américain a offert, en 2004, une Saturn EV-1 à l'université de Cincinnati. Ce véhicule 2 places, 100 % électrique, disposait d'un aérodynamisme très travaillé, avec un moteur électrique propulsant l'engin à 120 km/h pour une autonomie de 150 km environ. Mais avec l'avènement des technologies hybrides, le 100 % électrique a été délaissé par le constructeur.
Déconstruction, puis reconstruction
Le rescapé a donc été généreusement offert à l'université. Les deux collèges ont alors mis en place un programme de transformation de l'automobile. Il s'agit de redessiner le véhicule, mais aussi de le revoir complètement sur le plan technique et sur son aménagement intérieur. Sans oublier qu'au-delà de la conception, les étudiants devront réaliser les modifications, les pièces… et présenter une voiture nouvelle, hybride cette fois, et totalement opérationnelle !
Les étudiants ont tout d'abord commencé par mettre la pauvre auto à nue. Un démontage complet, jusqu'à pouvoir analyser la structure en aluminium. L'étape suivante constitue en de longues phases de reverse engineering pour les élèves du cursus mécanique. Du côté du design, il a fallu construire le cahier des charges du futur concept. Après de nombreux brainstorming, il fut établi que le concept devait s'orienter vers une auto d'un nouveau genre, conçue avec les logiciels et les technologies les plus avancés, dans le but, pourquoi pas, de fournir des pistes de réflexion aux professionnels pour leurs propres recherches.
Les sièges ont notamment été revus et corrigés, de sorte que quatre occupants peuvent désormais prendre place dans l'habitacle au lieu de deux à l'origine, sachant que les passagers arrière se retrouvent dos aux places avant, donc dos à la route ! Étonnant, mais la réflexion ne s'arrête pas là. Les batteries destinées au moteur électrique vont désormais se situer dans le plancher du véhicule, afin de ménager de l'espace dans le véhicule. Mais il faut pour cela revoir l'architecture du plancher.
Dessinés, puis modélisés en 2D, en 3D, ces éléments nouveaux sont confiés à l'engineering, qui va en tester les éventuelles failles, évaluer la faisabilité, puis lancer la production. Du côté du design extérieur de la nouvelle voiture, il faut respecter certaines contraintes. Ainsi, pas question de toucher à l'empattement d'origine. Il s'agit donc de créer une carrosserie novatrice, mais néanmoins "adaptable". Là encore, après de nombreuses tergiversations, un petit concept-car est né en esquisses, puis sur ordinateurs, pour se voir enfin réalisé en maquette, d'argile tout d'abord, puis en matériaux composites, grâce au robot de prototypage. Idem pour les roues, qui passent de 14 pouces à 20 et 22 pouces, et que le labo de prototypage rapide a permis de réaliser à l'échelle 1/8, à partir de poudre agglomérée. Au final, cette voiture, qui n'a pas encore de nom, avance à grand pas. Lors de notre passage, nous avons pu voir toutes les modélisations et les maquettes à l'échelle. Reste maintenant à produire les éléments en grandeur réelle…
Frédéric Richard
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