Sortie de crise : sortie de primes…
Il est évident que les constructeurs souhaitent ne plus avoir besoin des deniers de l'Etat pour survivre, comme il l'est que l'Etat désire se libérer au plus tôt du fardeau des primes à la casse. Mais la crise persiste et chacun doit s'en accommoder,...
...bon gré mal gré. Par ailleurs, même si la sortie de crise était pour demain, la fragilité de l'industrie est telle que le prochain souffle de vent l'obligerait à recourir encore à l'aide de l'Etat. Il est bon de se souvenir, en effet, que les marchés européens, au cours de la première année de crise, n'ont baissé que de 8 % environ, ce qui aurait dû être absorbé sans aide extérieure. Tel n'a pas été le cas. Et comme les marchés d'Europe occidentale sont matures, ce qui implique l'existence de crises de la demande en alternance avec des périodes plus favorables, le recours aux primes risque de devenir une habitude du secteur. Il va pourtant falloir sortir de cette logique, et le plus tôt sera le mieux, y compris s'il faut affronter pendant quelque temps une situation difficile.
Primes à la casse et distorsion de la concurrence
Les primes ont eu un mérite évident : elles ont permis d'éviter le pire, parce que, de fait, elles ont fait baisser le prix des automobiles. Mais on doit aussi et surtout constater que les primes à la casse, en France comme ailleurs, ont aussi un effet néfaste et moins perceptible, qui est de fausser la concurrence. Elles ont favorisé, au détriment des autres, les marques qui pouvaient offrir des modèles « écologiques » à bas coût. Elles ont aussi eu des effets pervers, en termes de concurrence, pour ce qui concerne les marques Premium. D'une part, celles-ci, dans leur ensemble, n'ont pratiquement pas bénéficié des primes à la casse ; d'autre part, une marque comme Audi, qui appartient à un Groupe dont la plupart des marques (VW, SEAT, Skoda) ont droit à des primes, a été favorisée (frisant ainsi la concurrence déloyale… involontaire) par rapport à Mercedes ou BMW, qui ne peuvent bénéficier de transferts de marge d'une marque à primes à une marque sans prime. Une telle distorsion de la concurrence n'est pas saine pour le marché, et ne doit pas durer. Il faudra donc avoir le courage d'éliminer les primes à la casse, telles qu'elles existent aujourd'hui. Quitte à les remplacer par autre chose, en attendant que l'industrie réussisse à redevenir rentable y compris lorsque la demande est faible.
Subvention ou emprunt, il faut choisir
Les prix de l'automobile doivent baisser continuellement au fil des ans ; et c'est aux constructeurs qu'il incombe de faire en sorte que cela se produise. A cette condition seulement les crises seront moins marquées et pourront être affrontées sans recours à une aide extérieure. Mais… que faire entre temps ? Comment aider encore les constructeurs si la crise se poursuit ? Les primes actuelles sont, en fait, des subventions à fonds perdu, assez humiliantes pour les constructeurs et dispendieuses pour l'Etat et les contribuables. Il serait préférable, à notre avis, qu'elles fassent l'objet d'un emprunt à un ou deux ans, demandé par les constructeurs qui le souhaitent (avec dossier de requête, modalités de remboursement, garanties proposées…), sans aucun engagement d'acceptation a priori. Le choix du montant, de la durée et des contenus (écolo, etc.) des primes reviendrait à l'Etat. Cette formule, que nous ne pouvons qu'esquisser ici et qui devrait être européanisée, aurait plusieurs avantages, dont celui d'économiser les deniers publics n'est que le plus évident. Elle induirait surtout, et sans aucun doute, une mobilisation plus marquée des constructeurs pour s'attaquer aux racines du problème : la cherté intrinsèque de l'automobile. Une dette est moins confortable qu'une subvention, à ce qu'on dit… Peut-être ne suivra-t-on plus alors de fausses pistes, comme la délocalisation, pour laquelle on a déjà donné et qui ferait économiser des queues de cerise ; la course aux volumes record à n'importe quel prix, comme chez GM hier et Toyota aujourd'hui ; ou encore l'absorption de marques concurrentes en piteux état pour réaliser des synergies fécondes, ce qui est un contresens en termes de business.
Ernest Ferrari, consultant
Ernest Ferrari, consultant
Photo : Selon Ernest Ferrari, les primes actuelles ne sont pas à généraliser et devraient plutôt à l'avenir faire l'objet d'un emprunt à un ou deux ans demandé par les constructeurs.
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