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Constructeurs

Radiographie d’un best-seller

Publié le 17 avril 2009

Par Frédéric Richard
9 min de lecture
Le programme Autobench, développé par Mavel, consiste à analyser les voitures récemment lancées sur le marché, en leur infligeant un démontage complet. Ce qui permet aux clients, constructeurs, équipementiers de rang 1-2-3…, de réduire leurs budgets de R&D de manière conséquente, grâce à un benchmark approfondi.

Mavel, société implantée dans la région lyonnaise, a pour principale activité d'étudier, que dis-je, de disséquer les automobiles, afin d'en livrer les secrets les plus enfouis, les astuces les plus cachées, qui font le succès ou révèlent l'échec d'un modèle. Mandatée tantôt par des concurrents, tantôt par des équipementiers, la structure démonte donc les véhicules de A à Z, et pousse ses analyses jusqu'à livrer, à la demande, le nom de tous les équipementiers présents, par composant. Reverse engineering ou analyse comparative, la société travaille en général sur un thème prédéterminé avec le client. A la fin d'une étude donnée, la société invite des analystes, des ingénieurs de constructeurs, d'équipementiers et autres bureaux d'études, pour leur présenter leur travail. Il est d'ailleurs amusant d'entendre les commentaires des experts en mécanique ou en électronique s'extasier devant tel nouveau matériau utilisé, telle nouvelle technologie employée… Loin de ces considérations techniques (et très complexes) qui animent la plupart des invités, quelques journalistes ont parfois le privilège de pouvoir assister à ces réunions hautement confidentielles… Car vous imaginez que le démontage complet d'un véhicule, le tri et le référencement des pièces, l'analyse selon les demandes du client… demandent un grand savoir-faire, ainsi qu'un investissement matériel et humain considérable. Nous vous livrons ici les résultats de l'étude menée sur la Golf VI, sur le thème de la comparaison avec sa devancière, au plan de la réduction de la masse et des coûts.

"La Golf VI est de loin la meilleure de toutes les Golf"

C'est en ces termes que les dirigeants de Volkswagen s'adressaient à la presse, lors du lancement du nouveau modèle, en 2008. Il est vrai que depuis 1975 et la sortie de la Golf I, les ingénieurs ont peaufiné le concept, assaini le véhicule, progressé dans ses motorisations… Bref, la Golf n'a cessé de se bonifier, et s'est maintenue au plus haut niveau de ventes des berlines compactes depuis longtemps. Comment les ingénieurs de VW sont-ils parvenus à franchir une nouvelle étape sur la Golf VI, en développant un véhicule apparemment nouveau, en dépensant le minimum en développement, en réduisant le coût de fabrication, la masse, et même le tarif au consommateur final ?

L'atelier Mavtech, filiale lyonnaise de Mavel, qui a servi de bloc opératoire, nous accueille, en banlieue lyonnaise. Visuellement, c'est assez impressionnant. Pour ceux qui doutent encore du nombre de composants utilisés dans la fabrication d'une automobile moderne, les photos ci-contre vous montrent de manière exhaustive l'ensemble des pièces qui font de la Golf VI le best-seller de VW.

Faire du neuf avec du vieux… Ce pourrait être le cahier des charges remis aux ingénieurs aux prémices de la conception de la Golf VI… D'aucuns y verront du cynisme quand d'autres applaudiront la faculté d'un industriel à rationaliser au maximum son activité, dans une période où la valorisation des process vaut mieux que la fermeture d'une usine…

Démontage "à blanc"

Si l'on commence par la fin, à savoir un bref aperçu de la caisse "en blanc", c'est-à-dire dépouillée de tous ses composants, sans aucune exception, on constate qu'elle montre assez peu de différences avec sa devancière. Ainsi, les pièces de peau sont presque les seules qui différencient la version V de la version VI, lui donnant un caractère plus expressif. Logique, puisque Volkswagen perpétue sa politique de plate-forme. La Golf partage donc ses soubassements avec la Skoda Octavia 2, le VW Touran et l'Audi A3, un châssis au demeurant très sain. Jusque-là, rien de bien étonnant.

Le vrai travail (caché) des ingénieurs commence sur le bouclier avant. Mieux conçu, il sera plus facile à monter et à déposer, grâce à l'emploi de deux supports à droite et à gauche, au lieu d'un seul, plus large et plus lourd. Par ailleurs, les systèmes permettant l'accroche des antibrouillards sont désormais basés sur des clips, et non sur des vis. Gain de temps au montage, toujours…

Sur la face avant technique, fournie en module par l'équipementier et regroupant ainsi les projecteurs, les radiateurs moteur, le système d'accroche du capot… VW a demandé de lourdes modifications à son partenaire. Ainsi, sur le modèle précédent, il s'agissait d'une face avant hybride, faite en acier avec un surmoulage composite. Aujourd'hui, la face avant est composée de plastique, avec des renforts en acier boulonnés. Avec ce nouveau design, on parvient à économiser 2,5 kg de matière composite et donc à réduire la masse de l'ensemble du même chiffre.

Passons aux ouvrants. Il est facile de perdre du poids en augmentant les coûts, et vice versa. Pour autant, combiner les deux paramètres s'avère nettement plus complexe. Les portières représentent un concentré des moyens mis en œuvre pour réduire le poids et les coûts sur ce modèle, en revoyant les process et les matériaux utilisés. Si l'extérieur reste assez proche, la structure des portières a été entièrement revue. Les portières de la Golf V étaient complexes donc chères, car conçues pour faire gagner du temps en après-vente, notamment dans le cas du remplacement d'un panneau, qui était boulonné… Terminé ! Désormais, on revient à une structure entièrement soudée au laser, moins chère, moins lourde. Par ailleurs, l'intelligent renfort en Y fixé par trois vis a été remplacé par un simple renfort embouti, plus conventionnel, moins lourd et ne nécessitant aucune opération d'assemblage sur la ligne. Les charnières méritent également qu'on s'y attarde. Auparavant fixées avec deux boulons sur la caisse, elles sont désormais assemblées au moyen d'un seul, agrémenté d'un système de réglage innovant. Ce qui autorise un réglage des affleurements avant peinture, de sorte qu'une fois la portière complètement équipée, donc lourde, le réglage soit déjà parfait. Enorme gain de temps et de confort sur la ligne d'assemblage. Pour en finir avec les portières, on retiendra la réduction de poids des fixations des poignées d'ouverture, dont la composition en plastique remplace le Zamac. 200g économisés. Même sort pour les poignées elles-mêmes, dorénavant entièrement en plastique. Pour autant, leur masse ne change pas, car elles sont plus épaisses. Ce qui a permis un design plus valorisant. Au final, l'ensemble de la porte affiche tout de même un régime amincissant de près de 2 kg, soit 8 kg pour les quatre. C'est un exploit.

A l'intérieur

L'armature du tableau de bord était une jolie pièce d'aluminium sur la Golf V. Elle fait maintenant place à une structure en acier, plus lourde de 1,6 kg, mais aussi beaucoup moins chère à produire. La planche de bord elle-même suit la même stratégie. D'un design plus simple et conçue dans une matière unique, elle devient plus économique, notamment grâce à la suppression du haut-parleur central et de son emplacement sur le dessus. Ce qui abaisse de surcroît la masse de 600 g. Enfin, conformément à la stratégie de VW, les équipements non visibles du cockpit sont majoritairement repris de l'ancien modèle. C'est le cas du module de clim, par exemple.

Les sièges avant subissent de profondes modifications, mais invisibles. Ainsi, même si les documentations l'affirment, les appuis tête actifs ont disparu des dossiers, ce qui simplifie la conception et réduit les coûts. A l'arrière, la banquette se révèle quasiment identique à celle de Golf V. Cependant, les éléments latéraux constituent un autre exemple de réduction des coûts avec un impact minime pour le consommateur. Ainsi, s'ils étaient jadis composés de plusieurs parties, à savoir une armature, une mousse, une couverture en tissus identique à celle des sièges, les ingénieurs ont remplacé tout ça par un vulgaire insert en plastique, beaucoup moins cher, moins lourd (environ 2 kg) et plus facile à monter.

Optimisation mécanique

Passons à la mécanique. Le moteur du modèle démonté est le nouveau 1.4 TSI essence, bâti sur la base du 1.6 FSI essence utilisé dans la Golf V. Les différences majeures se trouvent dans le bloc en fonte remplaçant le bloc alu, pour des raisons de coût, de meilleure réduction des bruits, mais aussi parce que la fonte refroidit mieux et résiste mieux au couple de 144 Nm par litre développé par le moteur. Malheureusement, son poids s'en voit multiplié par deux… Concernant la transmission qui équipait la Golf sacrifiée, la nouvelle DSG à 7 rapports se révèle radicalement différente de la DSG 6 précédemment employée chez VW. Si la DSG 7 est une boîte robotisée, la version à 6 rapports était plutôt conçue comme une boîte auto. Le système de double embrayage, à sec désormais, permet un gain de poids de l'ordre de 8 kg, mais le système de commande de la boîte est plus lourd de 3,3 kg pour sa part. Dans son ensemble, la DSG 7 fait 9 kg de moins que sa devancière.

Une réussite industrielle

Toute cette étude montre comment le constructeur allemand est parvenu à proposer une nouvelle voiture, tout en minimisant les coûts de développement par une réutilisation massive de composants déjà usités sur sa devancière ou tout du moins dans le groupe VW. De plus, la Golf VI réussit l'exploit d'être moins lourde d'environ 15 kg que la Golf V. C'est aussi 15 kg de matériel non acheté par le constructeur. La gestion des masses est un facteur clé de la réduction des coûts. Par ailleurs, pour gagner en prix de revient, l'aluminium disparaît progressivement. En le remplaçant tantôt par de l'acier (plus lourd), tantôt par du plastique (beaucoup plus léger), et avec des technologies de conception modernes, on parvient a des résistances équivalentes, tout en minimisant la prise de poids. Enfin, si la Golf VI perd plusieurs équipements, au rang desquels les protections latérales de portières, les appuis tête actifs, ou encore les éléments latéraux de sièges arrière, elle reçoit par ailleurs l'ESP ou la climatisation automatique par exemple.

La Golf V avait été conçue pour maintenir le modèle au top du segment C, grâce à de nombreuses innovations. Volkswagen a donc redéveloppé la Golf V, un rajeunissement qui ne se voit pas que sur les lignes extérieures. Grâce au peu d'investissements consentis dans le développement, aux réductions de coûts de production et aux équipements modifiés ou supprimés, VW est capable de vendre la Golf VI moins cher que la V, avec une qualité perçue équivalente et des performances moteur très supérieures. Une réussite sur le plan industriel, marketing et commercial, surtout en cette période économiquement troublée.

Photo : Un drôle d'étalage, pour une analyse médico-légale riche en enseignements.

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