Quand le virtuel s’invite dans le réel
...jolie fleur rouge à la main, Bruno Uzzan expose les développements récents de Total Immersion, la start-up qu'il a créée il y a près de quatre ans avec son associé Valentin Lacambre. Soudain, alors qu'il l'agite dans tous les sens, la fleur se transforme en un sabre laser tout droit sorti du dernier épisode de la Guerre des Etoiles. Sans se démonter, il continue de disserter sur les bienfaits de D'Fusion, un logiciel qu'il vient de présenter en février dernier aux Etats-Unis lors de Demo, la convention regroupant les technologies du futur et au cours de laquelle Total Immersion a remporté un DemoGod Award. Bruno Uzzan n'est pas prestidigitateur, encore moins magicien, mais il dirige une petite boîte qui monte et qui commercialise une technologie "de rupture", selon les termes de ses clients et prospects. En fait, la fleur rouge et le sabre laser n'apparaissent qu'à l'écran et Bruno Uzzan est filmé par deux caméras reliées à un ordinateur. Celui-ci, en traitant l'image réelle, y ajoute instantanément des images de synthèse. Alors que, dans la réalité, rien ne change, sur l'écran, le logiciel fait apparaître toutes sortes d'objets virtuels qui interagissent avec les éléments du réel. Autre exemple : piloté par Valentin Lacambre, le PC équipé du logiciel D'Fusion mis au point par la start-up transforme le sabre en une petite plate-forme sur laquelle se trouve une Audi TT miniature. Bruno Uzzan rapproche la plate-forme de la table placée devant lui et fait doucement rouler le véhicule vers elle. Aussitôt, Valentin Lacambre prend son joystick et télécommande la petite Audi sur la table, au milieu de divers obstacles assemblés pour l'occasion et préalablement modélisés. Plus tard, il fera apparaître un hélicoptère virtuel qui, à l'écran, s'envolera au-dessus du public médusé. Amusant !
Renault et PSA, très intéressés par D'Fusion
Mais si la présentation a indéniablement un côté ludique, le produit de Total Immersion n'en reste pas moins très sérieux. Même si les deux jeunes entrepreneurs envisagent, dans un futur proche, de se lancer dans le marché des jeux vidéo, le logiciel D'Fusion constitue avant tout un véritable potentiel de réduction des coûts de développement de nouveaux produits. Deux fonds d'investissements, Partech International et I-Source Gestion, ne s'y sont pas trompés et ont, dès le lancement de la société en 1999, décidé de le financer. De même, Total Immersion s'est appuyée sur des partenaires institutionnels tels que l'Anvar, l'Inria ou encore le ministère de l'Industrie. Les constructeurs automobiles français se sont également très tôt penchés sur le logiciel mis au point par Valentin Lacambre. Les technologies liées à la réalité virtuelle sont en effet de plus en plus prisées par les équipes de développement produit des constructeurs, qu'il s'agisse de tables ou de salles immersives, d'écrans échelle 1 ou de simulateurs de conduite. Elles permettent de réduire à la fois le temps et les coûts de développement, notamment en fabriquant moins de maquettes ou de prototypes. Avec D'Fusion, le constructeur peut ainsi insérer son prototype en images de synthèse dans une scène filmée et le voir évoluer dans la réalité. Un moyen de valider le design, d'autant plus que l'image peut à tout moment être modifiée, ou encore de se rendre compte de l'ergonomie de l'agencement intérieur d'un habitacle, et ce avant même qu'un prototype réel ne soit fabriqué. La véritable nouveauté est que tout cela se fait en temps réel et à partir d'un ordinateur standard (un PC avec 256 Mo de RAM, fonctionnant sous Windows XP, avec une carte graphique 2D/3D). "Pour Jurassik Park, Steven Spielberg a mis neuf mois pour sortir ses premières images de dinosaures dans la jungle, explique Bruno Uzzan. Chez Total Immersion, nous ne parlons plus de mois, mais de millisecondes." Spielberg n'a qu'à bien se tenir !
Le chiffre d'affaires devrait tripler cette année
Jusqu'à maintenant, Renault et PSA ont surtout testé le logiciel de Total Immersion, mais ils devraient cette année travailler sur son intégration concrète dans leurs processus de R&D. L'industrie automobile, avec 55 % du chiffre d'affaires de Total Immersion, constitue l'un des débouchés les plus importants de cette technologie, une tendance qui pourrait se confirmer vu que les deux dirigeants vont, dans les prochains mois, la présenter à d'autres constructeurs. En attendant, Total Immersion a déjà prévu d'augmenter son chiffre d'affaires cette année puisque, de 500 000 euros en 2003, celui-ci devrait atteindre 1,5 million d'euros en 2004.
Arnaud Dumas
ZOOMCombien ça coûte ? Une affaire moyenne se chiffre aux alentours de 150 000 euros, la licence de D'Fusion comptant pour 30 000 euros. Le reste correspond aux prestations de service, à la mise en place personnalisée du logiciel chez le client. |
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