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Constructeurs

Pôles de compétitivité labellisés, le sceau de la légitimité ?

Publié le 1 juillet 2005

Par Tanguy Merrien
8 min de lecture
Les pôles de compétitivité régionaux, ces viviers de compétences spécialisés sont en effervescence : à la fin de cet été, le gouvernement labellisera quelques-uns d'entre eux. Les pôles automobiles sont bien sûr en lice. Fin 2004, le gouvernement français lançait la labellisation des...
Les pôles de compétitivité régionaux, ces viviers de compétences spécialisés sont en effervescence : à la fin de cet été, le gouvernement labellisera quelques-uns d'entre eux. Les pôles automobiles sont bien sûr en lice. Fin 2004, le gouvernement français lançait la labellisation des...

...pôles de compétitivité. En tout, 730 millions d'euros de crédits alloués à l'industrie, répartis sur 20 pôles de compétitivité spécialisés, capables de prendre des parts de marché à l'échelle européenne et mondiale. L'appel à projet a suscité un regain de dynamisme et d'intérêt puisque chaque région où un pôle existe a présenté son dossier de candidature, qui devait être remis à la fin de l'hiver dernier. Pour mémoire, un pôle de compétitivité est défini comme la combinaison, sur un espace géographique donné, d'entreprises, d'unités de recherche et de centres de formation engagés dans des projets innovants. Cette montée en puissance des pôles a pour finalité le renforcement industriel d'un territoire, l'émergence de nouvelles activités appelées à prendre une dimension internationale, l'amélioration de la compétitivité de la France, la création et la sauvegarde de l'emploi. Une fois les dossiers examinés par les services régionaux de l'Etat, le gouvernement doit labelliser dès cet été ces pôles de compétitivité, en s'appuyant sur les avis rendus par les différentes instances d'évaluation. En tout, ce sont une quinzaine parmi les 105 dossiers présentés qui devraient être labellisés. Les thèmes des dossiers présentés sont nombreux et variés. Ils vont des technologies de l'information et des communications à la santé, des sciences de la beauté et du bien-être aux énergies et aux technologies, de la bijouterie et orfèvrerie à la ville et la mobilité durable, de l'automobile et la sécurité routière à l'aéronautique et la défense… Les pôles automobiles sont justement les premiers entrés dans la course, et les rencontres internationales de l'industrie automobile qui se sont déroulées les 8 et 9 juin derniers au Cnit de Paris ont été un moment propice pour se faire connaître et faire valoir leur justification à la labellisation. Chacun a pu ainsi apporter son témoignage sur son propre développement et sur les liens économiques et humains tissés grâce à son existence. Par exemple, le pôle régional Alsace-Franche-Comté, deuxième pôle industriel automobile après l'Ile-de-France, a âprement défendu sa candidature. Constitué de près de 450 entreprises, dont 2 constructeurs, 34 équipementiers et 400 sous-traitants, il représente environ 100 000 emplois, soit 21 % des effectifs de l'automobile en France. Le pôle bénéficie d'une ouverture naturelle vers l'Europe et les marchés de l'Est, et propose même des missions, programmées dans le monde entier, notamment aux Etats-Unis et en Chine, en Iran et en Turquie. La labellisation lui permettrait de financer des activités de recherche et développement, et de renforcer les relations entre les universités, les laboratoires, les constructeurs et enfin les équipementiers. Les deux régions Alsace et Franche-Comté, qui ont également intégré dans leur projet le respect de l'environnement, ont décidé de communiquer sous la bannière "Véhicule du futur". Cette association regroupe des entreprises, des universités, des laboratoires et des institutions axées sur le développement économique et l'aménagement du territoire. La candidature de l'association s'articule autour de trois thèmes principaux : le véhicule propre (la communication du pôle est axée sur l'environnement, les énergies nouvelles, la recyclabilité des composants des véhicules), le véhicule intelligent (électronique, sécurité du conducteur…) et le pôle compétitivité de la filière. Arnold Tramaille, président de PerfoEst, avoue sa surprise devant l'intensité du travail fourni par l'ensemble des partenaires lors de la création du pôle. "Les deux régions se sont efforcées d'optimiser ce qu'elles avaient déjà et de créer ce qu'elles n'avaient pas. Un véritable réseau s'est formé." A juste titre puisque PerfoEst est une association de 158 membres, équipementiers et fournisseurs de rang 2 et plus, tous localisés dans l'Est de la France. Quant à Luc Schwab, directeur recherche et développement chez Mark IV Systèmes, équipementier spécialisé dans les moteurs, il estime que "la position géographique du pôle est très intéressante car elle est ouverte sur l'Europe". Un atout qu'il est nécessaire de coupler avec une communication renforcée, afin de médiatiser l'ensemble. Et il ajoute : "Le moteur du pôle n'est pas dans la rupture technologique, comme la pile à combustible par exemple. La rupture technologique est une expression à la mode, très jolie, mais qui demeure un concept. Nous préférons nous baser sur des sujets continus. Quant à la labellisation, elle n'est pas obligatoire, mais il s'agit d'une reconnaissance des autorités de votre existence et de votre justification. En Alsace Franche-Comté, l'automobile, ça n'est pas rien. Et la création d'un pôle automobile a reconfiguré la carte géographique française. Certains ne savaient même pas qu'il y avait un tel potentiel chez nous", reprend Arnold Tramaille. Et de conclure : "La labellisation apporterait une légitimité supplémentaire à notre existence et nous permettrait de nouer de nouveaux contacts. Pour nous, elle aurait un effet de levier, c'est certain."

Des produits de haute technicité, très spécialisés, impossibles à fabriquer dans les pays à faibles coûts

Partons maintenant du côté de la Haute-Normandie et plus précisément du côté de Rouen. Là-bas, le Technopôle du Madrillet regroupe plusieurs établissements afin, selon les termes d'Olivier Thierry, son directeur général, de fusionner la recherche, l'enseignement et l'industrie. "L'objectif est de passer de la recherche fondamentale à une application concrète, grâce à une collaboration entre chercheurs et entreprises pour développer les moteurs du futur." Stratégiquement situé à quelques kilomètres du site de Renault Cleon, le Madrillet travaille également avec la Snecma et peut ainsi développer des axes de recherches dans la motorisation spatiale. "La labellisation du pôle favoriserait et porterait l'émergence de nouveaux projets", lance Olivier Thierry. Concrètement, l'apport du Technopôle aux entreprises locales se caractérise par une aide personnalisée à celles qui en éprouvent le besoin. Pour mieux comprendre, Georges Bobin, directeur général de CMS France, sous-traitant spécialisé dans l'électronique, témoigne : "Le Madrillet nous fournit des compétences pointues, nous aiguille et apporte des réponses à nos questions. Je pense qu'il n'est pas nécessaire d'avoir une taille mondiale pour être présent sur le marché international (CMS emploie 80 personnes et réalise un CA de 15 millions d'euros). Il suffit, reprend Georges Bobin, de définir une stratégie - comment apporter à nos clients la haute valeur ajoutée qu'ils souhaitent - et de renforcer nos moyens en nouant des partenariats. C'est ce que nous avons trouvé avec le Madrillet." Les produits que la société fournit sont personnalisés selon les besoins de ses clients. CMS travaille, par exemple, en ce moment avec Faurecia sur les signaux électroniques carburation et injection directe. "Nous ne faisons pas de grandes séries, seulement des produits très spécifiques et très spécialisés, toujours en flux tendu. Il est impossible de les produire dans les pays à bas coûts, c'est ce qui fait d'ailleurs notre valeur ajoutée." N'en déplaise aux Américains, nous avons aussi notre vallée technologique avec le pôle Normandie Motor Valley, qui, selon Jean-Dominique Wagret, intervenant en qualité de délégué régional Haute-Normandie de Renault, "n'est pas seulement une unité géographique, mais un étalement d'entreprises dans la région, qui s'inscrit dans la suite logique du Madrillet". Selon lui, les orientations en terme de recherche doivent prendre en compte la rupture technologique inévitable due au manque de pétrole, "Il faut trouver d'autres énergies et être capable d'anticiper pour pérenniser notre tissu économique", assène-t-il. "Ce pôle doit devenir une référence en France dans le domaine de la propulsion appliquée aux moteurs auto et spaciaux. Normandie Motor Valley est porté par Renault, la Snecma, la région et les entreprises qui soutiennent le projet, comme Valeo, Magneti Marelli ou bien 3M." La constitution du pôle a donc balayé la coutume normande qui dit qu'il faut vivre caché pour vivre heureux ? "En effet, les échanges d'expériences et le travail collectif ont poussé les gens à se fréquenter, et donc à mieux se connaître. C'est vital. Les gens ont compris que la concurrence ne venait pas de leur voisin, mais bel et bien des pays situés à des milliers de kilomètres de chez eux. De plus, c'est par le respect de la qualité, du coût et des délais que nous gagnerons en valeur ajoutée".

"Nous ne nous faisons pas d'illusion, l'Etat n'a pas d'argent"

Le pôle de compétitivité apporte de l'innovation. La labellisation, de la reconnaissance. Sur ce dernier point, chacun le reconnaît. En revanche, label ou pas, le pôle doit poursuivre son parcours. Il a vécu sans, il peut continuer ainsi. Certains existent depuis des années, d'autres sont plus récents, mais tous ont les mêmes besoins. La labellisation peut être un vecteur d'attractivité, un moyen d'aller plus loin dans les projets et d'en créer de nouveaux, mais loin de s'attendre à une révolution, les régions qui ont créé un pôle s'unissent d'une seule et même voix pour interpeller l'Etat et faire valoir leurs attentes. "Nous ne nous faisons pas d'illusion, l'Etat n'a pas d'argent, mais nous attendons de ce dernier des exonérations fiscales et des lignes de crédit qui nous permettraient de nous équiper progressivement. Nous attendons également que la réglementation française soit aussi compétitive que celle des autres pays européens" D'autres sont un peu plus cassants dans leurs propos : "La France est un peu plus intelligente que certains de nos dirigeants le pensaient : 105 dossiers de projets de pôles ont été déposés, au lieu des 8 attendus !" Un retour à la simplicité dans les relations semble également retenir les faveurs des pôles et de leurs représentants. "Il faut que la relation donneurs d'ordre, sous-traitants et fournisseurs de rang 2 et 3 réapparaisse. Pour cela, il faut bouleverser les cultures et entrer dans une nouvelle phase, celle du développement entre les régions, entre les entreprises et entre les pays. Il faut porter ces pôles français au même niveau que les pôles européens. En d'autres termes, être optimum, être actif, être présent, absolument."


M.B.

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