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Constructeurs

Paroles d’experts

Publié le 21 avril 2015

Par Alexandre Guillet
9 min de lecture
Nous avons sollicité plusieurs experts renommés (*) pour évoquer BMW Group et cette petite musique de chambre aboutit à un concert de louanges. Cependant quelques nuances d’analyse se font jour, donnant matière à réflexion. Extraits. (*) EY et KPMG ont décliné notre invitation, mettant en avant que BMW Group était un client de premier ordre pour leur groupe.
Guillaume Crunelle, Deloitte.

Les clés du succès de BMW

Guillaume Crunelle, Deloitte : “BMW a enregistré un exercice 2014 exceptionnel, mais il ne faut pas oublier que le groupe est leader dans le Premium depuis 2005. Trois éléments méritent, à mon sens d’être mis en avant. Primo, BMW fait aujourd’hui valoir la gamme la plus étoffée de son histoire, sans oublier les faits marquants de la naissance de la marque BMW i et de Zinoro en Chine, fruit de la coentreprise BMW Brilliance Automotive Ltd. Secundo, la marque possède une couverture mondiale très équilibrée entre l’Europe, l’Amérique du Nord et l’Asie, principalement la Chine. Son marché domestique est resté un ancrage important, l’Allemagne étant le 4e marché de la marque. Enfin, la hausse des volumes de ventes ne s’est pas opérée au détriment de la marge. BMW a dégagé une marge opérationnelle de 9,6 % l’an passé, grosso modo au niveau de celle d’Audi, qui bénéficie pourtant des synergies du groupe Volkswagen”.

Rémi Cornubert, Oliver Wyman : “Force est de reconnaître que BMW représente une success-story assez incroyable et on peut surtout y voir le succès d’une stratégie très orientée sur le long terme. Présent sur les marchés traditionnels, BMW a su saisir les opportunités des marchés émergents, Chine en tête. Le groupe réalise une parfaite segmentation du marché mondial et du territoire CSP+, le lancement de Zinoro en Chine en étant une belle et récente démonstration. Par ailleurs, l’expansion tous azimuts du plan “produits”, nouveaux modèles, multiplication des silhouettes et des versions, est remarquable et a notamment permis la conquête des segments moyens du Premium. On pense bien entendu au rôle pionnier de la marque pour les SUV, mais aussi aux silhouettes hybrides comme X6 ou X4 par exemple. Ajoutez à cela une gamme de moteurs au top niveau, notamment le développement de blocs Diesel performants qui ont ouvert la voie royale chez les flottes, avec de solides VR en appui. Sans oublier les nouvelles énergies et en parallèle, une stratégie d’allégement très pointue”.

Meïssa Tall, Kurt Salmon : “Malgré une concurrence renforcée, le groupe BMW a su maintenir sa position de leader du Premium dans le monde et se distingue par sa véritable homogénéité dans sa couverture des marchés. L’extension de la gamme est naturellement à souligner, avec de jolis paris gagnés à la clé, comme X1 ou la création de nouvelles niches. La réussite sur la croissance des volumes est particulièrement remarquable, car BMW est pour l’heure le seul pure player Premium, se différenciant en cela d’Audi qui est adossé à la forteresse Volkswagen. Ou encore d’un Jaguar Land Rover, exclusivement Premium mais sans les volumes”.

Une empreinte “Norbert Reithofer”

Rémi Cornubert, Oliver Wyman : “L’immense succès rencontré par le groupe BMW peut naturellement être largement attribué à Norbert Reithofer, même si ce dernier préfère rester discret, notamment dans les médias”.

Meïssa Tall, Kurt Salmon : “Norbert Reithofer a fait preuve d’une remarquable consistance dans sa stratégie. Ses grandes lignes directrices sont en outre toujours claires et très lisibles. Et il convient de ne pas oublier que c’est lui qui est l’artisan de la réussite de la pénétration de BMW sur le marché chinois”.

Guillaume Crunelle, Deloitte : “Norbert Reithofer a su profondément transformer le groupe BMW, notamment avec l’élargissement de la gamme, tout en respectant son ADN, particulièrement la place centrale de l’ingénierie dans les projets. Par ailleurs, il sait partir à son apogée tout en préparant sa succession, ce qui n’est pas le cas partout, loin de là… Pour autant, il reste volontiers dans l’ombre, privilégiant toujours le groupe au CEO star”.

Quelle future extension pour la gamme BMW ?

Rémi Cornubert, Oliver Wyman : “On peut imaginer qu’un très gros SUV sera vraisemblablement commercialisé dans un avenir proche. C’est presque officialisé… Par ailleurs, pourquoi ne pas explorer le segment des pick-up ? Et il ne faut pas perdre de vue que la marque BMW i est appelée à se développer à l’avenir”.

Guillaume Crunelle, Deloitte : “BMW a mené une extension de gamme tambour battant, mais avec un jeu de naming pair-impair qui maintient une lisibilité très facile. Si d’autres pistes sont envisageables, Zinoro en étant une illustration, le principal enjeu va désormais se situer dans la capacité du groupe à renouveler rapidement sa gamme. C’est la prochaine étape et elle est d’importance dans la mesure où elle conditionne le niveau de rentabilité”.

MINI, l’épopée belle

Meïssa Tall, Kurt Salmon : “Dans son ensemble, MINI est un incontestable succès, même si certains élargissements de la gamme ont eu des résultats nuancés. Cependant, les fondations restent robustes, même si la marque n’a pas la force de l’image de BMW pour étendre sa gamme à l’infini. Le choix du recentrage sur un nombre réduit de modèles apparaît donc judicieux, car l’identité très forte sera à nouveau un atout. Et n’oublions pas les perspectives ouvertes par l’introduction de nouvelles propulsions au sein de la marque”.

Rémi Cornubert, Oliver Wyman : “MINI est un très beau succès, d’autant plus que le fait de partir du revival d’un modèle culte pour parvenir à une gamme de sept modèles n’était pas une tâche aisée, on a presque tendance à l’oublier aujourd’hui. Au sein du groupe, la politique de différenciation des trois marques automobiles est très efficace et chacune d’entre elles possède un périmètre bien identifié, ce qui favorise le développement d’une identité très forte”.

Guillaume Crunelle, Deloitte : “Au-delà de la belle histoire et de l’incontestable succès de la marque, MINI est aujourd’hui un sujet d’importance, car nous parlons tout de même de 300 000 véhicules vendus annuellement ! Là encore, l’élargissement de la gamme a été intense et globalement couronné de succès. En outre, on peut souligner que la marque MINI offre au groupe un espace de réflexions où l’audace est bienvenue, ce qui n’est pas négligeable”.

L’avenir doré de Rolls-Royce

Meïssa Tall, Kurt Salmon : “Le groupe BMW a su redonner tout son prestige à cette marque mythique et à la moderniser sans écorner un seul instant son caractère ultra-exclusif. Il convient aussi de relativiser l’importance de la marque pour le groupe car même si les marges sont très élevées, Rolls-Royce n’est pas le premier contributeur des résultats financiers du groupe et un éventuel fléchissement de ce côté ne créerait pas de déséquilibre significatif”.

Guillaume Crunelle, Deloitte : “La voie du succès est toute tracée et il n’y a pas l’ombre d’un seul nuage à l’horizon. Mais ce qui frappe le plus aujourd’hui, c’est la puissance de l’image de la marque partout dans le monde”.

Le défaut de la cuirasse existe-t-il ?

Rémi Cornubert, Oliver Wyman : “Il est vraiment difficile de trouver une véritable faiblesse dans le groupe. A mon sens, la taille intermédiaire du groupe n’en est pas un, car le très haut niveau de rentabilité et un solide actionnariat lui permettent de se financer aisément. De plus, BMW ne s’entête pas dans l’isolement, le partenariat élargi avec Toyota en étant une parfaite illustration. Et BMW sait se diversifier en prenant des participations dans plusieurs entreprises spécialisées dans les matériaux d’avenir notamment”.

Guillaume Crunelle, Deloitte : “Je ne vois pas de défaut dans la cuirasse, mais cela n’exclut pas pour autant toutes les interrogations. Ainsi, de par sa taille, on peut se demander si BMW aura la capacité de suivre le rythme de l’innovation qui s’annonce dans les années à venir. Connectivité, réduction des émissions polluantes, véhicule autonome… on parle de budgets considérables au-delà des défis technologiques. Or en taille, il y a un rapport d’environ 1 à 5 entre BMW et le groupe Volkswagen par exemple. Audi bénéficie donc de synergies et Mercedes-Benz fait de même par le biais de son partenariat avec l’Alliance Renault Nissan pour son entrée de gamme. Certes, le groupe BMW possède aussi des partenariats très solides et les projets avec Toyota sont prometteurs. Disons que ce n’est nullement un motif d’inquiétude, mais tout de même une interrogation”.

Meïssa Tall, Kurt Salmon : “Sans prétendre à faire de la perspective à cinquante ans, il n’y a, à moyen terme, aucune faiblesse identifiable. La question de la taille critique n’est pas un souci et je dirais même que le fait d’être un pure player Premium peut être un avantage. Car l’avantage de la grande échelle, celle de Volkswagen pour Audi par exemple, n’empêche pas qu’on ne peut pas tout mélanger dans le Premium. Le Premium a son propre écosystème, avec des typologies d’acheteurs et de fournisseurs bien spécifiques. A mon sens, BMW a d’ailleurs la juste taille critique du Premium. Et son niveau de rentabilité lui permet de rester indépendant”.

Le segment Premium est-il verrouillé par BMW, Audi et Mercedes-Benz ?

Rémi Cornubert, Oliver Wyman : “BMW, Audi et Mercedes-Benz ont de l’avance et une marge confortable vis-à-vis de leurs autres concurrents. Ils réunissent tous les ingrédients du Premium : histoire, technologies, qualité, etc. La force de leur image et la rigoureuse exécution de leur stratégie respective ne montrent de surcroît aucun signe de fléchissement”.

Meïssa Tall, Kurt Salmon : “Ces dernières années, BMW, Audi et Mercedes-Benz ont conforté leur position sur le marché et sont même sortis renforcés de la crise. Cependant, rien n’est figé, comme l’a d’ores et déjà démontré un nouvel entrant comme Tesla. D’autant plus que des défis comme l’électrification, la connectivité et l’autonomie de conduite ouvrent de nouveaux espaces pour ceux qui voudraient faire bouger les lignes”.

Guillaume Crunelle, Deloitte : “Le Premium se définit par des produits, des technologies et des services de qualité supérieure, mais aussi par une forte image de marque et un imaginaire. Un bon produit, cela peut se copier ou se développer avec des moyens. L’image de marque, cela peut se construire, mais c’est long. Quant à l’imaginaire, c’est un temps encore plus long avec une part d’irrationnel. Dès lors, on peut penser que le trio allemand va rester souverain dans les années à venir. Toutefois, avec les nouveaux modes de propulsion, des interstices peuvent apparaître et Tesla en a fait, à son échelle certes, la démonstration”.

 

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