"Nous nous approchons de changements considérables en termes de structure des marchés et de conception des produits"
JOURNAL DE L’AUTOMOBILE. En 1996, on vous propose donc de prendre en charge la direction Produits de Citroën. On a coutume de dire que la marque allait mal à l’époque, avec des produits sans âme, voire même discutables… Est-ce un jugement trop empreint de vision rétrospective ou la tâche vous semblait-elle effectivement très ardue ?
VINCENT BESSON. On peut le tourner de différentes façons, mais une chose est sûre : quand on vous propose cette fonction, vous acceptez, car ça ne se refuse pas ! Même si la marque était à cette période-là faible en termes d’image et de produits, elle continuait à faire rêver. Par ailleurs, le champ des possibilités était immense ! En fait, c’est presque plus simple, entre guillemets, de construire quand le champ des possibles est très ouvert que de faire bouger des lignes dans un univers déjà très architecturé et cohérent. Aujourd’hui, on mesure le changement, mais il a aussi été rendu possible par un concours de circonstances au niveau de l’organisation et des hommes.
JA. Mais comment résumeriez-vous le succès actuel en une recette, car s’il y a eu des inspirations et une volonté commune de décideurs, il y a aussi eu des méthodes et des plans ?
VB. Avant toute chose, il y avait à cette époque une volonté affichée de la direction générale de donner un nouvel élan à Citroën, une volonté qui s’est encore renforcée à l’arrivée de Jean-Martin Folz. Mais il ne faut pas croire non plus que nous partions d’un ex-nihilo, car Luc Epron avait déjà initié beaucoup de choses. Par exemple, le principe et les grandes bases des modèles Xsara Picasso et Berlingo étaient arrêtés. Or ces modèles ont donné les premiers signes forts d’un renouveau de la marque. Ensuite, je ne sais pas si on peut parler de recette, mais nous y sommes allés franchement sur la base d’analyses et de convictions d’une petite équipe. Comme je l’évoquais, c’était plus facile qu’aujourd’hui. Car nous n’avions guère à gérer le prolongement de succès. Désormais, les choses sont bien différentes et nous devons précisément renouveler des modèles à succès. Une difficulté qui a aussi ses avantages car le succès confère de la crédibilité, pour convaincre en interne comme pour séduire le client final.
JA. Quels sont les projets-phares que vous mettriez volontiers en avant pour leur réussite ou l’attachement particulier que vous leur portez ?
VB. Sur ce chapitre, je ne peux parler que de Citroën, car je suis peu intervenu sur les modèles sortis récemment chez Peugeot. Ma contribution a été très réduite.
JA. Pourtant, de nombreux collaborateurs soulignent que votre rôle a été décisif pour forcer la décision sur RCZ et franchir le cap de la série ?
VB. C’est un peu différent… En 2007, Christian Streiff est arrivé à la tête du groupe et il a bousculé l’entreprise, notamment sous l’angle de l’organisation. Il avait ainsi créé un certain nombre de groupes de travail sous l’égide du plan Cap 2010. Un de ces groupes traitait du plan Produits et on m’en avait confié le pilotage. C’était vraiment une période incroyable, on ne peut vivre ça qu’une fois dans sa vie !!! La direction générale vous demande tous les quinze jours de venir présenter des nouveaux projets et des nouvelles idées ! Et ce n’est pas désordonné, car ces présentations doivent intégrer les coûts, la rentabilité, etc. En revanche, on s’inscrit dans une chaîne décisionnelle très courte car si tel projet est jugé valable, il est immédiatement validé et lancé. Pour Peugeot, c’est dans ce contexte que le 3008 Hy4 a été lancé et il en va de même pour RCZ que j’ai, il est vrai, soutenu, par conviction !
JA. Revenons à Citroën, quels projets vous tiennent le plus à cœur ?
VB. Il y a assurément la première C3, le premier modèle sur lequel je suis intervenu de A à Z avec mes équipes. Pour le succès commercial que l’on connaît, ce qui explique sans doute aussi pourquoi j’ai autant d’affection pour ce projet… Par ailleurs, la saga du Berlingo, indissociable du Partner, prend une place particulière dans mon esprit, une voiture incroyable qui n’arrête pas son expansion année après année. Enfin, la genèse du projet DS, y compris le lancement de DS3 naturellement, me berce aussi le soir !
JA. Attardons-nous précisément sur DS car le jury a, bien entendu, salué le concept, les produits, mais aussi une montée en gamme n’allant pas chercher le face à face avec les allemandes comme par le passé et un positionnement amenant la marque sur de nouveaux territoires. Nombreux sont ceux qui vous en attribuent la paternité, le confirmez-vous ?
VB. Je suis gêné… D’une part, parce que je ne cherche pas les honneurs et d’autre part, parce que dans le secteur automobile, on ne peut pas dire “je suis le père de telle ou telle voiture”… ça n’existe pas ! Bref, le projet DS trouve ses racines au moment de la réflexion sur le remplacement de la première C3 et de la C2. Le tandem avait très bien fonctionné, mais avec des résultats un peu différents de ce qu’on avait imaginé au départ, à savoir que la C3 s’est beaucoup mieux vendue que prévu et que la C2 s’est, elle, moins bien vendue tout en jouant parfaitement son rôle de protection de la C3. Ainsi, beaucoup de gens qui venaient en concession pour le prix d’appel de la C2 repartaient avec une C3. Au moment du renouvellement, il faut aussi prendre en compte que la C1 était arrivée, fruit de la collaboration avec Toyota. Dès lors, la C2 n’était plus aussi légitime, surtout qu’elle était fabriquée sur la même plate-forme que la C3 et que son coût de revient était bon an mal an similaire, alors que son prix de vente était inférieur.
L’idée a alors germé, dès 2004 sur la base d’analyses des attentes clientèles, de faire une trois portes, mais plus chère que la cinq portes, ce qui était iconoclaste à l’époque. C’est parti comme ça, en fait. Ensuite, on peut distinguer deux temps dans l’opération. Entre 2004 et 2006, il a fallu détailler ce choix et surtout convaincre la direction, car ce qui peut paraître évident aujourd’hui ne l’était vraiment pas du tout alors. Arrive ensuite Christian Streiff qui voulait monter plus encore en gamme la DS3. Il a fallu trouver un compromis car ce n’était pas possible.
JA. A partir de quel moment est née l’idée de ligne, au-delà d’un modèle ?
VB. Les choses se sont faites progressivement. Quand l’idée de la DS3 a été validée, avec son nouveau positionnement, est ensuite venue l’heure de renouveler la C4. En fait, il faut bien comprendre qu’il ne s’agit pas de faire des voitures supplémentaires ; il s’agit d’un renoncement à certaines voitures pour en faire d’autres différemment. En schématisant, voici le tableau : nous renonçons à une C2 pour faire une DS3 ; nous renonçons à une C4 coupé pour faire une DS4. Pour la DS5, les choses sont un peu différentes. En effet, la réflexion a débuté simultanément à l’ouverture du chantier de la nouvelle C5. Nous nous posions la question de la succession de la première C5, en souhaitant changer le positionnement de la voiture. La tentation de faire quelque chose de radicalement différent se faisait sentir, mais le concept-car Sport Lounge est arrivé trop tard par rapport aux contraintes de calendrier de la nouvelle C5. Restait à convaincre la direction de faire la DS5 en plus de la C5, et nous y sommes parvenus dans le cadre du groupe de travail que j’ai déjà évoqué.
JA. Intimement, êtes-vous surpris par l’ampleur du succès de DS3 et par ailleurs, comme le relèvent plusieurs membres du jury, ne pensez-vous pas que le plus dur commence en fait avec DS4 et DS5 ?
VB. Actuellement, nous sommes sur la trajectoire que nous avions imaginée. Nous sommes évidemment satisfaits, mais ce n’est effectivement que le début. C’est une épreuve de triple saut et il faut donc réussir les trois sauts. C’est d’autant plus important qu’il s’agit à la fois d’une démarche produits et d’une démarche touchant à la marque même. Car avant tout, nous avons fait ces choix en constatant que la notion de valeur de marque devenait de plus en plus importante ! Au-delà du produit, il fallait donc aussi un souffle nouveau étrennant de nouvelles valeurs de marque. Bref, le lancement de DS3 est très bon, mais ce n’est qu’un début et il nous reste encore plus des deux tiers du parcours à accomplir.
JA. Votre fonction se trouve au confluent de plusieurs disciplines et champs de compétences, style, marketing, gestion des différents marchés, produit bien sûr… Tout d’abord, comment avez-vous appréhendé la mondialisation, qui existe depuis longtemps dans l’industrie automobile, mais qui s’est considérablement accélérée au cours des dix-quinze dernières années ?
VB. Les masses se sont totalement inversées… En 2010, la Chine est devenue le premier marché automobile en tant que pays. En raisonnant en termes de zone géographique, ce basculement ne saurait tarder. Et à un horizon 2020, on passera vraisemblablement d’un rapport du simple au double. Bref, la façon même d’envisager et de programmer le business change significativement. Dans un passé encore très récent, l’Europe était au centre de nos préoccupations, mais l’année 2010 a scellé un changement complet de l’équilibre des choses. Nous savons que l’essentiel de nos volumes, et de nos marges, ne sera plus dans cette zone à l’avenir.
Notre adaptation de cette nouvelle donne mondiale s’est considérablement accélérée depuis la mise en place de la nouvelle direction générale en 2009 sous l’égide de Philippe Varin, avec pour ambition d’avoir un coup d’avance en matière de produits et services et de devenir un groupe global.
JA. Ouvrons une parenthèse, comment rattraper votre retard en Chine, sachant que Citroën n’est que la 18e marque sur ce marché et que Peugeot ne figure pas dans le top 20 ?
VB. La croissance est très forte en Chine et même si vous ne la percevez pas encore dans toute son ampleur, notre stratégie de développement, notamment “produits”, est paramétrée pour en tirer profit à un rythme soutenu. Le développement de nos partenariats en témoigne. Cependant, il convient de ne pas s’arrêter uniquement sur la Chine. D’une manière générale, on s’approche de changements considérables en termes de structure des marchés. Il est difficile de savoir si c’est dans 5, 10 ou 15 ans, mais c’est un signal très fort. Cela concerne la taille des véhicules mais aussi la façon de les faire. Donc, même sur les marchés dits matures, ce n’est pas aussi stable qu’on veut bien le croire…
JA. Prosaïquement, comment appréhendez-vous ce phénomène au niveau des produits, étant entendu qu’une 508, par exemple, est déjà largement “made for China” ?
VB. Sur le plan du produit, au-delà des marchés, le principal driver d’avenir réside dans l’écologie, notamment la réduction des émissions, celles de CO2 en particulier. Les pays occidentaux, ceux de la zone Europe en tête, sont déjà très orientés vers cette problématique, ce qui se traduit par les choix technologiques, l’évolution de la taille des véhicules, etc. Actuellement, la Chine en est encore au stade du “plus c’est gros, plus c’est beau”, mais cela ne va pas durer. La convergence va être plus rapide qu’on ne le pense. D’ici une dizaine d’années, tous les grands marchés mondiaux vont donc converger, peu ou prou, vers le même objectif de réduction de la consommation et des émissions. Par conséquent, les produits et les technologies qui leur sont associées vont aussi converger, même s’il restera des variantes et des spécificités locales. Mais il faut bien comprendre que les investissements à consentir pour atteindre les futurs seuils d’émissions et de consommation sont considérables ! Dès lors, il sera de plus en plus difficile d’avoir des produits ou des silhouettes totalement différentes d’une zone du monde à l’autre. Il y en aura, mais bien moins.
JA. Comment le facteur clé du pouvoir d’achat va-t-il interagir avec cette nouvelle donne ?
VB. C’est assurément le second driver clé avec lequel nous devons composer. D’une part, il faut être capable de répondre à une demande sur les segments supérieurs, voire haut de gamme. Au-delà des références du Premium, cela passe par des produits distinctifs et valorisants, comme nos marques en proposent par exemple. C’est aussi un précieux levier pour amortir les investissements sur le volet environnemental. Mais d’autre part, il faut aussi concevoir des produits plus économiques et c’est pour le plus grand nombre ! Le phénomène du low-cost est intéressant, mais il y a plusieurs façons de l’appréhender. Dans une autre mesure, la relative descente en gamme chez les spécialistes est aussi porteuse de sens. Dans ce contexte, la force de PSA Peugeot Citroën est de savoir s’adapter sur un certain nombre de marchés et de faire des produits précis et les plus spécifiques possibles. L’attractivité est un enjeu central. Car le renchérissement technique des produits pour satisfaire aux enjeux environnementaux, il faudra bien l’absorber…
JA. Le low-cost est devenu un mot-valise qui pèche souvent par imprécision. Au sein du groupe et par rapport au projet Essentiel, où placez-vous le curseur du low-cost ?
VB. La nécessité de faire des produits réalisés de façon différente avec des philosophies différentes pour abaisser les coûts desdits produits est incontournable. La part du budget des ménages consacrée à l’automobile chute et pour prendre une image, je dirais que les arbres ne montent pas jusqu’au ciel. Par ailleurs, à l’échelle mondiale, une population jeune se densifie. Donc, il faudra proposer des produits plus abordables. Il y a plusieurs façons de s’y prendre. Si on se concentre sur l’Europe, vous avez Dacia, pour l’instant la seule marque avec de vrais produits low-cost, d’autres se positionnant davantage sur l’Entry comme Chevrolet ou Nissan avec la Micra. Le low-cost est issu de la grande distribution et des compagnies aériennes et le concept concerne plus les services que les produits. On peut s’attaquer au produit, comme Dacia, mais on constate aujourd’hui que les modèles montent en gamme et par ailleurs, le CO2 va bientôt poser de nouveaux problèmes. Ne nous méprenons pas, c’est une très belle aventure que je ne critique en rien. On peut encore citer des approches indiennes, coréennes ou chinoises. Mais dans ces pays, il n’est pas question de positionnement low-cost, car pour les primo-accédants, l’achat d’un véhicule est très important, symbolique même. L’enjeu est dans l’accessibilité des tarifs.
JA. Sur la base de ces réflexions, où se situe le low-cost pour les marques de PSA ?
VB. Nous sommes déjà présents au niveau Entry avec 107 et C1 par exemple. Dans cette même veine, nous avons un projet de lancement d’un véhicule mondial d’un gabarit supérieur. Nous avons d’autres axes de réflexion, même s’il est un peu tôt pour en parler. Citroën a ainsi un projet en cours, pas estampillé low-cost, mais répondant à une autre façon de concevoir et de répartir les priorités dans une voiture. Une voiture qui suscite l’envie et le désir, mais avec des prestations différentes et donc des tarifs plus accessibles. Mais avec cette voiture, le client ne sera pas dans la régression ou le renoncement. Il reste moderne en affirmant une volonté de consommer autrement. Enfin, pour Peugeot comme Citroën, d’autres réponses sont à venir. Mais comme nous voulons élever le niveau de nos marques, nous devons aussi faire très attention à ne pas écorner leur attractivité sur les marchés considérés.
JA. On en revient à l’un de vos viatiques qui prend la forme d’un slogan, “toujours mieux plutôt que toujours plus”, n’est-ce pas ?
VB. Je reviens sur le fait que l’évolution de nos chaînes de traction va avoir un impact non négligeable sur les coûts. Or, comme il n’est pas question d’augmenter significativement le prix de nos voitures, hormis pour certains modèles spécifiques, il faudra faire autrement. On en revient donc à la gestion des priorités, ce qui ne rime nullement avec appauvrissement des prestations.
JA. Dans une optique similaire, pensez-vous, comme on l’entend de plus en plus fréquemment, que les jeunes générations en Europe occidentale se détournent majoritairement de l’automobile ?
VB. Disons que le vroum-vroum ne fait plus recette, même si les valeurs de dynamisme restent importantes. Ces générations sont connectées et sont donc habituées à avoir tout, tout de suite, en n’importe quel lieu et à n’importe quelle heure. Leur vie comme leurs modes de pensée sont organisés en fonction de cela. Nous devons donc nous adapter à cette nouvelle donne et trouver les réponses adéquates. Mais de là à dire que ces générations ne trouvent pas d’intérêt à la mobilité… Bien sûr que non ! La mobilité ne cesse de s’accroître ! La vraie question est la suivante : “comment satisfaire cette mobilité dans de nouveaux contextes”. L’automobile gardera donc une place centrale. Mais la taille de cette place dépendra de notre capacité à imaginer les voitures qui plairont à cette clientèle. C’est un challenge passionnant. Dans l’automobile, la dernière grosse rupture date de l’après deuxième Guerre Mondiale et depuis lors, nous améliorons en permanence la façon de faire les voitures. Aujourd’hui, nous sommes à la veille d’une nouvelle rupture.
JA. Pensez-vous que cette phase de rupture peut permettre de réconcilier l’automobile avec la notion de progrès, notion perdue en cours de route ?
VB. Il est clair qu’aujourd’hui, d’un point de vue sociétal, la modernité et l’innovation sont plus portées par les technologies de l’information et de la communication que par l’automobile. Mais de même que le besoin de communication n’a cessé de se développer ces dernières années, et va continuer à le faire, le besoin de mobilité individuelle reste fondamental. Des innovations vont émerger même si c’est difficile de prédire à quelle date exacte, surtout que nos cycles industriels sont par nature assez longs. Mais l’automobile sera à la mobilité ce que les smartphones sont à la communication, d’autant que les deux mondes ne sont pas étanches.
JA. L’environnement tient une position névralgique dans vos raisonnements : que répondez-vous à ceux qui accusent l’automobile de green-washing ?
VB. Tout de même… Les progrès sur la consommation et les émissions ces vingt dernières années sont considérables et cela peut se vérifier à l’aune des chiffres. Le vrai débat n’est pas là, mais il doit se porter sur les progrès restant à accomplir pour réduire l’empreinte pétrole et carbone de l’automobile, tout en intégrant le fait que le parc mondial va augmenter significativement. Car n’en déplaise à certains, on ne peut pas dire à tout le monde, et moins encore aux habitants des pays en développement : “vous allez rouler en vélo”… En outre, il ne faut pas se figer dans une posture négative, amalgamant défis et contraintes, et c’est pour cela que l’automobile doit impérativement rester attractive.
JA. Quelles nouvelles technologies vous paraissent aujourd’hui les plus prometteuses ?
VB. Vu la floraison actuelle, bien malin qui peut dire que telle ou telle technologie va vraiment s’imposer… Par ailleurs, considérant que le thermique va rester dominant à court terme, dix ans voire plus, il ne faut pas négliger cette piste d’amélioration. Amélioration qui se manifeste déjà, de surcroît conjuguée au downsizing. Sur les technologies alternatives à proprement parler, la vaste famille des hybrides est prometteuse, comme le VE d’ailleurs. Et d’autres pistes à plus long terme ne sauraient être négligées. Bref, je ne vais pas jouer au jeu de la répartition du parc à horizon 2020 ou 2030, mais je suis surtout convaincu que de nouveaux standards vont émerger. Les grandes séries appellent l’uniformisation et la standardisation. Mais pour diverses raisons, on ne sait pas encore quel sera “le” standard… Dès lors, cela impose à tous les constructeurs de travailler sur toutes les solutions. D’où la complexité et la profusion actuelles. Nous sommes dans une phase transitoire.
JA. Pour conclure, quelle est votre conception du management et si vous deviez faire votre autoportrait en manager, quel serait-il ?
VB. Il faut demander à mes collaborateurs ! Parmi les choses que je sais faire, je crois qu’il y a la capacité à mettre les gens d’accord entre eux pour concrétiser quelques bonnes idées. Ce n’est pas si simple, car il y a une multitude de bonnes idées, qui parfois s’opposent même entre elles. C’est ça mon vrai travail, car générer le cadre pour que des idées germent n’est pas si compliqué que cela en fait. Sous l’angle du management, cela revient tout d’abord à se doter de collaborateurs performants et d’installer une relation très confiante, c’est la qualité des équipes. Ensuite, il faut amener les gens à s’exprimer et les écouter attentivement. En règle générale, moi, je parle assez peu. Selon les cas de figure, je rebondis sur ce qui est dit et bien entendu, j’arbitre. Une idée ne naît pas d’un seul coup, le “Eureka” est très rare et je crois beaucoup plus à l’ascension collective permanente. C’est ma conception du management et je crois que c’est ce que je sais faire et en tout cas, c’est ce que j’aime faire.
JA. Vous n’évoquez pas la passion automobile ?
VB. Je ne suis pas à proprement parler un passionné d’automobile. Et je me méfie des passionnés automobiles. Ce n’est pas de la provocation ! Je m’explique : tout simplement parce que nous sommes là pour faire des voitures pour des clients, dont le plus grand nombre n’est pas passionné. Nous ne nous adressons pas à une tribu, un cercle d’avertis. Nous ne faisons pas les voitures pour nous-mêmes, nous les faisons pour tout le monde. Cela ne veut évidemment pas dire qu’il ne faut pas une bonne dose de passion dans les équipes.
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ITINERAIRE - “Un homme de la maison”
“Je suis rentré dans le Groupe en 1977. Dans un premier temps aux Achats Peugeot pendant quatre ans, puis à la Sogedac quand la décision de mettre les Achats du groupe en commun a été prise, en 1981. Durant cette période, j’ai naturellement occupé diverses fonctions de nature très variée. Des fonctions à proprement parler Achats bien sûr, mais également des fonctions relatives à la logistique, la planification, la stratégie… Cette période m’a permis d’apprendre à vivre dans l’entreprise et de prendre mes repères par rapport au monde industriel. Ensuite, en 1993, on m’a proposé de prendre la direction des coopérations industrielles, qui était à l’époque rattachée à Peugeot. Les deux dossiers les plus importants étaient alors Renault et Fiat, car il n’y avait pas encore Ford, BMW ou Toyota. Puis début 96, on m’a proposé de prendre la direction du Produit de Citroën. Je reconnais volontiers que c’était une surprise car si, de par mon expérience, je connaissais bien l’entreprise, le produit automobile et la façon dont on le fabriquait, notamment avec le volet des fournisseurs, je n’étais nullement spécialiste du commerce et du client… Mais j’ai eu la chance d’être accueilli par Luc Epron, mon prédécesseur, qui m’a accompagné pendant quelques mois. Après c’était parti pendant plus de 10 ans. Le cycle peut paraître assez long, mais c’est une fonction où on ne peut pas construire les choses en deux temps trois mouvements et il vaut donc mieux s’inscrire dans la durée ! En 2009, j’ai pris la direction Produits des deux marques Peugeot et Citroën au sein de la direction des Marques, sous la direction de Jean-Marc Gales, créée, grâce à l’impulsion de Philippe Varin, et dont la vocation est d’ancrer les gammes des deux marques dans un territoire propre à chacune.”
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FOCUS - Le monde des idées et le renoncement fécond
“Le marketing automobile, ce n’est pas d’avoir des idées ! Des idées, tout le monde en a. La difficulté consiste à sélectionner celles qu’on peut se payer et dans celles qu’on peut se payer, savoir choisir les meilleures. En somme, il faut renoncer à beaucoup de choses, à des séries de bonnes idées pour ne garder que l’essentiel.”
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FOCUS - Un pionnier sur le sujet brûlant de la modernisation des fournisseurs
“Quand j’occupais des fonctions focalisées sur la stratégie à la Sogedac, une de nos préoccupations majeures était d’aider nos fournisseurs à s’organiser, se structurer pour faire face à toutes les nécessités de réduction de coûts, de fonctionnement logistique et de performances en termes d’innovations. Bref, une modernisation dans un souci d’indépendance et de solidité. Il est vrai que ces préoccupations restent d’actualité.”
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QUIZ
Qu’est-ce qui vous a déjà fait changer d’avis ?
“L’écoute des autres”.
De quoi êtes-vous sûr sans pouvoir le démontrer ?
“Fondamentalement, je ne suis sûr de rien… Mais dans ma vie personnelle comme dans ma vie professionnelle, ce dont je suis convaincu, c’est que face aux incertitudes, il faut du bon sens. Il ne faut jamais perdre de vue la valeur du bon sens”.
Qu’est-ce qui vous semble vraiment important et dont on ne parle quasiment jamais ?
“Le plaisir de l’aventure humaine et la valeur de partage. On parle toujours des produits, des enjeux industriels, mais on oublie trop souvent les hommes. Or c’est ça qui perdure vraiment. C’est bien cela qui fait la valeur d’une entreprise avant le produit !”.
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Palmarès des 10 derniers lauréats
• 2000 : Jean Todt
• 2001 : Carlos Ghosn
• 2002 : Jean-Martin Folz
• 2003 : Fujio Cho
• 2004 : Georges Douin
• 2005 : Sébastien Loeb
• 2006 : Sergio Marchionne
• 2007 : Jean-Pierre Ploué
• 2008 : Martin Winterkorn
• 2009 : François Fillon
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FOCUS - Les membres du jury
• Astagneau Denis, France Inter
• Barbe Stéphane, L’Equipe
• Bazizin Luc, France 2
• Bellu Serge, Automobiles Classiques
• Bolle Héloïse, Challenges
• Botella Jean, Capital
• Boulanger Pascal, LCI
• Bourroux Christophe, RTL
• Calvez Laurent, France 3
• Chapatte Dominique, M6 Turbo
• David Christian, L’Expansion
• Decarre Olivier, free lance
• Duron Dominique, Marie Claire
• Fillon Laure, AFP
• Fréour Cédric, Les Echos
• Frost Laurence, Bloomberg News
• Gallard Philippe, free lance
• Gay Bertrand, Autostratinternational
• Genet Jean-Pierre, L’Argus
• Genet Philippe, La Revue du Vin de France
• Grenapin Stanislas, Europe 1
• Jagu-Roche Jean-Pierre, Auto Infos
• Jouany Gérard, free lance
• Lagarde Jean-Pierre, free lance
• Macchia Jean-Rémy, France Info
• Marmet Jérôme, Le Journal des Finances
• Massy-Beresford Helen, Thomson Reuters
• Meunier Stéphane, L’Automobile Magazine
• Normand Jean-Michel, Le Monde/Le Monde 2
• Pennec Pascal, Auto Plus
• Péretié Olivier, Le Nouvel Observateur
• Robert Lionel, free lance
• Roubaudi Renaud, free lance
• Roy Jean-Luc, Motors TV
• Verdevoye Alain-Gabriel, La Tribune
• Zambaux Guillaume, Le Parisien
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