La réorganisation des réseaux
...et du cadre normatif de l'activité imposent des évolutions qui passent souvent par une réorganisation. Ces dernières années, la réorganisation s'est faite notamment par une concentration de la distribution et la réduction du nombre des investisseurs en vue de générer des économies de coûts de distribution. L'entrée en vigueur du nouveau règlement a précipité les choses dans la mesure où elle a imposé pour le 1er octobre 2003 des changements radicaux dans l'organisation des réseaux. La quasi-totalité des marques ont dès lors été contraintes d'engager une résiliation en vue de réorganiser leur réseau avec effet au 1er octobre 2003. En droit positif, un certain nombre de questions sont aujourd'hui tranchées, d'autres demeurent en débat et font l'objet de vives controverses en doctrine comme en jurisprudence.
Les questions résolues
Peut-on résilier un contrat de distribution en cas de nécessité de réorganiser l'ensemble ou une partie substantielle du réseau, en droit et en fait ?
L'ancien règlement n° 1475/95 le prévoyait déjà ; le nouveau a reconduit les dispositions autorisant dans ce cas une résiliation avec préavis ramené à un an. La quasi-totalité des contrats ont prévu le recours à cette clause qui existe d'ailleurs également dans le droit commun de la distribution sélective. Si la faculté de recourir à une résiliation pour réorganisation avec préavis d'un an est reconnue par les textes, elle a également été validée en jurisprudence à plusieurs reprises. Les décisions les plus importantes ont été rendues à propos de la réorganisation du réseau Rover (cour d'appel de Paris 18 septembre 2000, approuvée par la Cour de cassation) et du réseau Chrysler (TGI Paris 20 déc. 2001).
Le concédant est-il tenu de dévoiler préalablement son plan de réorganisation ?
La cour d'appel de Paris a dit pour droit dans un arrêt Fiat du 4 juin 2003 qu'il n'était pas illégitime que le plan de restructuration ne soit pas dévoilé par avance tant qu'il n'est pas définitivement arrêté, compte tenu de la nécessaire confidentialité qui s'attache à ce type de réorganisation, afin d'en préserver les chances de réussite.
Le concédant doit-il se concerter avec son réseau et recourir à une procédure de concertation préalable ?
Cette demande a été rejetée à plusieurs reprises par la jurisprudence dans le cadre des affaires Rover. Il faut cependant réserver l'hypothèse où une clause de conciliation expresse obligatoire obligerait à le faire.
Le concédant est-il tenu d'une obligation d'assistance à la reconversion de son distributeur en cas de réorganisation du réseau ?
En pratique, les constructeurs essaient souvent de trouver une solution pour les distributeurs touchés par la réorganisation, mais il n'y a pas d'obligation légale ou jurisprudentielle à assurer la reconversion des anciens membres du réseau (Cour de cassation 6 mai 2002 et cour d'appel de Paris 4 juin 2003).
Les questions en débat : le nouveau règlement justifie-t-il une résiliation pour réorganisation avec préavis d'un an ?
La position de la Commission.
Le 30 septembre 2002, alors que toutes les résiliations avaient déjà été prononcées, la Commission a fait savoir dans sa brochure explicative qu'elle considérait que le changement de règlement n'impliquait pas en lui-même une réorganisation.
Les arguments en faveur de la nécessité de réorganisation du réseau résultant de l'entrée en vigueur du règlement.
A notre sens, le nouveau règlement implique des bouleversements considérables dans l'organisation, le commerce, l'environnement économique des réseaux et le degré d'efficience requis compte tenu de l'intensification de la concurrence (passage de la concession exclusive à la distribution sélective, d'un réseau unique de concessionnaires à un double réseau primaire, du territoire restreint de la concession au marché européen, etc.).
Les divisions de la jurisprudence.
Pour le tribunal de commerce de Versailles (11 février 2004), le nouveau règlement modifie profondément les relations entre fournisseurs et distributeurs mais il a néanmoins considéré que la résiliation avec préavis d'un an était abusive. Au contraire, quasiment au même moment, le tribunal de commerce de Paris (30 janvier 2004), a reconnu que la résiliation avec préavis d'une année correspondait à une nécessité de réorganisation du réseau, la mise en place d'un réseau de distribution sélective quantitative ayant été rendue nécessaire pour la valorisation de la marque et la pérennité financière du réseau. Dans les autres pays européens, il existe aussi des décisions dans les deux sens, une majorité se dessinant cependant en faveur de la nécessité de réorganisation du réseau à l'occasion de l'entrée en vigueur du nouveau règlement, en particulier au niveau des cours d'appel (en ce sens : TGI Francfort, 3 décisions Seat ; TGI Sarrebruck 30 septembre 2003, Peugeot ; cour d'appel d'Amsterdam 21 juillet 2003 ; cour d'appel de Munich 26 févriers 2004, 2 arrêts ; en sens contraire, certaines décisions de première instance dans les mêmes pays ainsi qu'en Espagne et en Norvège). La question de la résiliation pour réorganisation est controversée et les premières décisions de cour d'appel sont très attendues en France (Pour aller plus loin, voir notre ouvrage, Droit de la distribution automobile p. 56-57, 180-185, 272-285).
Louis et Joseph Vogel
Louis et Joseph Vogel |
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