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Constructeurs

La réglementation N1 : un bel exemple de “perdant-perdant”

Publié le 3 février 2011

Par Patrice Franke
5 min de lecture
Un an et demi après la publication de la directive européenne de 2007, permettant aux constructeurs d’homologuer certains VP en VU, l’arrêté du 4 mai 2009 a transposé ce “Segment N1” dans la législation française. L’économie de taxes et impôts réalisable étant très convaincante, elle a incité de nombreux acheteurs pouvant bénéficier du régime N1 en 2010 de revoir à la hausse la motorisation de leur futur véhicule. A ce stade, les acheteurs étaient les gagnants et l’Etat était le perdant.
Un an et demi après la publication de la directive européenne de 2007, permettant aux constructeurs d’homologuer certains VP en VU, l’arrêté du 4 mai 2009 a transposé ce “Segment N1” dans la législation française. L’économie de taxes et impôts réalisable étant très convaincante, elle a incité de nombreux acheteurs pouvant bénéficier du régime N1 en 2010 de revoir à la hausse la motorisation de leur futur véhicule. A ce stade, les acheteurs étaient les gagnants et l’Etat était le perdant.

Est-ce choquant ?
- Non, en ce qui concerne les entreprises, dont le premier devoir est d’optimiser leurs achats.
- Oui, en ce que concerne le ministère du Quai de Bercy dont le premier devoir est d’anticiper les conséquences de sa loi de finances.
Devant le succès de cette nouvelle fiscalité nos candides fonctionnaires ont enfin sorti leurs calculettes afin d’évaluer le manque à “récolter” fiscal. La conséquence tardive mais logique de cette prise de conscience est que le régime avantageux des “N1 VP” a été supprimé dans la nouvelle loi de finances 2011.

Est-ce choquant ?
- Non, du point de vue de l’Etat, enfin cohérent au niveau de sa remise en cause des niches fiscales et ainsi en ligne avec la réglementation CO2 soit dit en passant…
- Oui, du point de vue des entreprises, car cette loi doit s’appliquer rétroactivement dès octobre 2010.
En droit des entreprises cette façon de procéder serait sans doute qualifiée d’abusive entraînant une rupture de contrat. Nos voisins européens seraient sans doute étonnés de constater qu’en France il serait sage de faire des provisions pour risque d’ “Etatisme arbitraire”.
Quand est-ce que l’Etat, dans le cas présent représenté par F. Baroin, comprendra-t-il que son devoir premier est de procurer de la visibilité aux entreprises ? Plus choquant encore est l’état d’esprit du sénateur Ph. Marini, rapporteur général de la commission des finances au Sénat, qui justifie le rejet de l’amendement déposé par le député A. Trassy-Paillogues, par son souci de ne pas “faire prendre une mauvaise habitude à nos entreprises”. Le député avait en effet proposé que la reforme ne s’applique qu’aux véhicules N1 immatriculés à compter du 1er janvier 2011. Malheureusement, son collègue sénateur semble avoir une vision très dépassée de la vie et des besoins des entreprises.

Qu’en est-il des constructeurs et importateurs dans cette histoire ; quel est leur rôle ?
Il est double : ils doivent défendre leurs distributeurs et plus encore ils doivent défendre leurs clients. Visiblement, les organismes de dialogue des constructeurs/importateurs avec les pouvoirs publics ont failli à leur tâche. Comment expliquer sinon une telle situation de dupes pour les clients N1 ?

Certains feront remarquer ici que cette façon de mettre les entreprises devant le fait accompli n’est pas nouvelle.
On se souvient en effet que la nouvelle fiscalité des véhicules basée sur l’émission de CO2 avait été annoncée 3 semaines avant sa mise en application, sans anticipation et ne permettant pas aux professionnels de l’automobile de se préparer en adaptant leurs approvisionnements en conséquence. Afin que les véhicules de stock restent vendables, ces derniers avaient massivement immatriculé leurs stocks en décembre. Devant ce constat, N. Kosciusko-Morizet, alors secrétaire d’Etat, s’était indignée de ces immatriculations précipitées et s’était déclarée en faveur d’un raccourcissement du délai d’annonce pour ce type de mesures. Elle aurait sans doute préféré que les concessionnaires détruisent leurs stocks !

Quelle conclusion tirer de cette habitude française de non-anticipation ?
De toute évidence nous nous trouvons bien dans un schéma “perdant-perdant”.
- perdant pour l’Etat qui gaspille ici les ressources en temps de ses fonctionnaires et ne donne pas une image de compétence de ses serviteurs.
- perdant pour les entreprises car elles subissent un arbitraire “rétroactif” !
Les syndicats de constructeurs et autres importateurs seraient bien inspirés d’éclairer nos ministères de tutelle afin de tendre vers le gagnant-gagnant.

On peut toujours rêver…

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Patrice Franke a été confronté dès l’âge de 4 ans à la problématique automobile avec sa première voiture (à pédales). Après des études de Sciences Eco, son premier vrai job lui est offert par Citroën. Epoque héroïque où les meilleures voitures étaient françaises (traction avant) et où Citroën était la meilleure des voitures françaises (...donc du monde, dixit le cours de formation Citroën). Un an de formation aux métiers du commerce Citroën l’a mené au marketing Citroën, à la promotion des ventes et à la communication avec le réseau. En 1981 il passe à la propulsion et crée le service promotion des ventes chez BMW France. C’est l’apprentissage du Premium et de la construction de l’image. Cinq ans plus tard l’impensable se produit : retour chez Citroën ; en Allemagne cette fois, en tant que directeur du marketing. Bien que parfaitement bilingue, il aura, la première année, quelques difficultés à faire comprendre aux clients allemands que le pot catalytique, que les constructeurs français n’avaient pas encore, n’est qu’une lubie pour Américains. Les concessionnaires ne faibliront pas et il prendra ainsi conscience de l’importance d’un réseau engagé et fidèle à la marque. En 1995, Patrice Franke est toujours en Allemagne ; mais chez Volvo en tant que chef du marketing. C’est en 2000 qu’il accédera aux quatre roues motrices en prenant la direction de la marque aux anneaux en France. Sous son impulsion Audi se dimensionnera pour devenir une marque à part entière, leader du marché Premium en France.
 

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