La production de véhicules en Europe aura baissé de 15,2 % entre 2009 et 2008
A la veille de l'ouverture du Salon de Francfort, toujours sur fond de récession, nous inaugurons notre partenariat avec CSM Worldwide avec les données de la production automobile dans l'Europe des 27. Histoire de mesurer...
...que la crise n'est pas un vain mot et de mieux comprendre, grâce aux analyses de spécialistes, les implications de ce phénomène de grande ampleur.
Baisse de la production en Europe : une crise, deux phases
Comme l'indiquent les données chiffrées, l'ensemble des constructeurs ont été contraints de revoir drastiquement à la baisse leur niveau de production. A six exceptions près, la plus notable étant bien sûr Hyundai-Kia, le groupe exploitant désormais ses récents sites de Zilina (Slovaquie) et de Nosovice (République Tchèque). Au-delà de la problématique traditionnelle de la surcapacité dans l'industrie automobile, la crise économique peut-elle expliquer à elle seule cette baisse de production de 15,2 % en un an dans la zone Europe des 27 ? "C'est assurément la crise qui est à l'origine de ce phénomène", affirme Denis Schemoul, analyste Production Europe chez CSM Worldwide, avant de poursuivre : "La crise a débuté en août 2008 et les constructeurs ont pris des premières mesures d'ajustement en octobre avant d'intensifier très nettement leurs efforts en décembre et janvier. C'est la première phase de la crise qui fut d'ailleurs très médiatisée eu égard au recours massif au chômage technique. Les constructeurs qui ont pris les mesures les plus spectaculaires à cette période sont Honda en Angleterre et Fiat en Italie. Ce fut aussi une période d'intense déstockage dans les réseaux. Vient ensuite la deuxième phase de la crise, caractérisée par une reprise temporaire et conjoncturelle, sous l'effet des différents dispositifs dits de "prime à la casse". C'est ce qui explique le léger rebond du niveau général de production à partir du second trimestre 2009, avec des réouvertures de lignes et des embauches d'intérimaires par exemple. Ceci étant, il faut bien comprendre que la reprise de la production n'a pas été homogène. En effet, portée par les primes à la casse, elle a concerné des sites précis, ceux qui produisent des petites voitures. A titre d'exemple, on peut citer l'usine slovaque de Skoda, le site slovène de Renault et dans l'Hexagone, Valenciennes pour Toyota, Mulhouse et Poissy pour PSA".
Primes à la casse, une fausse-bonne idée ?
Les différents dispositifs de prime à la casse ont donc permis de soutenir le niveau d'activité des usines. Cependant, ces aides, par essence limitées dans le temps, ne vont-elles pas simplement reporter le problème ? Mise au point de Guillaume Lembrez, directeur du cabinet CSM en France : "Un dispositif de type prime à la casse est une solution d'urgence, et force est de constater que ces différents programmes d'Etat ont permis à bien des groupes d'éviter des complications bien plus graves. Ce sont donc des réussites. L'effet le plus spectaculaire a été constaté en Allemagne. Mais une fois encore, il ne faut pas croire que ce succès a profité directement aux usines allemandes. Par exemple, à l'exception notable de la Golf, il faut convient de rappeler que Volkswagen produit la Polo en Espagne et la Skoda Fabia en République Tchèque. Bref, nous savons pertinemment que l'exercice 2009 a été soutenu par des éléments exceptionnels. Dès lors, il est logique que le curseur de la reprise soit légèrement reporté dans le temps. Ainsi, nous estimons que 2010 sera peu ou prou similaire à 2009 et même un peu en retrait, avec une production à -2,8 % dans l'Europe des 27. Mais cela a permis un lissage dans le temps et par conséquent, une meilleure organisation pour les constructeurs. Enfin, précision d'importance, par reprise, il faut comprendre un frémissement et ne pas envisager que le niveau de 2007 sera de nouveau tutoyé. Pour cela, il faudra vraisemblablement attendre 2015. En outre, la reprise ne sera pas poussée par les mêmes pays. Elle sera principalement portée par les sites d'Europe centrale notamment en Slovaquie et en République Tchèque, mais pas par les sites traditionnels qui tenaient le devant de la scène en 2007 et auparavant".
Le naufrage du VU devrait… durer
Sans grande surprise malheureusement, les chiffres relatifs à la production de VU sont tout bonnement catastrophiques. Dans la zone Europe 27, la production a grosso modo été divisée par deux, passant de 1,9 million de véhicules en 2007 à moins de 1 million en 2009 ! Bref spicilège des ténors de ces segments : - 240 000 unités pour Renault-Nissan, - 140 000 pour PSA et - 155 000 pour Fiat. En France, le tableau n'est pas plus engageant avec une terrible contraction de la production en deux ans : 171 000 unités en 2009 contre 343 000 en 2007. Les sites de Maubeuge (Renault) et de Valenciennes (PSA) sont rudement mis à l'épreuve. Selon Denis Schemoul, les perspectives de reprise de ce segment sont plus lointaines : "Ce marché suit les indices macro-économiques et notamment le PIB. Vu les prévisions actuellement disponibles dans ce domaine, il apparaît que le VU va encore souffrir et 2010 risque d'être au triste diapason de 2009". Et d'ajouter : "Les gros acteurs de ce marché s'apprêtent donc à voir cette période difficile durer. C'est valable pour Renault-Nissan, PSA, Volkswagen, Fiat et Daimler et à un degré moindre, pour GM et Ford".
Europe des 27 : deux dynamiques bien distinctes
Face au cycle récessif qui engendre une forte baisse de la production automobile, on ne saurait penser l'Europe des 27 comme une région homogène. En effet, un distinguo s'impose entre l'Europe "traditionnelle" des 15 et les nouveaux entrants. "Nous sommes en présence de deux dynamiques bien distinctes : d'un côté, l'Europe des 15 a perdu 4,2 millions d'unités produites entre 2007 et 2009 et s'affiche à - 22 % entre 2009 et 2008 ; de l'autre, vous avez des pays, dits "nouveaux entrants", qui sont en croissance en termes de production. Au-delà des implantations du groupe Hyundai-Kia que nous avons déjà évoquées, il faut encore parler de la Slovaquie avec PSA à Trnava, site qui se développe en ayant obtenu la C3 Picasso en plus de la 207, de la Pologne avec Ford et Fiat (notamment les nouvelles Ka et 500) et bien sûr la Roumanie avec Dacia. En outre, les constructeurs allemands poursuivent le déplacement d'une partie de la production aux Etats-Unis", explique Guillaume Lembrez. Sur le front du VU, les choses diffèrent dans la mesure où l'Europe des 15 demeure le berceau de la production, à hauteur de 80 %. Toutefois, on constate un glissement de la production de certains groupes vers les pays nouveaux entrants. C'est le cas de Ford notamment, où la Turquie et la Roumanie vont supplanter le Royaume-Uni.
Usines à risques…
"Fiat a d'ores et déjà annoncé la fermeture en 2011 de son usine en Sicile. En Belgique, l'usine d'Anvers pourrait faire les frais de la réorganisation d'Opel, tandis qu'en Espagne, l'avenir du site Renault de Valladolid est en discussion.", diagnostique Denis Schemoul. En France, l'inquiétude se révèle moins prégnante, car "des réductions de capacité ont déjà été effectuées à Aulnay, Rennes et Douai", dixit Denis Schemoul. On peut estimer que le "pacte" passé avec l'Etat garantit assez largement l'emploi, d'autant que des échéances électorales se profilent à l'horizon. Ainsi, avant son départ à la retraite, Roland Vardanega n'avait-il pas affirmé que l'usine slovaque du groupe était au sommet en terme de qualité, mais que le poids névralgique de l'emploi garantissait l'activité des sites hexagonaux… D'une manière plus générale, il convient de ne pas faire l'amalgame entre Renault et PSA sous l'angle de la production en France. En effet, Renault produit somme toute relativement peu de VP dans ses frontières domestiques à Sandouville, Douai, et Flins, tandis que PSA y fabrique la plupart de ses modèles. Guillaume Lembrez illustre cet état de faits : "Si vous prenez en considération le Top 3 des ventes des deux groupes, le constat est clair : chez Renault, la Mégane, la Twingo et la Clio sont majoritairement produites hors de France et chez PSA, les 308, 207 et C3 sont encore largement construites dans l'Hexagone".
Le segment A : ébullition et mutation
"Si le segment A est le grand bénéficiaire de la prime à la casse, sa croissance est une tendance de fond. Sa production en Europe a crû de 32 % entre 2007 et 2009 quand les segments B et C marquaient respectivement le pas de 19 et 27 %. Sans parler d'un segment D complètement sinistré : il devrait passer de 2,8 millions d'unités en 2007 à 1,8 million en 2009… Par exemple, parmi les références, la BMW Série 3 va chuter de 477 000 unités en 2007 à 295 000 en 2009 et la Mercedes Classe C de 285 000 à 188 000. Il convient naturellement de rapprocher ces chiffres de l'évolution du marché des flottes", constate Denis Schemoul, avant de poursuivre : "Cette croissance du segment A est intéressante à plus d'un titre pour les constructeurs français notamment, mais sous l'angle de la production, il faut savoir que ce segment est quasiment inexistant en France". En Europe, le segment A représente désormais près de 1,4 million de véhicules produits. Pour seulement 138 000 dans l'Hexagone, par le biais de Smart. Les principaux pays qui bénéficient de cet essor sont la Pologne (largement en tête avec plus de 500 000 unités), la République Tchèque, la Slovaquie, la Slovénie et la Hongrie. A propos du groupe Hyundai-Kia, précisons que la i10 est importée d'Inde, contrairement aux i30 et Cee'd. La croissance du segment A devrait se confirmer et s'accompagnera aussi d'un fort essor des moteurs trois cylindres. Guillaume Lembrez tient toutefois à mettre en perspective ces données brutes : "Tout d'abord, même si la croissance du segment A est intense, il ne faut pas perdre de vue qu'il ne représente entre guillemets que 8 % de la production européenne, soit 1,4 million de véhicules, contre plus de 4 millions pour le segment B et 4,2 millions pour le segment C".
Comment sortir des primes à la casse ?
Pour Denis Schemoul, "L'idéal serait qu'elles s'arrêtent lorsque s'amorcera la reprise. Du moins, il est préférable d'en sortir de manière progressive et flexible.". Sous-entendu, l'inquiétude se porte sur l'Allemagne qui va passer de tout à rien. Hors de l'Europe, c'est aussi le cas des Etats-Unis. En France, la transition s'annonce plus conforme aux souhaits des professionnels et des experts, avec vraisemblablement une sortie du dispositif étalée sur deux ans (sans doute 1 000 euros en 2010 et entre 500 et 1 000 euros en 2011).
Photo : Denis Schemoul, analyste Production Europe chez CSM Worldwide
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