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Constructeurs

La filière automobile s’affirme

Publié le 7 mai 2004

Par Alexandre Guillet
7 min de lecture
Les rencontres Mobilis ont permis aux industriels de l'automobile de discuter des évolutions de leur métier et particulièrement des nouvelles relations entre les constructeurs, les équipementiers et toute la filière automobile. Celle-ci connaît de profondes mutations qui obligent les sous-traitants...

...à revoir leurs méthodes de travail pour s'adapter à une industrie de plus en plus exigeante.


Berceau ancestral de Peugeot, qui y a installé deux sites de production réalisant 30 % de sa production mondiale, l'Alsace Franche-Comté s'affiche comme la deuxième région automobile de France après l'Ile-de-France. Entraînée par le groupe PSA, l'industrie automobile s'y est en effet particulièrement développée et on compte aujourd'hui plus de 400 entreprises, représentant près de 90 000 emplois, dont l'activité est liée à l'automobile, ce qui représente un chiffre d'affaires de 20 milliards d'euros. C'est dans ce contexte qu'ont été créées les rencontres Mobilis, une convention d'affaires se déroulant entre Sochaux et Belfort visant à faire se rencontrer les acteurs de la filière automobile. Cette convention a donné lieu à un cycle de conférences dont l'un des thèmes concernait l'évolution de l'industrie automobile et, au moyen de témoignages d'entreprises phares du secteur, visait à trouver le moyen de développer un meilleur fonctionnement de la filière automobile.

En quelques années, les équipementiers ont dû négocier le passage de sous-traitant à celui de partenaire

Ces dernières années, l'industrie automobile a en effet connu de profondes mutations qui ont donné un nouveau visage aux relations entre clients et fournisseurs. "Contrairement à ce qui se passait il y a dix ans, nos fournisseurs n'interviennent plus à partir d'un simple cahier des charges", constate ainsi Marc Tison, directeur de projet plate-forme 2 chez PSA Peugeot- Citroën. "Ils interviennent dans certains cas dès l'avance de phase, continue-t-il, avant même que la décision du lancement du projet ne soit prise." Le constructeur n'est plus le seul maître de la




ZOOM

Les participants à Mobilis

171 sociétés participantes dont 98 prestataires exposants et 73 donneurs d'ordres 30 % de participants venant d'Alsace Franche-Comté 50 % venant du reste de la France 20 % d'étrangers

technologie contenue dans ses véhicules, mais fait appel aux équipementiers pour l'aider à concevoir de nouveaux produits. Ceux qui ont suivi le mouvement ne sont plus de simples fabricants de pièces. Au contraire, ils conçoivent et développent des technologies complètes, intégrant souvent toute une fonction du véhicule et non plus seulement un élément isolé. Ils ont ainsi fini par détenir une expertise très poussée dans leur domaine. Une quasi-révolution pour les fournisseurs qui, en délaissant leur statut de sous-traitant, ont dû réaliser d'importants investissements pour pouvoir suivre la demande de leurs clients constructeurs. "Aujourd'hui, on ne nous impose plus le design d'une pièce, on nous donne l'encombrement, puis c'est à nous de concevoir la pièce", confirme Rémy Barthelme, directeur commercial du groupe Streit. Spécialisé dans l'usinage et l'assemblage de composants mécaniques pour l'automobile, le groupe Streit a ainsi, au milieu des années 90, décidé de sauter les échelons et de se rapprocher de son client final, passant ainsi de sous-traitant de rang 2 ou 3 à celui de fournisseur de premier rang. Il a dû pour cela augmenter les capacités de son bureau d'études, mais aussi s'adapter aux exigences des constructeurs en termes de production. De son côté, le groupe Trèves rappelle qu'il a signé un contrat de recherche avec PSA en 2000, afin de mettre en commun les capacités de R&D sur certains thèmes. Jacques Gaitte, directeur commercial du groupe Trèves, explique que, désormais, "le fournisseur doit avoir une politique d'intégration d'expertise de façon synergique avec le constructeur. Le constructeur veut conserver une partie des technologies et s'appuyer sur les nôtres dans d'autres domaines".

L'équipementier ne vend plus uniquement ses pièces, mais aussi ses capacités de R&D

Cette collaboration étroite entre l'équipementier et le constructeur peut même aller jusqu'à un rapprochement physique, l'équipementier détachant certains de ses ingénieurs directement dans la cellule R&D de son client. "Ce n'est pas une demande systématique de notre part", temporise néanmoins Marc Tison, qui explique que cela arrive, en général, pour de grosses fonctions du véhicule. D'ailleurs, "nous avons des moyens de communication suffisamment performants pour que ce ne soit pas nécessaire", estime Rémy Barthelme. Ces relations étroites au niveau de l'avance de phase peuvent néanmoins avoir quelques effets pervers. L'équipementier "codéveloppeur" n'est en effet pas choisi de facto pour être celui qui fournira le système développé, mais peut, au contraire, être mis en concurrence avec d'autres dans le cadre d'un appel d'offres lancé par le constructeur. "Mais nous finançons la phase de développement avec les fournisseurs, se défend Marc Tison. De plus, le fait d'avoir travaillé avec un fournisseur en tant qu'expert lui donne un avantage pour obtenir le marché." Il faut dire que les constructeurs préfèrent pouvoir faire appel à plusieurs fournisseurs sur un même produit, afin de faire jouer la concurrence, mais aussi de ne pas être dépendant d'une seule source d'approvisionnement. Jacques Gaitte explique qu'en général, "lorsque nous avons développé un nouveau dispositif, nous en assurons l'exclusivité à notre client pendant la durée de lancement du véhicule, soit environ un an". Et de poursuivre : "Une fois le potentiel marketing épuisé, le constructeur a besoin de réduire le prix de cette innovation, il faut donc augmenter les volumes de production en la diffusant auprès d'autres clients."

Toute la filière industrielle doit se structurer pour travailler de la même façon

Cette nouvelle façon de travailler entre les constructeurs et les équipementiers de rang 1 se répercute petit à petit sur les niveaux inférieurs. Ainsi, le représentant du groupe Streit estime qu'aujourd'hui, "nous avons besoin de fournisseurs capables de s'engager sur la qualité et sur la durée de vie des produits, nous nous devons d'avoir des fournisseurs capables d'accepter les mêmes contraintes que les nôtres". C'est donc d'une véritable filière de la fourniture automobile dont parlent les industriels, une filière structurée travaillant avec les mêmes méthodes qui se met progressivement en place. Les fournisseurs des rangs 2, 3 ou plus commencent ainsi à modifier leurs méthodes de travail afin de s'adapter aux exigences de l'automobile. "Nous avons encore des progrès à faire", avoue toutefois le représentant de PSA en pointant du doigt l'évolution nécessaire vers le travail collaboratif et la maquette numérique, tout en soulignant l'importance de la gestion de la confidentialité. Quoi qu'il en soit, cette répartition du travail était presque inévitable. "Pour nous, c'était une question de survie, remarque Rémy Barthelme, un choix induit par l'évolution de l'industrie automobile." Une évolution dont l'un des principaux avantages s'est manifesté, selon Marc Tison, "par une amélioration de notre réactivité quant à l'intégration d'innovations dans nos véhicules et par une réduction de notre temps de développement : de cinq ans il y a dix ou quinze ans, il est passé à trois ans aujourd'hui". Et cela ne devrait pas s'arrêter là…


Arnaud Dumas





DETAILS

Mobilis se dote d'une convention d'affaires

Initiées par la communauté d'agglomération du Pays de Montbéliard, le conseil régional de Franche-Comté et le conseil général du territoire de Belfort, les rencontres Mobilis ont pour principal objectif de promouvoir la filière automobile du pôle Alsace Franche-Comté. Trois jours durant, l'industrie automobile se retrouve ainsi au cœur de la région. Nouveauté cette année : les organisateurs ont ajouté à la manifestation, en plus du colloque, une convention d'affaires permettant aux sous-traitants automobiles de rencontrer des donneurs d'ordres, constructeurs et équipementiers. Entre les 98 exposants et les 73 donneurs d'ordres présents, se sont ainsi déroulés près de 760 rendez-vous programmés à l'avance auxquels se sont ajoutés, selon les organisateurs, environ 450 rendez-vous spontanés. Au moyen de ces rendez-vous ciblés, les participants ont ainsi eu l'occasion de nouer de nouveaux contacts et, éventuellement, de développer de nouvelles affaires. Satisfaits du principe de cette convention d'affaires, certains participants interrogés estiment qu'elle doit néanmoins encore mûrir un peu pour donner lieu à encore plus de contacts. La prochaine édition devrait les contenter.

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