Francois Loor, directeur commercial de Durisotti
Journal de l'Automobile. Comment se porte aujourd'hui le groupe Durisotti et comment avez-vous traversé la crise ?
François Loor. Aujourd'hui, affirmer que nous ne sommes pas impactés par la chute du marché des véhicules utilitaires serait mentir. Le comité de direction et les actionnaires, Jean-François Durisotti et Catherine Durisotti, mettent tout en œuvre pour traverser cette crise. L'ensemble de nos sites fonctionnent, il n'y a pas de "temps partiel" ni de "chômage" à ce jour. Mais nous sommes confrontés de plein fouet, comme l'ensemble de la filière automobile, à ce trou important de l'activité. Certains clients ont pris le parti de différer le remplacement de leurs véhicules. Aujourd'hui, il y a des contrats et des activités qui ne verront sûrement leur expression que l'année prochaine. Tous les marchés privés sont impactés, soit économiquement, soit dans leurs intentions d'achats, et reportent leurs prises de décision. Nous avons des clients qui ont des besoins, les TPE notamment, mais qui n'ont pas aujourd'hui la capacité de financement à leur besoin. Enfin, dernier cas de figure, nous avons des gens qui, compte tenu du contexte économique, utilisent leurs moyens sans avoir de plans d'investissements. Les marchés porteurs actuellement, ou qui souffrent le moins de la crise, sont ceux qui tournent autour de la mobilité de la personne : TPMR, mini-bus, mini-bus urbain, petit transport en commun. A l'extrême, le marché qui souffre le plus est le BTP et la benne.
JA. Des ajustements ont-ils été nécessaires ces derniers mois pour affronter cette crise ?
FL. Nous faisons en sorte d'assurer à cette entreprise une activité qui nous permette de sortir au mieux de ce contexte exceptionnel. Nos métiers sont l'addition de plusieurs et certains sont clairement plus impactés que d'autres. Aussi, la polyvalence de nos collaborateurs est fondamentale en cette période et participent à l'adaptabilité de l'entreprise. Le recours au travail intérimaire est excessivement limité. Aujourd'hui, polyvalence, mutualisation des ressources de l'entreprise sont indispensables afin de se fédérer autour de nos capacités de production.
Ensuite, même si le présent est difficile, il ne faut pas compromettre son avenir. Dès lors, si nous avons les capacités de le faire, il faut obligatoirement continuer à innover, à rechercher et trouver de nouvelles solutions car le marché évolue. L'innovation sera l'un des moyens de trouver de nouvelles réponses. Et nous avons encore des développements en cours.
JA. Comment est composé aujourd'hui le réseau Durisotti en France ?
FL. Nous avons six commerciaux, salariés de l'entreprise, qui sont répartis sur le territoire français, auxquels s'ajoutent deux personnes dédiées à l'exportation à plein temps, avec des relais dans différents pays. Ensuite, en termes d'agents, qui sont des sociétés indépendantes qui représentent la marque Durisotti, nous en avons cinquante-deux en France et un peu plus de 15 en Europe. Ces agents bénéficient de produits Durisotti, principalement des cabines approfondies, et les transformations des VP en Vul. Ce sont leurs deux gros marchés forts.
JA. Quel est le profil de ces agents ?
FL. Nous retrouvons des aménageurs, des carrossiers-réparateurs et des carrossiers. Nous ne sommes pas dans une logique de franchise ou de représentation mais dans une logique de partenariat et de convergence de sociétés, et surtout davantage dans le développement qualitatif du réseau que dans le quantitatif. Le principe que nous avons établi avec ces agents est qu'au-dessus d'une certaine valeur, le véhicule vient à la transformation, et qu'en dessous d'une certaine valeur, la transformation vient au véhicule, du fait notamment des délais et des coûts de transport.
JA. Que vous apportent les "Business center" ou autres structures dédiées aux entreprises qui sont développés par les constructeurs ?
FL. Ces Business Center sont une prise de conscience d'une nécessaire professionnalisation dans l'approche de ce métier, tant commerciale, technique, qu'industrielle. Ces structures sont importantes en ce qu'elles permettent de présenter les véhicules, d'avoir des vendeurs dédiés à la vente des Vul, c'est-à-dire des personnes formées, motivées et intéressées. Les clients Vul et véhicules de société ont besoin d'un environnement dédié à leur métier, ne serait-ce que par rapport à l'amplitude horaire. Un certain nombre de réseaux qui viennent du VI mais qui font aussi du Vul ont une perception et une mesure de service plus fortes de la part de leur client. Ces structures montent en puissance et je suis convaincu de l'incidence bénéfique qu'elles auront dans les mois et les années qui viennent.
JA. Dans ce contexte de crise, le discours et la position des constructeurs à votre égard ont-ils évolué ?
FL. Nous n'avons pas senti de désinvestissement ou de désamour de leur part sur le segment du Vul. Il y a eu d'abord une nécessité de gérer le contexte économique par ordre d'importance et de priorité. Fort logiquement, c'est sur le VP que se sont portées toutes leurs actions et attentions. D'autre part, notre activité contribue au business et à la rentabilité de leurs réseaux de ventes. Nous sommes complémentaires des constructeurs et notre présence leur permet d'élargir leur offre produits.
JA. Comment s'est concrétisée la stratégie de développement de l'entreprise Durisotti ces dernières années ?
FL. A l'origine, l'entreprise s'inscrivait dans une réponse aux besoins des clients. Aujourd'hui, nous sommes devenus autant apporteurs de solutions à une demande qu'apporteurs de propositions. Autrement dit, nous ne sommes plus seulement dans une phase de réaction mais aussi dans l'action en étant force de proposition. Nous investissons beaucoup sur le développement, sur les nouvelles solutions, les nouveaux véhicules, les nouveaux procédés… Et ces notions de produits d'innovation et de développements de nouvelles solutions ont toujours été majeurs dans l'entreprise. C'est ce qui a justifié le plus d'investissements. Ensuite, nous avons eu un développement industriel, nous avons acquis de nouvelles technologies. Nous avons des ratios d'investissement sur chiffre d'affaires qui sont très importants. Nous travaillons en permanence sur l'amélioration des conditions de travail, sur l'intégration de nouvelles technologies. Aujourd'hui, nous sommes donc davantage dans un développement interne.
Mais ce n'est pas parce que vous ne faites pas de croissance externe, par acquisition d'entreprises, que vous ne pouvez pas vous-mêmes développer en interne les propres métiers que vous voulez déployer. Nous nous sommes donc positionnés sur un certain nombre de marchés. Un des axes de développement sur lequel nous travaillons depuis maintenant près de quatre ans, vise à augmenter notablement notre activité vers l'exportation. Nous sommes aujourd'hui sur un périmètre européen et international. Le marché français est un marché mature. Notre expertise et les synergies mises en place avec quelques clients et des constructeurs qui ont, eux aussi, une dimension internationale démontrent que c'est par l'exportation que se fera l'expansion de l'entreprise.
JA. Des développements externes ne sont pas encore à l'ordre du jour ?
F.L. Est-ce que la stratégie ne sera qu'interne ? La réponse est que nous étudions toutes les opportunités, qu'elles soient internes ou externes. Mais la croissance externe de l'entreprise est l'un des pans de notre projet et de notre vision. C'est une alternative qui n'est pas absente de nos réflexions mais de là à dire qui, quoi, quand et comment, cela reste encore confidentiel.
JA. Où en êtes-vous actuellement de votre stratégie de développement en Europe ?
FL. Nous avons fixé trois niveaux à l'exportation : les pays dits "prioritaires", c'est-à-dire ceux où l'on considère que notre expertise, notre savoir-faire et nos produits ont toutes capacités à trouver une diffusion sur place. Aujourd'hui, nous avons une activité intéressante sur l'Allemagne, la Belgique, la Hollande, la Suède. Arrivent ensuite les pays dits "indispensables" qui sont déjà matures et sur lesquels il y a une zone de concurrence établie. Enfin, les pays "intéressants" qui sont encore "peu structurés" en termes de réponses sur la transformation des véhicules et qui ont des réponses que nous n'avons pas dans notre catalogue. Les pays africains en font partie. Nous avons des véhicules Durisotti qui sont vendus en Afrique mais nous travaillons sur les structures internationales des constructeurs, nous ne sommes pas en frontal sur ce continent.
L'Europe Centrale se situe entre les deux derniers niveaux. C'est effectivement un territoire qui représente beaucoup d'opportunités. Mais c'est un marché très technique à approcher dont le potentiel est difficile à mesurer et à appréhender car les habitudes locales sont particulières. Nous nous y intéressons, nous avons des contacts mais nous y n'opérons pas pour l'instant.
Aujourd'hui, nous n'avons pas d'activité directe sur la Russie.
JA. Tous les produits qui figurent dans votre catalogue peuvent être proposés sur tous les marchés ?
FL. Tant que vous restez dans le périmètre européen, vous arrivez à trouver une convergence d'exigences réglementaires. Mais, sur certains pays, les réglementations sont différentes, et nous avons avec notre bureau d'étude une capacité à nous adapter. Sauf si l'adaptation par rapport aux volumes escomptés ne le justifie pas.
Ensuite, au-delà du réglementaire, il y a aussi les habitudes d'exploitation. Il n'y a pas un dogmatisme de solutions, il y a des solutions différentes à trouver en fonction des familles de produits, des pays et des habitudes de consommation des utilisateurs. L'Allemagne, par exemple, va apporter un intérêt tout particulier sur les ancrages à l'intérieur des grands volumes.
En gros, il y a deux types d'exportation : nous pouvons travailler avec les constructeurs automobiles en bénéficiant des moyens qu'ils ont sur place pour trouver des solutions, et nous pouvons aussi avoir sur place des points Durisotti qui peuvent être des associations, des partenariats ou des contrats avec des sociétés locales. Nous devons identifier sur un certain nombre de pays actuels ou émergents la meilleure façon de les approcher par rapport à notre typologie de métier.
JA. Comment situez-vous la place d'une société comme la vôtre en Europe ?
FL. Nous ne sommes pas généralistes, nous sommes multispécialistes, et, dans ce domaine d'activités, nous sommes peu en Europe. Je pense que sur une partie non négligeable de grands marchés, nous sommes un des leaders importants. La meilleure façon de voir comment vous êtes positionné sur un marché dépend du retour des clients avec qui vous travaillez. Mais je pense que nous avons encore beaucoup de potentiel, il faut d'abord sortir de cette période très troublée.
JA. Certaines petites sociétés semblent avoir du mal. La concentration vous semble-t-elle inéluctable ?
FL. Le temps de développement préalable à l'industrialisation de solutions est devenu plus long, plus coûteux en temps, et les structures les plus importantes ont cette capacité humaine et financière d'assumer ces développements. Le contexte économique n'est pas la seule raison mais devrait accélérer le regroupement des activités. Le marché reste très atomisé aujourd'hui.
JA. Sur quels aspects de votre métier pensez-vous devoir mettre l'accent dans les années à venir ?
FL. Les deux aspects que nous intégrons et que nous allons devoir intégrer de plus en plus sont le développement durable et aussi les énergies renouvelables. Ce n'est pas de la démagogie de l'annoncer, c'est un vrai défi et nous le voyons apparaître dans les appels d'offre et les demandes des clients. C'est vraiment l'enjeu des dix à quinze ans à venir. La certification chez Durisotti n'est pas une ligne d'arrivée mais un point de départ et la consécration d'une démarche entamée depuis longtemps par les bureaux d'étude et les ateliers.
JA. Aujourd'hui, comment vous positionnez-vous face aux appels d'offre ?
FL. Dans un certain nombre de collectivités et de grands clients, nous voyons poindre des appels d'offres dissociés. Nous sentons, en effet, de la part d'un certain nombre de clients cette envie d'une relation commerciale et industrielle directe avec le constructeur-carrossier. Mais la notion de main dans la main, c'est-à-dire de partenariat avec le constructeur vis à vis du client final, reste largement prépondérante dans notre activité.
FOCUSDurisotti en bref • 4 unités de production en France : Metz, Agen, Sallaumines et Durissotti Lorraine |
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