Entretien avec Jean-François Venet
cas particulier de l'Ensaama qui était très performante en design mais qui n'avait pas de spécialisation Transports. Ils ont eu une promotion exceptionnelle, avec Jean-Pierre, Thierry Metroz, Oleg Son, Anne Asensio et cette joyeuse bande a réussi le coup de force d'imposer leur volonté de travailler dans l'automobile. L'obtention de leur diplôme n'a pas été facile à cause de cela d'ailleurs… J'ai eu Jean-Pierre et Thierry en stage et ensuite, nous les avons embauchés. Pour Jean-Pierre, il y avait des réticences au niveau supérieur, mais nous avons insisté et finalement eu gain de cause"
"Quand Patrick Le Quément est arrivé, il a réorganisé le Design, avec une forte internationalisation, et il m'a confié la responsabilité du Design Avancé et des Concept-cars. Jean-Pierre et Thierry étaient dans mon équipe. On les surnommait le gang des Berlinettes et quand ils partaient du studio, je peux vous assurer que les pneus crissaient. C'était une période d'effervescence, ma petite équipe de la rue du port était très jeune, moins de trente ans en moyenne, et ça partait dans tous les sens ! Les blagues fusaient et c'était vraiment une ambiance de joyeux lurons. Patrick Le Quément me demandait parfois de calmer tout cela, notamment les retards le matin, n'est-ce pas Jean-Pierre, mais comme la créativité était au rendez-vous, nous avions plutôt le vent en poupe. De mon côté, c'était justement cette créativité à profusion que j'essayais de canaliser. Il y avait dix voitures dans un seul dessin ! Mon rôle consistait à analyser, prendre du recul et faire les bons choix. Je crois aussi que je leur ai inculqué le sens des proportions, même si les designers l'ont déjà en eux en général et qu'il suffit de le faire éclore"
"Je me souviens d'une visite de Louis Schweitzer rue du port. Il n'avait pas encore officiellement les plus hautes responsabilités, mais on se doutait qu'il allait les prendre vu son parcours. Tout s'est très bien passé, il s'est assis à la table à dessin de Jean-Pierre et ils ont discuté. J'ai cette image en tête. D'ailleurs, il a dit après à un collaborateur : "ils sont sympas dans ce studio", ce qui explique peut-être que Louis Schweitzer m'ait toujours demandé mon avis plus tard sur les projets. Même durant les présentations qu'assurait Patrick Le Quément, ce qui me mettait dans l'embarras car ce n'était pas mon rôle"
"La Twingo, c'est une drôle d'histoire. Un projet qu'on a longtemps caché au centre de Lardy. Pour la concevoir, nous avions été très impressionnés par un proto Honda vu à Tokyo et cela a été notre source d'inspiration. Le dessin initial, très fort, est un dessin de Jean-Pierre. Mais le projet, qui s'est étalé dans le temps, a bien entendu subi des retouches. Avec Patrick Le Quément et aussi Thierry qui a repris la face avant. Mais le dessin d'origine, c'est Jean-Pierre et Twingo lui doit beaucoup. Je me souviens aussi qu'il avait dessiné un échappement central pour Twingo qui était d'une part techniquement irréalisable et d'autre part, très moche ! On l'a beaucoup charrié avec ça ! Au final, Twingo est une belle histoire, un projet qui a révélé avec éclat des talents et que Patrick Le Quément a su sauver"
"Dans le cas précis d'Argos, il n'y a pas eu de mise en concurrence. Le croquis de Jean-Pierre s'est imposé tout de suite et on a dit : "on y va ! Jean-Pierre était vraiment un as du dessin. Nous avions réalisé le proto chez G Studio pour une présentation en partenariat avec eux sur le Salon de Turin. Nous avons exposé une maquette en version coupé. Une équipe Volkswagen-Audi est passée sur le Salon et a vu le concept Argos… Ils ont alors changé le cahier des charges de la TT en cours de développement ! Ils le reconnaissent d'ailleurs volontiers aujourd'hui. Je pense d'ailleurs que le départ de Jean-Pierre chez Volkswagen par la suite n'y est pas tout à fait étranger, car il avait fait très forte impression"
"Jean-Pierre, "Plou-Plou", est très talentueux. Ce qu'il fait actuellement chez Citroën le prouve et selon moi, Citroën est aujourd'hui à pointe du design dans le monde avec Mazda. En plus, chez Citroën, le top management le soutient et le suit et c'est primordial dans notre métier, c'est même à la base de tout succès. Jean-Pierre a une immense sensibilité, mais c'est aussi quelqu'un de très speed. Je l'ai surnommé les chevrons sauvages ! Il a un côté chien fou, qui est toujours sur 100 000 volts et ça le rend aussi très attachant"
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