Entretien avec Francesco Gori, administrateur délégué et directeur général de Pirelli Tyre.
Journal de l'Automobile. D'abord, comment va le business pour Pirelli ?
Francesco Gori. Nous poursuivons notre croissance à deux chiffres sur certains pays émergents comme la Russie (pays dans lequel Pirelli et Russian technologies viennent d'investir 250 millions d'euros dans un joint-venture, Ndlr) et la Chine ou encore le Brésil. Néanmoins, nous sommes obligés d'admettre que cette croissance à deux chiffres compense à peine une certaine stagnation de la progression sur nos marchés de prédilection que sont l'Europe avec 48 % de nos ventes et l'Amérique du Nord avec 8 % de nos ventes. Le constat est particulièrement vrai pour ce qui est du remplacement, notamment du fait de l'abaissement de la moyenne kilométrique annuelle, estimée à 10 %. Globalement, la conjoncture actuelle n'est pas facile pour l'industrie du pneumatique, d'autant que nous devons faire face à l'augmentation fluctuante du coût des matières premières, à commencer par celle du caoutchouc naturel.
Ja. Vous étiez au Mondial, à la Porte de Versailles. Pour Pirelli, que représente le marché français ?
FG. Il s'agit bien sûr d'un marché important, sur lequel Pirelli a sa place et surtout, est à même de se développer. D'ailleurs, en cette année 2008, Pirelli sera l'une des rares marques à connaître une progression en termes de part de marché. Un résultat issu du fait, sans doute, que nous nous sommes attachés à équilibrer notre présence au travers de l'ensemble des canaux de distribution. On ne doit pas perdre de vue que la France est le seul marché en Europe à présenter une répartition équivalente de ses différents canaux. Soit 1/3 pour le réseau des constructeurs, 1/3 pour le réseau des professionnels du pneu et 1/3 pour la grande distribution. Dans ce contexte, il est nécessaire de toucher l'ensemble de ces canaux, avec un certain équilibre.
JA. Aujourd'hui, pour ce qui est de la première monte, les manufacturiers axent leurs développements sur les économies d'énergie, autrement dit sur l'abaissement de la résistance au roulement. Pour Pirelli, dont l'image repose sur la haute performance, n'est-ce pas quelque peu antinomique ?
FG. Nous sommes parfaitement conscients de la contribution que nous pouvons apporter au niveau de la consommation d'énergie et surtout à la réduction des rejets de CO2. Raison pour laquelle nous avons lancé le nouveau Cinturato l'année dernière. Un produit qui nous permet d'identifier le pneu "vert". Maintenant, il est vrai que cette direction est clairement contradictoire avec la recherche absolue de la performance. Une démarche qui nous a amenés à créer deux marques distinctes : PZero pour la performance maxi et Cinturato pour les économies d'énergie. Ainsi, le consommateur a le choix entre deux solutions, en fonction de sa philosophie et de son véhicule.
JA. Et sur le plan industriel ?
FG. Il faut parler ici d'une segmentation. Non pas qu'il s'agisse de s'en remettre à des unités de production différentes, en revanche, au sein même d'une unité de production donnée, il convient de définir des lignes de production spécifiques à partir des unités dédiées à l'élaboration des mélanges jusqu'à la vulcanisation. Dans le même ordre d'idée, nous avons spécialisé MIRS (Modular Integrated robotized system, NDLR), soit notre unité de production de pneumatiques entièrement automatisée, sur la production des pneus run flat. Il faut savoir que le process de fabrication d'un tel produit est totalement différent de celui d'un pneu standard.
JA. Justement, parlons de cette technologie. Alors que le run flat semblait devoir se développer il y a deux ans, force est de constater que le concept connaît une sérieuse stagnation. En effet, pour le moment, seul BMW lui fait encore confiance en grande série. Quel est votre sentiment à ce sujet ?
FG. Effectivement, la question mérite d'être posée. Bon, il est un fait certain que le run flat est plus lourd qu'un pneu normal et qu'il pêche en terme de résistance au roulement. De même, le produit n'est pas idéal dans le cadre d'une recherche de performance absolue, notamment en circuit. Certes, nous n'avons pas encore trouvé "la" solution, mais tous les manufacturiers travaillent sur le sujet. Reste que, le run flat représente un bon compromis au niveau de la sécurité, raison pour laquelle il doit avoir sa place sur le marché. D'ailleurs, certains consommateurs qui ne roulent pas forcément en BMW sont demandeurs de cette technologie. Dans ce contexte, l'Amérique du Nord demeure le marché le plus sensible à cette technologie, en tous les cas bien plus que l'Europe du Nord.
Sur le même sujet
Laisser un commentaire
Vous devez vous connecter pour publier un commentaire.