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Constructeurs

Entretien avec Eric Menoret, Directeur Général de MSX France : "Dans tous les sites, il y a des gisements de productivité et de rentabilité !"

Publié le 28 avril 2006

Par Alexandre Guillet
11 min de lecture
Au cours des deux dernières années, le chiffre d'affaires de MSX France est passé de 16 400 à 22 800 K€. Et si Ford reste son 1er client, MSX travaille désormais chez 25 constructeurs, avec des contrats de plus en plus importants avec l'Alliance Renault-Nissan et PSA. Visite guidée des arcanes...

...de l'après-vente avec Eric Ménoret.


Journal de l'Automobile. Comment expliquez-vous le vaste et rapide développement de MSX en France au cours de ces dernières années sur des activités somme toute classiques ?
Eric Menoret. L'offre de services que nous proposons aux constructeurs peut, en effet, paraître classique, mais il convient de prendre en considération que notre spectre d'intervention est très large. Il s'agit d'une offre globale alors que nos concurrents sont plus spécialisés. Or les constructeurs cherchent majoritairement à réduire le nombre de leurs fournisseurs. De surcroît, intervenant sur plusieurs activités connexes, nous sommes à même de les faire travailler en synergie. Outre ce positionnement performant, notre développement s'explique aussi par les nouvelles demandes du marché. Avec l'explosion des besoins en formation et en assistance au diagnostic, avec l'intégration d'une nouvelle relation aux clients sous l'angle des services, et avec une concurrence extrême qui conduit chaque constructeur à veiller scrupuleusement sur ses dépenses en "garantie".


JA. Votre lien historique avec Ford a-t-il constitué un frein, à un moment ou à un autre, dans le développement de vos relations commerciales avec d'autres constructeurs ?
EM. Même s'il nous a fallu deux longues années, de 1999 à 2001, pour informer l'industrie que "MSX n'était plus Ford", je pense que c'est plutôt le contraire. Ford est réputé pour disposer d'un service après-vente très performant et cela a plutôt eu une répercussion très positive sur MSX. Par ailleurs, Ford a la réputation d'être une "bonne école" et de nombreux ex-Ford occupent aujourd'hui des postes à responsabilité chez d'autres constructeurs. Le jeu de networking nous est donc favorable. Enfin, la force du groupe en Europe réside aussi dans sa dimension internationale. MSX France est entré localement chez certains constructeurs par le biais de contrats signés par MSX Europe et concernant parfois plus de 15 pays à couvrir, dont la France évidemment. Cette situation fonctionne aussi dans l'autre sens lorsque par exemple, Automobiles Peugeot contracte MSX France pour la mise en oeuvre de plate-formes d'assistance technique au Benelux ou en Scandinavie.


JA. Cependant, comment expliquez-vous que le développement de MSX soit beaucoup plus intense en France que dans d'autres pays européens ?
EM. Je ne crois pas qu'il soit plus intense, mais plutôt que MSX France était en avance, pour deux raisons majeures. D'une part parce que Ford nous a vraiment incité à nous diversifier. D'autre part parce que l'action du regretté Michel Pradaud a été déterminante. Il nous a ouvert beaucoup de portes. Néanmoins, les autres filiales rattrapent aujourd'hui leur retard, je pense notamment au Benelux, à l'Italie, à l'Espagne ou encore au pôle scandinave, par exemple.


JA. Les marchés de l'après-vente sont-ils vraiment comparables au sein des différents pays européens et certains sont-ils à un meilleur niveau que d'autres ?
EM. Ils sont très différents. Par exemple, la France présente deux caractéristiques majeures : la prédominance de ses constructeurs nationaux, et un territoire très vaste qui fait que le client reste fidèle à son garage local, hors grands centres urbains. D'une manière générale, une loi économique générique peut être mise en exergue : soit le client cherche un prix, soit il privilégie un engagement et des services. Sans porter aucun jugement, c'est la différence de positionnement entre quick-fitters et grosses structures plus organisées. Par rapport à cette donnée, disons en schématisant que la Grande-Bretagne est un marché de prix, l'Allemagne un marché de services et que la France se situe entre les deux.


JA. Votre module de "contrôle des coûts de garantie" est très demandé par les constructeurs : pourquoi un besoin si intense et cela correspond-il à un phénomène de rattrapage ?
EM. Je ne pense pas qu'on puisse parler d'un phénomène de rattrapage car cette question n'était pas laissée de côté auparavant. Simplement, la pression de la compétitivité est de plus en plus forte sur les enjeux de maîtrise des coûts et donc, de profit. En outre, la sophistication des véhicules complexifie significativement leur réparabilité. En conséquence, il est crucial de porter une attention particulière au contrôle des coûts de garantie.


JA. Quels sont les principaux leviers d'action pour maîtriser ces coûts de garantie ?
EM. Au premier chef, il est impératif de faire respecter les manuels et les processus de réparation du constructeur. Cela peut sembler évident, mais il faut vraiment faire preuve de rigueur pour être efficace. C'est capital pour la traçabilité, au niveau des plaintes clients, des commandes de pièces, des commentaires d'intervention des techniciens, etc, etc. Par ailleurs, il faut s'assurer que le diagnostic réalisé en concession est bon, notamment pour les pannes difficiles à diagnostiquer comme celles liées au common-rail, à l'injection, aux modules de gestion électronique, ou encore les pannes dites "intermittentes". Pour cela, une plate-forme d'approbation préalable en garantie, qui mixera accord de garantie et assistance au diagnostic, se révèle précieuse. Enfin, il y a bien entendu le poste "pièces de rechange" à prendre en compte, car il s'agira d'assurer une livraison rapide de la pièce, souvent non-stockée, afin de réduire le temps d'immobilisation du véhicule et/ou les coûts de location du véhicule de remplacement.


JA. C'est-à-dire ?
EM. En schématisant, on peut établir la ventilation suivante : le 1er tiers des surcoûts de garantie est imputable à des problèmes de conception, mais il est toujours difficile d'intervenir en amont et plus encore à rebours. Le second tiers, je viens d'en parler, est lié au réseau, via de mauvais diagnostics, des lacunes en formation du personnel, etc. Le dernier tiers tient dans les fournitures des équipementiers, voire dans l'intégration des pièces. Avec un Centre d'analyse de Pièces de Rechange, vous intervenez sur ce dernier tiers et par le biais d'une identification globale des problèmes rencontrés, le constructeur peut dégager des économies significatives.


JA. Les constructeurs ont-ils encore, en moyenne, d'importants progrès à faire dans le domaine de la maîtrise des coûts de garantie ?
EM. Chaque constructeur possède d'ores et déjà des programmes généralement ad-hoc de compréhension, de contrôle et d'audit à ce niveau. Mais le principe d'approbation préalable en garantie reste à développer. Tous les constructeurs cherchent aujourd'hui à bien dépenser. Et tout le monde est conscient que la garantie a un impact direct sur le bilan financier. Car les coûts de garantie, ça se provisionne… En outre, avec une action sur la garantie, il s'agit aussi de structurer l'organisation de l'atelier.


JA. Justement, en lien avec cette problématique de bon diagnostic et de bonne 1re réparation, vous mettez en avant un module "Technique" sous le slogan "bien réparer la 1re fois", quels sont les détails de cette offre de services ?
EM. Là, on entre dans le cœur de l'atelier. Il s'agit de s'assurer des compétences du personnel réseau à bien entretenir, à bien diagnostiquer pannes et défauts dès la 1re fois, puis à bien réparer, naturellement. Ces audits s'accompagnent de plans de formation technique et après-vente. De surcroît, nous développons un programme focalisé sur les lancements de nouveaux produits et sur le problème des défauts de jeunesse. L'idée étant de les identifier rapidement pour trouver une solution le plus tôt possible, alors que le délai de réactivité des constructeurs est plus long et leur compréhension des défauts moins fine.


JA. Vos solutions "garantie" et "technique" sont aussi articulées avec un module centré sur le client, quels objectifs poursuivez-vous dans ce cadre ?
EM. Un objectif double : augmenter l'indice de satisfaction client (ISC) et les profits. Or on connaît aujourd'hui l'importance de l'après-vente pour la rentabilité des sites. Sur le premier point, nos actions sont multiples. Elles concernent la qualité de l'accueil, une offre de services claire, le respect des délais etc, etc. Sur le second point, nous considérons que, du fait de l'espacement des révisions ou encore de la forte réduction du nombre des pannes, lorsqu'un client vient dans le réseau, il fait un cadeau à la concession. C'est une chance à saisir. Alors, il faut que la concession soit en situation de lui vendre de façon transparente tout ce qui doit et peut être fait sur son véhicule. Cela réclame du temps et des compétences commerciales, pour les ventes additionnelles d'accessoires ou les ventes croisées mécanique-carrosserie par exemple. Pour que l'ensemble fonctionne, il faut réaliser en amont un travail sur l'optimisation de l'organisation de l'atelier, de la gestion de l'immobilisation de capital au niveau du stock PR, et bien entendu, sur la flexibilité, l'implication et la motivation du personnel.


JA. Iriez-vous jusqu'à dire que la réparation automobile est devenue à proprement parler une activité de services ?
EM. Oui, c'est une activité de services, mais la difficulté consiste à organiser de manière quasi-industrielle une structure à taille humaine, la concession, depuis l'accueil de client, la gestion du parc de VR, en passant par l'approvisionnement des pièces et la plannification des heures à l'atelier. Pour satisfaire le client et optimiser le profit, la concession doit donc travailler de manière très fine, en permanence dans un environnement économique changeant, au gré de l'actualité technique ou des variations de parc par exemple. A contrario, les quatre murs de l'atelier sont fixes et il est difficile de trouver et de conserver du personnel qualifié. Mais économiquement, le jeu en vaut la chandelle ! Dans tous les sites que vous visitez, il y a des gisements de productivité et de rentabilité !


JA. Concrètement, qu'apportez-vous de plus que les standards des constructeurs ?
EM. Nos programmes de conseil et de coaching en concession s'intègrent et renforcent la mise en place des standards des marques "Nouvelle Réglementation Européenne" qui est incontournable. Mais la substantifique moëlle consiste à leur exploitation harmonieuse et permanente dans l'objectif de satisfaire le client, d'améliorer l'image de la marque et les profits réalisés. Bref, c'est un squelette à animer.


JA. Comment pouvez-vous garantir à vos clients le maintien dans la durée de cette dynamique d'organisation et de performances ?
EM. C'est une question d'implication des hommes et au premier rang, du chef d'entreprise, en l'occurrence le concessionnaire. Sans lui, nos consultants sont effectivement moins efficaces. Nous consolidons la mise en place par la formation d'experts des processus dans l'entreprise et c'est souvent le responsable après-vente qui assure cette fonction. Enfin, et pour inscrire la concession dans une véritable démarche qualité, nous intégrons toujours un programme de maintenance à notre action.


JA. Les constructeurs n'auraient-ils pas intérêt, pour des raisons économiques, à développer vos modules en interne ?
EM. Ce n'est pas vraiment à moi de répondre ! Trois éléments de réflexion, toutefois. Primo, tout ce qui est payant a plus de valeur que ce qui est gratuit, pour le constructeur et le concessionnaire. Le paiement du service est une garantie d'implication des hommes et de motivation. Secundo, le positionnement neutre du consultant entre constructeur et concessionnaire est précieux, car en dehors de toute relation commerciale. C'est un peu la différence entre audit externe et audit interne. Tertio, il y a notre pool de consultants. Même si ceux-ci interviennent de façon intégrée à la concession, ils sont ouverts sur l'industrie et travaillent souvent pour plusieurs marques. A ce titre, ils disposent donc d'expériences riches et diverses dont ils peuvent faire profiter la concession, en fonction de ses spécificités propres.


JA. Mais vos prestations sont aussi réputées pour être onéreuses…
EM. Dans le business, on est toujours trop chers ! Non, plus sérieusement, si les clients nous font confiance, c'est d'une part parce que nous avons des résultats, que les délais de retour sur investissement sont rapides et d'autre part, parce que nous pratiquons des tarifs aux normes de notre marché, ce que nous défendons d'ailleurs ardemment auprès des directions des achats de nos clients.


JA. Pour conclure, quand on analyse vos prestations de services, on a le sentiment que vous avez un potentiel de développement au-delà de l'après-vente, sur le VN ou le VO par exemple. Est-ce à l'ordre du jour ?
EM. L'image de l'entreprise est aujourd'hui très liée aux problématiques de l'après-vente. Mais plus globalement, j'affirme que MSX est une entreprise de service experte en distribution automobile, au sens général du terme. Votre hypothèse n'est donc pas à exclure, au contraire. Nous l'avons étudiée au sein du groupe et travaillons aujourd'hui sur de réelles opportunités de diversification en ce sens avec plusieurs constructeurs en Europe, et pour la France avec un constructeur national.


Propos recueillis
par Alexandre Guillet

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