S'abonner
Constructeurs

Entretien avec Emmanuel Casabianca, directeur général de Eldorauto

Publié le 20 février 2004

Par Tanguy Merrien
8 min de lecture
En poste depuis 4 mois, Emmanuel Casabianca a entamé une restructuration profonde de l'enseigne Eldorauto. Les surfaces de ventes, les références, le stock, tout est revu afin de redonner du souffle aux 10 points de vente de la région parisienne. Point d'orgue de cette nouvelle politique : le service...

...aux clients doit être optimisé.


Le Journal de l'Automobile : Pouvez-vous en quelques points dresser l'état des lieux d'Eldorauto lors de votre arrivée en octobre dernier ?
Emmanuel Casabianca : Je commencerai par les points positifs. D'une part, une très forte notoriété de l'enseigne à Paris et en région parisienne. D'autre part, une impression de qualité globale en termes de savoir-faire des équipes, notamment dans les ateliers, ajoutée à la qualité des emplacements. Enfin, la volonté de la part du personnel, du moins de celui qui est là depuis longtemps, de tout faire pour redresser la barre. Je dois dire que cette ferveur, je ne l'ai rencontrée nulle part ailleurs. Du côté des points négatifs, j'évoquerai le stock considérable avec des références inutiles, des surfaces ateliers et magasins disproportionnées. Je dirais que, dans l'ensemble, les ateliers et les magasins étaient sous-exploités, ce qui a généré un chiffre d'affaires insuffisant. En revanche, l'enseigne a du potentiel, il suffit d'être plus cohérent et moins statique pour arriver à un résultat. Il y a à l'heure actuelle 10 magasins Eldorauto, ce qui représente une somme de travail assez conséquente, vous pouvez aisément l'imaginer.


J.A. : Justement, quelle est la stratégie mise en place ?
E.C. : La restructuration a déjà commencé dans les magasins de Brétigny et Savigny, dans lesquels les surfaces ateliers et magasins ont été réduites. Au premier trimestre 2004, Rosny et Claye-Souilly verront également leur surface diminuée. En moyenne, nous allons réduire de 30 % les surfaces magasins et de 20 % les surfaces ateliers, que nous allons d'ailleurs optimiser pour relancer la carrosserie. Il y a une chose qui m'a étonné lorsque j'ai commencé à étudier le fonctionnement des points de vente : chaque chef de rayon passait lui-même ses commandes dans son coin, sans consultation auprès de sa hiérarchie, en fonction des remises accordées par les fournisseurs. Conséquence : trop d'achats illogiques, trop de stock en réserve, trop d'argent perdu. Pour moi, un chef de rayon est responsable de son merchandising et de son équipe, mais son rôle n'est pas d'acheter. Je suis en train de remettre de l'ordre dans tout cela. Quelques tensions sont nées, mais j'estime que cela est nécessaire. Chacun son métier. Par conséquent, un entrepôt central situé en région parisienne, non déterminé encore, verra le jour en juin prochain. Son rôle sera de regrouper les références et de les redistribuer dans les magasins. Cela nous permettra de maximiser les achats et de réduire les stocks. Nous allons également diviser le nombre de nos références de plus de la moitié : 42 000 références à l'heure actuelle, c'est beaucoup trop.


J.A. : Vous venez d'évoquez l'idée de développer l'activité de la carrosserie dans les ateliers, pouvez-vous être plus précis ?
E.C. : C'est en effet le souhait que j'ai formulé. Nous allons relancer la carrosserie légère dans les ateliers ainsi que la peinture. Nous commençons par réactiver les cabines de peinture des magasins de Rosny, Savigny, Brétigny et Claye-Souilly. Nous formons actuellement des équipes pour pourvoir tous les sites. A plus long terme, pourquoi ne pas développer des travaux plus lourds en carrosserie ? Mais pour cela, il y a un travail préalable à faire avec les compagnies d'assurances. J'estime qu'il est important de se diversifier, c'est pourquoi nous proposons 180 prestations différentes dans nos points de vente, alors que nos concurrents n'en proposent que 120. L'aspect sécuritaire est aussi un point important que j'aimerais mettre en avant. Nos prix sont certes moins élevés que ceux pratiqués dans les réseaux constructeurs, ce n'est pas pour autant que nous négligeons la sécurité des pièces et des personnes. C'est pourquoi nous allons communiquer en premier lieu sur le savoir-faire de nos équipes et leurs compétences, et ensuite sur les prix que nous pratiquons. Nous ne bradons pas la sécurité. Depuis quelques jours, des spots radios sont diffusés sur les ondes afin de mettre en exergue cet aspect.


J.A. : Quelle autre activité allez-vous développer dans les magasins ?
E.C. : Je pense sérieusement à la vente de véhicules neufs ou d'occasion, mais, pour l'instant, ce n'est encore qu'un projet. Le sujet me tente beaucoup à vrai dire, car il y a du potentiel dans ce domaine. En effet, nous savons tous que la voiture est devenue indispensable pour assurer la mobilité des foyers. Le parc s'agrandit. Je ne souhaite pas rentrer directement en opposition avec les constructeurs, bien au contraire, mais je ne comprends pas pourquoi ces derniers tentent de phagocyter le marché en neutralisant leurs clients dans leurs concessions. Nous existons et nous sommes capables de faire aussi bien sinon mieux qu'eux. Nous pouvons apporter un plus aux clients. Eldorauto est une enseigne différente et doit apporter un plus en général. Mon idée est la suivante : pourquoi ne pas travailler de concert avec les constructeurs sur la vente de véhicules VO et VN ? Que chacun cesse de prêcher pour sa chapelle, et pour cela il suffit d'un peu de bon sens ! C'est une idée sur laquelle il faut réfléchir.


J.A. : Cette politique de restructuration totale est-elle un aveu qu'une mauvaise stratégie a été appliquée jusque-là ? Je pense notamment à Eldorauto Etoile
E.C. : Si vous parlez d'Eldorauto Etoile, je vous répondrai qu'il s'agissait d'un beau projet en plein cœur de Paris. En toute franchise, j'aurais aimé participer à cette aventure. En arrivant ici en octobre dernier, je me suis tout de suite rendu compte du potentiel de cette entreprise. Il faut simplement redonner de la cohérence à l'enseigne Eldorauto et à ses magasins. Il faut exploiter ses possibilités, et pour cela, il faut restructurer. Nous devons donner un caractère rationnel à l'entreprise. Nous réduisons les surfaces ateliers par exemple, mais nous voulons optimiser leur rendement. Actuellement, la main-d'œuvre et les pièces constituent 30 % du chiffre d'affaires, alors que cela représente 60 % dans les centres-autos. Nous allons renverser la tendance.


J.A. : Comment concevez-vous le rôle d'un directeur général ?
E.C. : Je ne conçois pas ce poste sans être sur le terrain. J'ai donc pris l'engagement d'aller régulièrement dans chaque point de vente afin d'être à l'écoute de chaque équipe. Je me déplace en moyenne tous les 15 jours. Je les étudie, je les questionne et j'essaye de répondre à leurs besoins. Il fallait redonner confiance aux gens et être à leur écoute, c'est important. Lors de mon arrivée, j'ai réuni tout le personnel dans un atelier, ce qui représente 450 personnes au total. Je leur ai expliqué quels étaient les objectifs de l'enseigne, et notamment ma volonté de développer les ateliers, car je suis persuadé que si ces derniers fonctionnent bien, les magasins suivront naturellement cette progression. Je dirais qu'avant tout, il faut partir à la conquête du client. En effet, pendant que son véhicule est en atelier, il faut en profiter pour lui apporter des services supplémentaires. A-t-il vérifié ses balais d'essuie-glaces, ses tapis de sol doivent-ils être changés ? Il faut apporter du service, voilà tout.


J.A. : D'une manière plus générale, comment envisagez-vous ce métier ?
E.C. : Ce métier est basé sur du relationnel et sur la notion de service. C'est cela que j'aimerais inculquer à nos équipes. Je pense que tout est dans la considération et l'approche du client. Ce que je veux, c'est que nos vendeurs développent leur relationnel, qu'ils établissent le contact avec la clientèle. Et ce que j'ai pu remarquer en allant sur le terrain, c'est que les jeunes n'établissent pas ce contact. De plus, nous devons étoffer notre offre par une qualité de service. Tout ceci nous différenciera et développera notre chiffre d'affaires. Nous devons prouver que nous ne sommes pas que des vendeurs d'accessoires.


J.A. : Quels seraient selon vous les autres axes de développements possibles que pourrait envisager l'enseigne ?
E.C. : La franchise est un développement possible, d'autant plus que c'est un domaine que je connais bien du fait de mon expérience. J'estime qu'en région parisienne, il y a encore de la place pour 5 ou 6 magasins en noms propres. Idem pour la province : dans quelques grandes villes, Eldorauto pourrait toujours s'implanter en nom propre. Enfin, une dizaine de sites pourraient également être créés dans des villes plus petites. Mais, avant de penser à la franchise, je veux apporter la preuve que l'enseigne est profitable et que le concept est duplicable. Nous pourrions commencer par 3 ou 4 franchisés, en effet, mais pas avant 4 ans.


Propos recueillis par Muriel Blancheton





Curriculum vitae

Nom Casabianca
Prénom Emmanuel
Age 51 ans

Il a exercé une grande partie de sa carrière professionnelle dans le secteur de la distribution et notamment celui de la distribution automobile, au poste de directeur général de Norauto France (2001-2003) Il avait auparavant assumé les fonctions de directeur général du groupe Aéroboutique (groupe Hachette), société de distribution de produits de luxe en concessions aéroportuaires (1994-2001) Au cours de sa carrière, Emmanuel Casabianca a occupé les postes de directeur général de Baumanière (1992-94), de directeur marketing et publicité de Cartier France (1990-1992) et de directeur commercial de Rodier (groupe Prouvost) (1985-1990).

Vous devez activer le javacript et la gestion des cookies pour bénéficier de toutes les fonctionnalités.
Partager :

Sur le même sujet

Laisser un commentaire

cross-circle