...VP devrait s'établir à 9,5 %. Au niveau du mix et des outils de production, la situation va se stabiliser. Explications et gros plans sur les marques gagnantes.
Une année 2009 en trompe-l'œil
Souvenez-vous l'année dernière ! Ou plus exactement fin 2008 après les deux faillites les plus importantes jamais enregistrées aux Etats-Unis depuis trente ans : Lehman Brothers pour 691 milliards de $ et un peu plus d'une semaine plus tard, Washington Mutual pour près de 328 milliards de $. L'onde de choc était mondiale, la fin du monde était pour ce soir, il fallait faire table rase du passé… Chrysler et surtout GM chancelaient déjà (depuis GM figure tristement au 4e rang des plus grosses faillites aux Etats-Unis depuis 1980, pour 91 milliards de $, et Chrysler au 7e rang, pour 39,3 milliards). 2009 s'annonçait comme l'année de tous les dangers. L'industrie automobile était en première ligne, la France, elle, n'échappait pas à la règle. Pourtant, dans le périmètre hexagonal, 2009 s'est mué en exercice prodigue : record d'immatriculations depuis 2001, à 2,26 millions d'unités, soit une hausse de 6 % par rapport à 2008. Malgré un taux de chômage galopant, un accès au crédit difficile dans les premiers mois de l'année, une perte de confiance des consommateurs… "Cette performance s'explique par l'effet très significatif de la prime à la casse. En début d'année, lors de l'annonce du dispositif, nous avions tablé sur 20 % de volume supplémentaire généré par la prime, mais avec un effet démultiplié en novembre et décembre, son impact aura finalement été de 25 %, soit 555 000 véhicules", explique
Michel Jacinto, analyste chez CSM, avant de poursuivre : "Ces aides ont essentiellement profité au marché des particuliers, le segment des entreprises s'étant lui contracté. Ainsi, les ventes de routières, c'est-à-dire principalement les segments D et E, perdent 8 %". Selon lui, l'emballement de l'activité lors des deux derniers mois de 2009 est plutôt surprenant. En effet, la prime à la casse ne disparaît pas en 2010 et le premier seuil ne sanctionne qu'une diminution de 300 euros. "Deux hypothèses sont recevables : soit on met le phénomène sur le compte de la stratégie des constructeurs qui ont choisi de ne pas communiquer sur le prolongement du dispositif pour renforcer l'attrait d'offres exceptionnelles de fin d'année et alors, ce n'est pas très signifiant ; soit on interprète le phénomène en se disant que la somme de 300 e est significative pour les consommateurs et alors, c'est plus inquiétant". Toutefois, la bonne tenue des volumes en 2009 ne doit pas être prise pour argent comptant. Le marché a perdu en valeur sous l'effet des modifications du mix. Au-delà des constructeurs, les équipementiers sont aussi fragilisés. Dans certains cas extrêmes, les premiers achètent même aux seconds les matières premières… Cette forte tension financière se retrouve aussi au niveau des réseaux.
Un mix downsizé
Dans un contexte de récession, la prime à la casse et le bonus-malus ont largement bénéficié aux petits modèles, les segments A et B progressant respectivement de 50 et 10 %. Le segment A a représenté 14 % du marché en 2009 et les segments A et B 51 % contre 45 % en 2008. "Les citadines sont même passées devant les compactes, confirmant un attrait renforcé depuis plus de quatre ans. Et il est intéressant de noter que les deux catégories qui progressent sont les deux seules situées en dessous de 120 g d'émissions de CO2", indique Michel Jacinto. A l'inverse, comme nous l'indiquions précédemment, les routières n'ont plus le vent en poupe. La frilosité des entreprises explique en grande partie le phénomène, même s'il ne faut pas négliger la désaffection des particuliers pour ces modèles, régulière depuis plusieurs années. "Sur le marché des entreprises, on relève aussi un transfert des achats du segment D vers le segment C, maîtrise des coûts oblige", glisse
Guillaume Lembrez. Bref, prime à la casse, bonus-malus, TVS… l'emprise du législateur sur les orientations du marché se fait de plus en plus prégnante. Au niveau des carrosseries, on peut noter l'érosion vérifiée des breaks et des monospaces, à - 6 %. "Ces types de modèles souffrent face à la concurrence des CUV et des hatchback 3 et 5 portes, d'autant qu'ils ne font pas valoir des performances environnementales de premier ordre", commente Michel Jacinto. La remarque est particulièrement valable pour les gros monospaces, "qui souffrent de leur design très classique, mais également de l'offre 7 places chez les monospaces compacts, à tel point que chez les Français, leur remplacement n'est plus à l'ordre du jour". Par ailleurs, contrairement à une idée reçue largement répandue, les ventes de SUV ont trouvé un nouvel élan en 2009, à + 20 % soit environ 20 000 véhicules supplémentaires. Ce dynamisme provient majoritairement des CUV, Nissan Qashqai et Peugeot 3008 en tête. "C'est l'offre des SUV compacts, portés par des versions downsizées, qui tirent ce segment vers le haut et cela se vérifie aussi chez les constructeurs Premium", synthétise Guillaume Lembrez en évoquant l'exemple de BMW et des évolutions des ventes de X5, X3 et X1. Et d'ajouter : "Les marques Premium font des efforts remarquables sur les motorisations. Le label Efficient Dynamics en est actuellement l'exemple le plus emblématique. D'ailleurs, pour le lancement de la 3.20 D, BMW communique uniquement sur les émissions de CO2 et la consommation".
Outils de production : une remise à niveau en bonne voie
C'est sans nul doute dans ce domaine que les efforts les plus significatifs ont été consentis. De nombreuses usines ont été restructurées, par exemple le site de Rennes qui est passé de 3 à 1,5 ligne. "Si des restructurations sont encore à attendre, notamment chez Fiat, le gros du travail a été accompli. Le problème des capacités n'est pas encore pleinement résolu, mais il est en bonne voie et la méthode du compactage, c'est-à-dire une réduction de la surface sans diminution de la capacité, va se développer, afin d'optimiser les coûts, notamment à Sochaux", explique
Denis Schemoul, avant d'ajouter : "De ce point de vue, 2009 a encore été une année de transformation pour les constructeurs comme les équipementiers et il en résulte une meilleure adaptation -et adaptabilité- aux volumes prévus. On a d'ailleurs pu le vérifier avec les résultats encourageants publiés par certains grands équipementiers au 4e trimestre". En 2010, les constructeurs qui ont rencontré un gros succès en Allemagne seront naturellement les plus exposés. On pense notamment à Volkswagen, Ford ou Fiat. En revanche, les constructeurs français, Premium ou encore Hyundai sont plus à l'abri. Par ailleurs, des interrogations planent sur les marchés italien et espagnol. A l'inverse, la demande devrait redevenir soutenue en Russie dès le mois de mars. "Enfin, si peu de sites sont directement menacés, au-delà de Fiat en Sicile, 2010 sera une année de décision capitale pour l'usine GM d'Anvers, en Belgique et Trollhatan en Suède, et l'usine Mitsubishi de Born, en Hollande", prévient Denis Schemoul.
2010 : un recul des ventes de VP contenu à - 9,5 %
Selon les analystes de CSM, le marché hexagonal devrait afficher un recul mesuré cette année par rapport à 2009 : - 9.5 %, soit environ 2,2 millions d'unités. Le marché total venant, lui, tutoyer les 2,4 millions. Pour Michel Jacinto, "la suppression pure et simple de la prime à la casse aurait entraîné un retrait beaucoup plus net, de l'ordre de 15 %. Mais la prolongation du dispositif, sur un mode dégressif, devrait encore générer un volume supplémentaire de 200 000 ventes". Le début d'année sera sans aucun doute très soutenu, les carnets de commande étant pleins depuis la fin décembre et la plupart des constructeurs ayant relancé des offres très agressives dès janvier. Cependant, ces chiffres ne représenteront donc pas l'activité réelle des lieux de distribution, activité qui sera scrutée de près par les marques. D'autant plus que la deuxième partie de l'exercice s'annonce beaucoup plus compliquée. Selon Guillaume Lembrez et son équipe, les prévisions actuelles sont plutôt fiables : "Nous avons plus de certitudes en ce début d'année qu'il y a un an…". Néanmoins, la prudence reste de mise et si le chômage n'est pas, bon an mal an, contrôlé, la situation pourrait dévisser. De même, la variable des impacts de la législation doit être veillée. Au niveau du mix, la stabilité devrait être de mise, avec un léger recul du segment A et un rebond ténu des routières sous l'effet d'une activité plus soutenue sur le front des entreprises. "C'est une année palier et la prochaine évolution significative n'interviendra pas avant 2011 et 2012 avec le déploiement des programmes zéro émission en général et des programmes électriques en particulier", précise Michel Jacinto. Même analyse sous l'angle des carrosseries, même si les SUV et les hatchback 3 et 5 portes vont poursuivre au rythme d'une mince progression. "On peut dire que le marché est structurellement stable", avance Michel Jacinto. En somme, au-delà d'un hypothétique dérapage de la conjoncture, la principale inquiétude de 2010 porte une nouvelle fois sur le marché en valeur : "C'est un bémol très important et nous sommes forcément réservés sur la rentabilité des constructeurs", affirme ainsi Guillaume Lembrez.
Ford, Hyundai et Peugeot parmi les marques gagnantes de 2010
Déjà en forte progression l'an passé (+ 16 %), Ford devrait à nouveau tirer son épingle du jeu en 2010. CSM table certes sur un recul de - 7,7 % mais la marque est toujours portée par le duo Ka et Fiesta, principalement ce dernier modèle qui doit encore monter en cadence. "En outre, il convient de souligner que le plan produits est très bien articulé, car la Focus va ensuite être lancée pour donner son plein impact en 2011", indique Michel Jacinto. Par ailleurs, Hyundai peut aussi voir les mois qui s'annoncent en rose, CSM pronostiquant une croissance de 11 %, soit quelque 2 400 véhicules supplémentaires. Dans ce cas précis, on peut parler de croissance naturelle par l'intermédiaire d'une gamme très jeune et renouvelée avec pertinence sur les segments porteurs. "Hyundai bénéficie, de surcroît, d'un réel changement des mentalités des clients, les freins pour acheter des véhicules jadis qualifiés "d'exotiques" se levant. Parallèlement, l'indice de notoriété de la marque a aussi progressé. En fait, le principal challenge de Hyundai sera de faire face à Dacia", explique Guillaume Lembrez. A propos de Dacia, les analystes de CSM misent sur une année de transition, plutôt bonne avec - 4,2 %, tout en reconnaissant que la marque est l'une des plus imprévisibles : "L'activité autour de la Sandero pourrait très bien ne pas se relâcher et le Duster pourrait très bien faire des siennes vu son prix". Selon CSM, Peugeot doit aussi sortir du lot, avec des volumes certes en baisse, mais un gain de part de marché (+ 0.3). La montée en puissance du 3008, estimée à + 6 %, le lancement du 5008 et les volumes additionnels d'une RCZ attendue par le marché expliquent cette prévision, Guillaume Lembrez stigmatisant par ailleurs qu'il s'agit "de véhicules présentant traditionnellement de bons niveaux de rentabilité". En revanche, après des années fastes, Citroën devrait nettement marquer le pas. CSM voit tout simplement la marque à - 12,9 % en 2010, soit en contre-performance par rapport au marché. La montée en puissance de la C3 et le lancement très médiatique de DS3 (environ 13 600 unités) ne compenseraient pas le manque de renouveau d'autres modèles et notamment de la C4 en toute fin de cycle. Pour clore le chapitre des marques françaises, un mot sur Renault qui devrait faire un peu mieux que le marché, pour un recul de 8,8 %, mais avec une part de marché stable. Handicapée par l'absence de lancements phare, la marque pourra cependant exploiter pleinement les Mégane et Scénic (respectivement attendues à + 3 et + 0,6 %).
Quelques lancements névralgiques : Astra, A1, Giulietta et DS3
Pour Opel, l'année 2010 s'annonce encore délicate ; une situation corporate difficile faisant suite à de -trop- longs mois d'incertitudes et de tergiversations qui auront autant appauvri la marque qu'enrichi les cabinets de conseil et d'audit… Selon CSM, Opel devrait accuser un repli de 8,1 % cette année. Ces résultats auront pour principal fer de lance l'Astra, nouveauté bien née et bien accueillie, qui verrait plus que doubler ses volumes, de 9 500 à 20 800 unités. "Cependant, la concurrence frontale avec la Mégane promet d'être sévère, surtout que la stratégie commerciale doit d'ores et déjà prendre en compte l'arrivée ultérieure de la Focus, un autre gros calibre", souligne Michel Jacinto, "Ce modèle revêt une importance particulière pour Opel dans la mesure où la marque doit rassurer ses clients et gagner du temps dans l'attente de ses futurs lancements, notamment le Mériva et le Zafira".
Pour Audi, le gros lancement de l'année, hormis l'A8, sera incontestablement l'A1. Un modèle qui doit lui permettre de prendre la tête du segment Premium en volume (malgré un repli de 6 %), même si l'effet sera limité cette année (environ 1 700 ventes). Forte d'arguments qualité, design et image de marque déjà confirmés, la "petite" A1 sera bien accueillie sur le marché et pourra notamment attaquer directement la Mini. Reste aussi à savoir jusqu'où l'A1 peut venir marcher sur les plates-bandes de… l'A3 !
La marque Alfa Romeo s'apprête à vivre une année décisive et l'enjeu lié à la Giulietta, présentée à Genève, n'y est pas étranger. "Le sort commercial de ce modèle donnera de sérieuses indications sur l'avenir du positionnement de la marque. En schématisant, va-t-il rapprocher la marque de l'univers Premium ou va-t-il la confiner à un groupe de passionnés ?", assène Michel Jacinto tout en ajoutant : "Entendons-nous bien, quelles que soient les rumeurs, l'avenir de la marque n'est nullement remis en cause à l'heure actuelle. A bien des égards, au sein du groupe, Lancia peut sembler plus en danger". Par ailleurs, Michel Jacinto estime qu'il faudra "suivre attentivement les évolutions des ventes de Giulietta et de MiTo pour voir s'il y a bien gain en volume et non cannibalisation".
Enfin, s'il est impossible d'être exhaustif sur les lancements de l'année, impossible aussi de faire l'impasse sur la DS3, poisson-pilote de la ligne haut de gamme de Citroën. Le design séduit et la campagne de communication est savamment orchestrée. Au-delà de ce premier bon point, il faut encore prouver que le modèle dispose de toutes les autres qualités nécessaires à l'entrée dans le cercle exigeant du Premium. Si un premier succès immédiat est quasiment assuré en France, le plus ardu sera de le confirmer par la suite, notamment dans la période intermédiaire du cycle produit. D'autant plus que la concurrence sera aussi fournie que régénérée, Mini et A1 par exemple. Bref, la DS3 va-t-elle poser les premiers jalons et baliser l'accès au Premium pour Citroën ou se cantonnera-t-elle au joli coup de cœur design et mode, version buzz ou tube d'un été ? Pour Guillaume Lembrez, "ce lancement n'en demeure pas moins vraiment essentiel. En effet, il ne s'agit pas d'un modèle décalé, mais bel et bien du lancement d'une gamme, avec ensuite DS4 et DS5. Les investissements qui ont été réalisés sont donc loin d'être quantité négligeable. En outre, la ligne DS aura un impact déterminant sur l'image de Citroën, aussi positif en cas de succès que négatif dans le cas contraire".
Bref tour des marchés européens
Si la France doit donc bien se comporter cette année, qu'en est-il de ses voisins européens, sortant eux aussi d'un régime d'aides ? La question se pose naturellement avec acuité pour l'Allemagne. "En effet, si la France était sous antibiotiques en 2009, l'Allemagne était sous perfusion", caricature Michel Jacinto en rappelant que la prime en Allemagne s'élevait à 2 500 euros. Le contre-coup sera rude et CSM table sur une baisse des ventes de 24,5 % sur 2010 par rapport à 2009. Le processus s'est d'ailleurs enclenché en décembre. Ce chiffre mérite cependant d'être relativisé car il ne faut pas oublier que l'année 2009 était la meilleure depuis 1992.
En Italie, le retrait devrait être beaucoup moins marqué, à - 2,6 %. "En fait, ce marché étant sous l'assistance de mesures gouvernementales depuis plusieurs années, leur effet s'est déjà essoufflé. Il n'y aura donc pas de jeu de rupture, ce qui s'est déjà vérifié l'an passé", explique Michel Jacinto.
En Espagne aussi, de nombreuses aides ont été déployées au cours des dernières années, mais le problème est tout autre et on ne saurait faire fi de la situation générale du pays. Peu enviable à dire vrai et c'est une litote quand on connaît notamment son taux de chômage (environ 18 %). Bref, même si un bonus important reste en vigueur, les conditions d'une reprise ne sont pas réunies. CSM pronostique donc un nouveau repli du marché de 10 % en 2010 par rapport à 2009.
Si les deux cas ne sont pas comparables, le Royaume-Uni reste aussi dans une situation délicate. Malgré la prime à la casse, le marché automobile devrait donc de nouveau évoluer à labaisse : - 6,9 % en 2010 par rapport à 2009.
Production en France et en Europe : "ciel gris, sans précipitations, avant éclaircie"
Au-delà des cas particuliers déjà évoqués (Fiat à Termini, GM à Anvers et Trollhatan et Mitsubishi à Born), les sites de production ne sont pas menacés en Europe en général et en France en particulier. "Notamment parce que le niveau de production va se maintenir : - 0,5 % dans la zone Europe avant un retour au positif prévu dès 2011", dixit Denis Schemoul. En France, peu de mouvements sont donc à attendre. Par exemple chez PSA, Poissy a retrouvé l'équilibre grâce aux C3 et DS3, tandis que Mulhouse prépare les lancements des C4 et DS4 et que le site de Sochaux devrait conserver sa nouvelle équipe une large partie de l'année. En fait, seules deux questions demeurent en suspens. D'une part, l'avenir d'Heuliez n'est pas encore assuré. Certes, la production de la Friendly doit débuter en septembre, mais les volumes sont réduits, estimés entre 10 000 et 15 000 par an. Et en septembre, les élections seront derrière nous… D'autre part, les sites produisant des VU risquent fort d'être encore maintenus à la portion congrue car les probabilités pour que le marché reprenne des couleurs avant la fin de l'année sont minces.
Photo : Michel Jacinto, analyste chez CSM.