Ce que veulent les publicitaires…
...de notre société ?
Le festival de la publicité automobile, qui se déroule tous les deux ans à Clermont-Ferrand, est un événement majeur dans le paysage médiatique français. Il célèbre les créations publicitaires dédiées à l'automobile les plus originales. Ainsi, à l'instar du Festival de Cannes, sur le devant de la scène et devant un parterre de professionnels (publicitaires, annonceurs et médias), plus d'une centaine de publicités sont dévoilées puis jugées. Cette année par exemple, 123 films ont été proposés par 41 agences de communication. Les lauréates se sont vues récompensées pour leur créativité et leur humour, la qualité du scénario ou bien encore la réalisation… Cette année, le Marcus du Festival 2005, autrement dit le grand prix du jury, a été attribué au film "The Gardener" de l'agence Springer & Jacoby France pour Mercedes-Benz. Sur la chanson For me Formidable de Charles Aznavour, un petit garçon plante au petit matin une CLK miniature dans le jardin de sa maison, et l'arrose avec précaution. Il jette ensuite un regard amoureux vers la voiture familiale qui n'est autre, vous l'aurez deviné, qu'une CLK grandeur nature. Juste pour l'anecdote, la sculpture remise aux lauréats représente une automobile stylisée, œuvre du sculpteur Alain Lantero, et a été baptisée Marcus, du nom de ce romain qui eut l'idée de cercler de fer une roue en bois, permettant ainsi d'en assurer la durabilité. Le festival de la publicité automobile fait parti de la Semaine des arts et techniques et cultures de l'automobile (Satcar), créé en 1989. Sept jours de rencontres, de colloques et de festivités, entièrement dédiés à l'automobile. L'idée de départ était simple : dynamiser l'image de Clermont-Ferrand, en créant un ensemble d'événements liés à l'automobile et la route, deux axes majeurs dans cette région qui a vu naître Michelin. L'objectif était également de montrer le savoir-faire local des entreprises dans différents domaines tels que l'industrie, la recherche… une véritable vitrine promotionnelle. "La Satcar n'existait nulle part ailleurs à cette époque", indique Roland Auroy, son commissaire général. "Et nous en sommes aujourd'hui à sa 14e édition. Quant au festival de la publicité automobile, il est en quelque sorte, le maillon d'une chaîne qui se veut représentative du dynamisme régional clermontois. Il est même devenu européen avec les années". Preuve de son succès, la montée en puissance du jury, observée au fil du temps par Roland Auroy. Présidé cette année par le pilote automobile Olivier Panis, le festival était composé d'une vingtaine de personnalités des mondes de l'automobile, des médias, de la publicité et du marketing. Pour cette nouvelle édition, les organisateurs ont voulu savoir, au travers de rencontres organisées, si le "Think globally, act locally", (penser globalement, agir localement, ndlr), était en publicité la meilleure voie pour réussir commercialement sur des marchés hétérogènes. Il semble qu'en effet, historiquement, les différences économiques et socioculturelles des pays justifiaient que l'entreprise conçoive pour chacun d'eux une publicité spécifique. Aujourd'hui, les agences ont tendance à développer des campagnes pour un groupe de pays (l'Europe ou l'Asie par exemple…). De plus, les agences sont entrées dans une logique de restriction des coûts, leurs clients n'hésitant plus à les mettre en concurrence entre elles, et ce quel que soit le support. Ainsi, en matière d'achat d'espace par exemple, PSA Peugeot-Citroën a retiré son budget pour la France auprès de MPG, son partenaire historique et filiale d'Havas, après avoir mis en compétition plusieurs agences européennes. Enfin, la publicité tend à s'internationaliser. En effet, face à l'Angleterre qui détient depuis des années la palme de la créativité en matière de publicité, l'Argentine, la Thaïlande et la Malaisie deviennent des concurrents sérieux. Ces pays sont aujourd'hui de véritables viviers de créativité. La compétition entre les pays se durcit.
La pub se creuse la tête
Les normes en matière de publicité diffèrent selon les pays. En France, le Bureau de Vérification de la Publicité émet des avis qui ne sont pas à caractères obligatoires mais sont pris en compte par la profession. Cet organe n'existe pas aux Etats-Unis ni au Japon. Par exemple, les agences qui emploient des enfants dans leurs publicités sont soumises à des règles bien précises comme le nombre d'heures de travail effectuées quotidiennement. En revanche, le BVP n'a pas freiné l'imagination des agences, bien au contraire selon Eric Valz, rédacteur en chef de CB News. "En effet, le bureau a débridé la publicité car les restrictions imposées ont forcé les agences à être plus créatives, ce qui a donné lieu à des pubs plus abouties. De même, je trouve qu'elles sont nettement plus intelligentes qu'auparavant et la raison est simple : elles s'adressent de plus en plus aux femmes, car ce sont elles les prescriptrices. La publicité est un des rares domaines où l'on joue avec l'intelligence des personnes, et non avec leur bêtise. Bien sûr, certains pourront rétorquer que certaines publicités, et notamment dans l'univers automobile, sont puériles". Et de faire ici allusion à la première pub Modus, celle des cadres jouant au Morpion avec leur véhicule sur le parking de leur société. "Elle n'a pas fonctionné car elle jouait trop sur le mode régressif et enfantin : les consommateurs n'ont pas compris". Il n'empêche, Eric Valz estime que l'évolution de la publicité depuis 10 ans est visible, et certains constructeurs comme Renault ou bien encore Volkswagen ont fait le choix de la créativité et de l'originalité. Ajoutez à cela une pincée d'humour et un zest de ludisme, et l'ensemble est homogène et efficace. Certains thèmes sont tout de même récurrents dans la publicité, preuve très certainement de leur efficacité. La filiation père/fils en fait parti. En effet, de nombreuses pubs jouent sur le lien entre un père, son fils… et la voiture familiale (Opel Astra GTC ou bien encore la Classe B de Mercedes). Les publicitaires jouent sur la transmission de patrimoine. En revanche, certaines images provoquent une levée de boucliers, à l'instar de ces pubs qui mettent en parallèle le côté objet de la voiture et de la femme. Vous souvenez-vous du film Audi, très esthétique, mais dans lequel on entendait une femme déclarer très sensuellement : "Vous avez la voiture… vous aurez bientôt la femme". Si vous n'en avez aucun souvenir, c'est normal, elle n'est pas restée suffisamment longtemps à l'affiche pour camper dans les mémoires, les associations féministes ont crié au scandale devant tant de misogynie.
La tendance est au politiquement correct
D'autres jouent plutôt sur des thèmes qui sont dans l'air du temps, comme la culture gay par exemple (voir encadré). Etes-vous choqués par ce genre d'images ? Pas les professionnels artisans en tout cas, puisque d'après VW Utilitaires, les immatriculations auraient progressé de 30,7 % sur les cinq premiers mois de 2005. Difficile de mesurer la part de la communication dans cette réussite mais le gain de notoriété spontanée de 4,7 points à 57,5 % obtenu par VW Utilitaires est à mettre au crédit de la campagne. Avec 6,9 sur 10 en image (chiffres Marketing First), soit une hausse de 0,2 point en un an, la marque se hisse au 3e rang derrière Renault et Mercedes. Dans tous les cas, les créatifs jouent la provocation, et quelle que soit votre réaction, le pari est gagné, la pub ne doit pas laisser indifférent. Même si la tendance est au politiquement correct, grâce ou à cause du BVP, les images diffusées plusieurs fois par jour sur les différentes chaînes et à des heures de grandes écoutes ont forcément un impact dans l'esprit du consommateur. Ce que veulent les publicitaires, c'est aller plus loin dans la vente du produit ou d'un service, donc choquer, tout en respectant une certaine éthique. Pas facile. Les français par exemple rejettent la misogynie et la violence et veulent voir des valeurs comme le respect et la dignité mises en exergue. Et, signe des temps ou de l'évolution des mœurs, la nudité et la sexualité suscitent moins de réactions qu'il y a une dizaine d'années.
Pour conclure, Roland Auroy et Eric Valz tiennent le même discours : la publicité automobile est l'un des secteurs qui joue le plus sur l'humour et sur les phénomènes de sociétés, et la France demeure un des pays leaders en matière de créativité. En d'autres termes, il faut oser pour se différencier.
Muriel Blancheton
ZOOMVolkswagen VU remporte le prix Effie 2005 Le 21 novembre 2005, au Palais de Tokyo de Paris, la 12e édition française du prix Effie 2005, a récompensé Volkswagen et sa campagne "Le danger ne viendra pas de la route". Cette dernière a remporté le premier prix dans la catégorie Communication Corporate et BtoB. Volkswagen Utilitaires et l'agence DDB ont choisi de jouer la carte de l'humour dans cette campagne, au travers de professionnels mis en scène dans leur quotidien face à des situations risquées : des hommes-grenouilles tournent le dos à un hydravion, deux antennistes installent un râteau sur un toit alors qu'un orage éclate, un chien s'apprête à tirer sur la bâche où est posée l'échelle d'un peintre… et un plombier venu réparer un lavabo suscite quelques appétits de la part de son client. Créé en 1994, le prix Effie a pour objectif de récompenser l'efficacité de la communication d'une marque. Il gratifie chaque année les annonceurs et les agences qui ont développé les campagnes de communication les plus influentes en termes de résultats et pas seulement en termes de créativité. |
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