Cas d’école sur concept-cars
Renault Mégane
Philip Nemeth souligne tout d'abord qu'il s'agit d'un segment névralgique pour Renault. Sous-entendu : considérant l'importance commerciale et financière du modèle, il ne fallait pas s'attendre à trop d'audace. Au final, la partition est bien exécutée et le véhicule s'avère homogène, avec quelques points forts et quelques faiblesses. "Le trois-quart arrière est vraiment très beau, même si on peut regretter le manque de visibilité arrière justement, ce qui s'explique par une ceinture de caisse très haute, un choix très en vogue en ce moment. D'une manière générale, on peut aussi relever un certain manque d'équilibre. C'est dommage car dans le même temps, la gestion des surfaces s'avère très pointue. Enfin, il convient aussi de souligner le nouveau code graphique qui fait son apparition dans les nervures du capot, avec un "creusé" bien spécifique", synthétise Philip Nemeth, tandis qu'un étudiant fait remarquer que "Renault revient clairement à des codes stylistiques plus sages, ce qui n'est pas forcément motif à reproches. Ainsi, cette Mégane pourrait très bien être un véhicule des marques Hyundai ou Kia".
Concept-car Renault Ondelios
Le prototype polémique par excellence, surtout que la marque traverse une période délicate en terme de style. D'aucuns ont vanté un exercice audacieux et abouti quand d'autres stigmatisaient un véhicule massif et informe, desservi par une poupe monumentale. Plus aguerri et professionnel, l'œil des spécialistes du Strate College est moins catégorique. "Au départ, j'étais sceptique car les photos que nous avions reçues faisaient clairement apparaître que les proportions n'étaient pas respectées. Je me souviens notamment des roues démesurées… Mais en vrai et dans l'espace, on se rend compte que ce défaut existe bel et bien, mais dans une bien moindre mesure. Ce n'est nullement rédhibitoire même si le syndrome Avantime et VelSatis rôde encore", déclare Stéphane Jannin, étudiant au Strate, avant d'ajouter : "Par ailleurs, le traitement de l'habitacle ne souffre d'aucune contestation possible. Pour un show-car sur lequel tout est permis ou presque, on est vraiment au sommet, avec beaucoup de technologies et toujours le respect du bon goût. C'est le point fort de l'Ondelios, même si l'habitacle n'est pas pour autant le vecteur d'une révolution conceptuelle". Pour Philip Nemeth, responsable des formations transports au Strate College et ancien designer de renom, "Il faut aussi ajouter que le soin porté aux détails est remarquable. On trouve sur l'Ondelios une somme de détails très prometteuse car on peut aisément imaginer une reprise ultérieure de certains codes graphiques. L'habitacle est assurément le cœur du projet Ondelios et il est mis en valeur par une très belle composition des vitrages, notamment le jeu subtil entre vitres opaques et transparentes. En revanche, c'est dommage de constater que ce travail n'est pas au service de la vision périphérique. Comme trop souvent, il y a une grande surface vitrée et pléthore de caméras, mais au final, on ne voit pas forcément bien… Enfin, du point de vue de l'enseignant et par rapport aux demandes que nous recevons des constructeurs et à la logique de production, je ne suis guère convaincu par le recours à une énième porte papillon. Pas plus que par le bas-volet pour sortir du véhicule".
Citroën Hypnos
Pour Laurent Gravier, étudiant en cinquième année au Strate College, "Ce concept-car mérite d'être une star du salon, tant il est prolifique. Ainsi, il y a énormément de choses intéressantes dans le traitement des surfaces et une somme de détails vraiment riche. Par exemple, l'aspect froissé sur le rétroviseur est merveilleusement bien réalisé et on retrouve d'ailleurs des déclinaisons de ce motif dans l'habitacle. Le concept-car fait aussi émerger de nouveaux codes de design très pertinents : par exemple, le logo est utilisé pour envelopper la calandre et l'arrière, ce qui confirme la réflexion en cours sur les chevrons au sein de la marque, ainsi que le fait que C-Métisse a bel et bien ouvert une nouvelle voie. Enfin, l'intérieur est vraiment original et cette audace, notamment ces couleurs parfois très flashy, se justifie dans la mesure où c'est presque un show-car. De nombreux éléments et de nombreuses tendances cohabitent dans cet univers". Philip Nemeth partage l'avis de son étudiant à bien des égards et tient à souligner par rapport à l'habitacle que le design intérieur a actuellement le vent en poupe sur le marché du travail : "Il y a beaucoup de postes à pourvoir dans ce secteur. Au Strate College, nous mettons donc en place un cours spécialement dédié dès la troisième année pour mieux répondre à cette demande des constructeurs". Mais il émet toutefois quelques réserves : "Le jeu sur le logo est effectivement pertinent, mais on peut déplorer qu'il s'accompagne d'un recours à des pièces chromées un peu dégoulinantes, et ce n'est pas la première fois. Par ailleurs, si les proportions sont très belles, avec de surcroît une assise magnifique, j'estime qu'il y a trop de détails, ce qui aboutit à une surcharge, même s'il faut aussi reconnaître que cela permet d'avoir plusieurs niveaux de lecture par rapport au véhicule". Et de conclure : "Fondamentalement, on peut se poser la question suivante : pourquoi encore un semi-SUV ? En outre, même si les concept-cars sont une vitrine, il faut savoir ne pas trop en faire. Ici, nous sommes à la limite. Mais bien entendu, il s'agit encore d'un point de vue d'enseignant car nous rabâchons à nos étudiants qu'ils doivent concevoir avant tout des voitures avec des portes qui s'ouvrent et des vitres qui descendent ! Et puis, cela renvoie aussi au paradoxe intrinsèque des concept-cars".
Citroën GT Concept
"Avec ce prototype, les équipes de la marque avaient toute liberté car il vient s'inscrire dans le cadre d'un jeu vidéo. Tout était donc possible ! Par conséquent, si les proportions sont un peu caricaturales, ce n'est absolument pas gênant, c'est même au contraire adapté au contexte. Le parti-pris de conserver les matériaux bruts me semble splendidement assumé et l'intérieur est vraiment beau, à la fois basique, brutal et très typé "race", à l'image du volant. En outre, d'un point de vue plus conceptuel, le jeu créé entre virtuel et réalité garde toute sa pertinence", s'enthousiasme Laurent Gravier, relayé par Philip Nemeth : "Je crois aussi qu'il convient de saluer la très bonne communication orchestrée par Citroën autour de ce projet. Ils ont réussi à dépasser le jeu vidéo pour en faire un véhicule-image. De toutes les façons, il y a chez eux un renouvellement manifeste à ce niveau. Par exemple, si vous pensez à la Visa Chrono, qui n'est somme toute pas si ancienne, vous avez le sentiment que c'est vieux comme Hérode".
Photo : Comme pour l'Ondelios, l'habitacle est le point fort de l'Hypnos. Philip Nemeth assure d'ailleurs qu'il y a de nombreux postes à pourvoir chez les constructeurs dans le domaine du design intérieur, qui n'est plus le parent pauvre de style, loin de là.
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