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Constructeurs

“BMW est devenue très protéiforme”

Publié le 21 avril 2015

Par Alexandre Guillet
6 min de lecture
Figure incontournable du top management des constructeurs Premium depuis trente ans, Peter Schwarzenbauer revient en notre compagnie sur la forte empreinte laissée par Norbert Reithofer au sein de BMW, mais aussi sur la stratégie “produits” du groupe et sur les enjeux névralgiques soulevés par l’avènement du monde numérique. Spicilège.
Peter Schwarzenbauer, membre du directoire de BMW AG, directeur des marques BMW, MINI, Rolls-Royce et BMW Motorrad.

JOURNAL DE L’AUTOMOBILE. Quel jalon principal retiendriez-vous de la présidence de Norbert Reithofer au sein du groupe BMW ?
PETER SCHWARZENBAUER.
Même si cela nous renvoie à la première phase de sa présidence, je pense que le plan “Number ONE”, dévoilé en 2007, est véritablement incontournable. Maintenant que nous avons la possibilité de mettre ce plan en perspective, on peut réaliser que ce point de départ a marqué une étape décisive pour le groupe. En outre, en menant une réflexion sur les nouvelles énergies, la marque BMW i était d’ores et déjà en germe, et sur les évolutions de la mobilité individuelle, Norbert Reithofer a démontré qu’il avait une qualité de visionnaire. Ce n’est peut-être pas lui qui a réinventé le concept de mobilité individuelle, mais c’est bel et bien lui qui l’a redéfini puis ciselé à l’échelle de son groupe. Enfin, ce qui est remarquable dans le plan “Number ONE”, ce n’est pas seulement sa pertinence initiale, car on voit beaucoup de plans pertinents sur le papier dans l’industrie, mais c’est surtout la rigueur et l’efficacité de sa mise en œuvre et de son exécution.

JA. Quels traits dominants de son management mettriez-vous volontiers en exergue ?
PS.
Sans prétendre à l’exhaustivité, j’évoquerais tout d’abord sa remarquable capacité à mettre toutes ses équipes, et pas uniquement le top management, en ordre de marche derrière les projets. Dès lors, le pilotage des projets est rigoureux et précis. Norbert Reithofer fait aussi valoir une excellente capacité d’écoute et il s’agit d’une écoute de qualité. Il sait donc écouter au bon moment, mais naturellement, il sait aussi prendre les décisions au moment idoine. Il y a chez lui un remarquable équilibre dans le tempo des phases d’écoute, d’analyse, de synthèse, d’action et de suivi. C’est une qualité rare, même chez les grands patrons.

JA. Entre les spécificités des marchés et leur hyper-segmentation, comment définiriez-vous votre approche de produit automobile ?
PS.
Il y a quelque chose d’invariable qui se traduit par un triangle magique entre la marque, les produits en tant que tels et les consommateurs. C’est l’exécution de cette figure géométrique qui fait ensuite la différence, soit beaucoup de travail, de précisions, de nuances.

JA. Peut-on estimer que l’extension de la gamme de BMW touche aujourd’hui à ses limites ?
PS.
Après une forte expansion, force est de reconnaître que nous disposons aujourd’hui d’une gamme très complète. Mais si nous ne chercherons pas à l’élargir vers le bas, nous vous réservons encore des surprises à l’avenir. Par ailleurs, il faut bien garder à l’esprit que la marque BMW est devenue très protéiforme, avec les territoires variés que sont BMW, BMW i et BMW M.

JA. Quel avenir envisagez-vous pour MINI sachant que la gamme va être ramenée à cinq modèles ?
PS.
Nous allons effectivement nous concentrer sur cinq modèles à très forte identité couvrant des territoires très distincts. En veillant à conserver l’image et les valeurs de la marque, qui ont la tonicité et la modernité d’une vodka Red Bull ! Pour MINI, nous allons encore renforcer la notion de “full experience company”, tout en nous orientant vers le registre du “less is more”.

JA. Vous avez quelque peu créé la surprise en annonçant l’arrivée d’un SUV dans la gamme de Rolls-Royce. Conservera-t-il l’essence ultra-exclusive de la marque ou porte-t-il au contraire un message d’ouverture, fût-elle relative ?
PS.
Selon nous, cette annonce ne constitue pas une surprise dans la mesure où nous ne faisons que répondre à une demande du marché. Cependant, comme vous pouvez vous y attendre, ce ne sera pas un SUV de plus sur le marché et nous soignerons, magnifierons même, le caractère ultra-exclusif de la marque. Rolls-Royce n’est pas réductible à une marque automobile, c’est de l’art sur quatre roues, une philosophie de vie et un imaginaire propre.

JA. Allez-vous poursuivre la stratégie de diversification pour BMW Motorrad ?
PS.
Nous allons effectivement poursuivre cette stratégie de diversification, d’autant qu’elle donne d’ores et déjà de bons résultats. L’exercice 2014 en est la meilleure illustration et nous ferons encore mieux cette année, toujours portés par une forte croissance en Asie, Chine en tête. Nous avons deux grandes priorités à l’ordre du jour : positionner la gamme en dessous de 500 cm3 et donner à la marque une dimension plus “fashion”.

JA. Par rapport à votre travail sur le produit, que vous inspire la formidable globalisation du marché automobile ?
PS.
Chaque groupe automobile à vocation mondiale a désormais trois pieds : l’Amérique du Nord, l’Europe et l’Asie, avec le poids prédominant de la Chine naturellement. Dès lors, pour se prémunir contre d’éventuelles turbulences, tout est affaire d’équilibre et de potentiel de compensation, partielle ou totale. Et nous devons déjà penser au coup d’après, à savoir l’émergence des marchés africains.

JA. Dans un autre registre, l’avènement de l’ère numérique vient questionner tous les métiers de l’automobile et sera susceptible de faire bouger les lignes dans la hiérarchie des positionnements : comment appréhendez-vous cette évolution majeure ?
PS.
Il est clair qu’il s’agit d’un des principaux défis proposés à l’industrie automobile pour les dix années à venir. En outre, la connectivité des véhicules nous met face à des cycles d’évolution très rapides, ce qui n’était pas historiquement la norme dans notre secteur. Il faut aussi garder à l’esprit que l’essor du numérique ne concerne pas exclusivement le véhicule en tant que tel, mais aussi les réseaux de distribution et l’ensemble de la relation clients. A partir de ce postulat, je crois que nous pouvons distinguer deux plans : d’une part, le véhicule Premium, celui que nous vendons aujourd’hui et que nous vendrons encore dans dix ans et d’autre part, un volet beaucoup plus mouvant qui englobe la relation clients et les futurs besoins de mobilités.

JA. Voyez-vous les initiatives automobiles de géants comme Google ou Apple comme des menaces ou comme des opportunités ?
PS.
Tout d’abord, je pense qu’il convient de ne pas faire d’amalgame et donc de distinguer Google et Apple, car ce ne sont pas des groupes identiques. Ce ne sont pas non plus les seuls nouveaux entrants à peser lourd dans le nouvel écosystème automobile en gestation. Pour répondre directement à votre question, je dirais que ce sont à la fois des partenaires et des concurrents. Enfin, j’ajouterais que nous avons des avantages qu’ils n’ont pas et inversement.
 

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