Bienvenue en 2034 ! : Entretien avec Ramesh Amritraj, président de l’Association Mondiale : "Le cap symbolique des 100 millions d’unités ne paraît plus si illusoire"de l’Industrie Automobile (WAIA)
...défi environnemental.
Journal de l'Automobile. Votre réélection à la tête de l'Association a fait grincer des dents, notamment chez les constructeurs chinois : l'orage est-il passé ?
Ramesh Amritraj. Je crois qu'il s'agit d'un faux débat et qu'il convient de veiller à ne pas envenimer les choses à partir de quelques déclarations isolées et de surcroît faites à chaud. Je rappelle que l'association est un lieu d'échanges, ce qui explique certaines divergences, mais il ne faut pas perdre de vue que notre mission reste de promouvoir l'industrie automobile et de faire du lobbying auprès des Etats et des investisseurs. Pour être efficaces, nous devons être unis. Sinon, nous reviendrons en arrière et chacun sera limité à un lobbying local…
JA. Quelle est votre analyse des formidables résultats du marché automobile l'an passé ?
RA. 2033 est effectivement à marquer d'une pierre blanche, puisque le record des ventes de véhicules a été battu et que le cap symbolique des 100 millions d'unités ne paraît plus si illusoire. Par ailleurs, il convient de souligner que les trois grands marchés, Europe, Amériques et Asie-Océanie, sont en ce moment à un point d'équilibre, ce qui valide les prévisions que nous avions établies il y a cinq ans. Je pense que ce retour de la croissance s'explique en partie par les efforts de restructuration, parfois douloureux, qui ont été consentis dès le début des années 2020 par la plupart des constructeurs. C'était le prix à payer pour retrouver des groupes stables et pourvus d'une surface financière permettant une projection vers l'avenir. Par ailleurs, depuis trois ans, on assiste à un renouveau de l'offre et à l'arrivée à maturité de nombreuses technologies, ce qui a naturellement eu un impact sur la demande.
JA. A propos d'innovation, ne craignez-vous pas que les explosions quasi simultanées de deux véhicules à PAC, à San Francisco et à Reading, ne traumatisent le consommateur et nuisent au développement de cette technologie ?
RA. Ce sont deux événements tragiques, mais il convient d'une part, de ne pas tirer de conclusions hâtives, surtout que les enquêtes sont toujours en cours, et d'autre part, de relativiser. Par rapport au volume du parc mondial, deux accidents demeurent un épiphénomène. D'autant plus qu'il ne s'agit pas des mêmes marques et qu'aucun problème majeur de série n'a été détecté. Donc il ne faut pas avoir peur de la nouveauté et ne pas oublier qu'à l'époque des moteurs à explosion, des voitures prenaient feu ou explosaient aussi. Nous cherchons tous à tendre vers la sécurité totale, mais le risque ne peut malheureusement jamais être réduit à néant. Enfin, j'insiste sur le fait que nous gérons plutôt bien l'épuisement des ressources pétrolières et que cette mutation s'opère au profit de l'environnement, notamment par le biais d'innovations comme les PAC.
JA. Toutefois, le respect de l'environnement demeure un sujet d'inquiétude, surtout dans des pays comme l'Inde, la Chine ou la Russie : Ne craignez-vous pas de devoir un jour payer les pots cassés ?
RA. Il est logique que ces pays soient moins avancés sur ce dossier que les marchés historiques comme l'Europe de l'ouest ou l'Amérique du nord. La croissance exponentielle que nous avons connue depuis plus de trente ans a été difficile à maîtriser et tous les enjeux de cet essor n'étaient pas compatibles. Toutefois, j'attire votre attention sur le travail de notre commission "Environnement" et sur le fait que nous soutenons les différents programmes "zéro émission". Nous ne nous plaçons donc pas dans une fuite en avant et prenons bien la mesure des progrès que nous devons accomplir. Des progrès qui seront facilités, je le répète, par la démocratisation des nouvelles technologies.
JA. Tout en défendant des valeurs écologiques, vous montez aussi au créneau pour dénoncer des gouvernements qui légifèrent sur l'interdiction de rouler en ville, comme encore récemment aux Pays-Bas où 10 nouvelles villes ont été interdites aux voitures. N'est-ce pas contradictoire ?
RA. Non. Nous pensons simplement qu'il ne faut pas exagérer le pouvoir de nuisance de l'automobile et qu'il convient de reconnaître nos efforts et notre apport économique à l'échelle mondiale. Que des grandes villes, comme Paris ou Rome par exemple, soient interdites aux voitures semble recevable. Mais d'autres villes ont été conçues pour accueillir les voitures et il n'y a pas lieu de choisir cette option peu nuancée. Je trouve que l'action de l'Etat indien qui limite l'usage des véhicules dans certaines villes est plus pertinent.
JA. Selon vous que peut-on attendre de l'automobile de demain ?
RA. Beaucoup de choses ! Plus d'intermodalité, notamment dans la problématique des grandes villes, plus de sécurité, comme en témoignent les premières avancées significatives sur le téléguidage, et bien entendu, plus de plaisir !
Propos recueillis par
Alexandre Guillet II
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