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Constructeurs

Au pays de Gandhi !

Publié le 16 février 2011

Par Armindo Dias
11 min de lecture
Thé, café, acier, électronique ou automobile. Il n’y a pas un secteur d’activité qui échappe au groupe Tata en Inde. Il est présent partout. Il est pourtant difficile de visiter l’un de ses sites industriels. La sauvegarde des secrets de fabrication fait aussi partie des priorités des chefs d’entreprises indiens. Une occasion unique nous a pourtant été donnée de visiter son usine de Pune. Visite guidée.

(NB : Retrouvez tous les tableaux en cliquant sur le lien ci-contre "Télécharger le fichier".)

Voilà, le lieu tant désiré est là. Après plusieurs heures de bus, sur des routes à l’asphalte incertain et à la circulation des plus anarchiques, l’entrée de l’usine Tata se profile à l’horizon. Surmontée par un immense logo et dotée de plusieurs barrières d’entrées, elle est située à Pune, une “petite” bourgade située à moins de 200 kilomètres de Mumbaï (Bombay), la capitale économique de l’Inde située dans l’Etat du Maharashtra. Et le moins que l’on puisse dire est que nous avons à faire là à une véritable ville dans la ville. En tout cas, c’est l’impression qu’en ont eue tous les visiteurs qui l’ont découverte lors de ce voyage organisé par la financière Financo.

En effet, le site, qui comprend une multitude de bâtiments répartis sur environ 1 200 hectares, est doté de grandes avenues et de nombreux feux de signalisation. Mieux. Les nids de poule y sont absents et les feux - qui fonctionnent - sont respectés ! C’est plutôt rare en l’Inde. Ceci étant dit, il se caractérise aussi par la prégnance de fortes odeurs de peinture à proximité des bâtiments dédiés à cette activité, ce qui veut donc dire que les cabines de peinture fermées y sont en sous-nombre chronique. Le site compte près de 200 jeunes apprentis, le conglomérat formant chaque année plusieurs centaines de jeunes dans toute l’Inde. Ratan Tata respecte ainsi la tradition de son lointain ancêtre, qui s’est toujours attaché à faire en sorte que le succès de son “affaire” profite à toute l’Inde. “Nous faisons travailler plusieurs milliers de personnes et nous produisons chaque année de l’ordre de 500 000 véhicules”, précise un responsable de ligne de production. Il a préféré garder l’anonymat quand il a appris qu’il n’y avait pas seulement des distributeurs parmi ses visiteurs… mais aussi un journaliste.

L’usine fabrique des VP, des VU, des pick-up, des 4 X 4 et des PL. Elle conçoit notamment un VUL destiné au marché local et développé à partir d’une vieille version du Renault Trafic : le Tata Winger (sa fabrication a bien évidemment été autorisée via la signature d’un accord de licence avec la marque au losange). Certaines références sont, par ailleurs, exportées vers l’Espagne, l’Italie et la Pologne. Dans ces pays, le conglomérat a scellé des partenariats avec des acteurs locaux, créé des joint-ventures ou carrément pris le contrôle de très grands intervenants, tels Hispano Carrocera S.A.en Espagne. Cette société est devenue Tata Hispano Motors Carrocera S.A. au printemps 2010. “Elle travaille au développement de VUL hybrides et doit bientôt lancer un VE”, indique notre hôte. Tata ne néglige pas pour autant les autres marchés en Europe, même s’il compte s’y faire une place au soleil d’abord en misant sur les VUL.

“La Nano est vendue en moyenne 3 000 dollars en Inde”

“La Nano est actuellement entre les mains de nos services de R & D”, poursuit le responsable de la ligne de production. Ils travaillent à l’adaptation du modèle aux exigences et besoins des marchés nord-américains et européens, sa commercialisation devant intervenir dans les deux à trois prochaines années en France. “Il sera accessible à un bon prix”, relève notre interlocuteur. Son succès n’est pas garanti pour autant sur le Vieux Continent.

La voiture la moins chère du monde tarde, en effet, à rencontrer son public dans le pays même où elle a été conçue et pour lequel elle a été spécialement développée. Pour preuve : lors de notre visite, notre interlocuteur nous a fait savoir qu’elle avait été vendue sur le marché indien à environ 60 000 exemplaires depuis son lancement courant 2009 (509 unités sur le seul mois de novembre dernier selon une récente dépêche de l’AFP, soit un recul de près de 85 % par rapport à la même période de 2009).

Bref, elle est loin d’être en phase avec les objectifs que s’était fixé le groupe indien il y a bientôt deux ans, à savoir comptabiliser chaque année la vente de 250 000 à 500 000 Nano en Inde (300 000 aux dires de notre interlocuteur). “Elle n’est pas encore disponible partout dans le pays”, nous explique notre hôte, à propos du faible nombre de ventes enregistrées.

Surtout, et même si le constructeur a annoncé, depuis, qu’elle serait commercialisée partout en Inde avec une garantie gratuite couvrant ses quatre premières années d’utilisation ou 60 000 premiers kilomètres, elle a connu quelques problèmes techniques (ils se sont matérialisés par des départs de feu sur une demi-douzaine d’unités). Elle n’est, en outre, pas aussi attractive financièrement qu’on peut le croire pour le marché indien (voir tableau des tarifs ci-après). Résultat : nombre de consommateurs indiens préfèrent encore attendre et épargner pour s’offrir un véhicule un peu plus robuste et mieux équipé que la Nano.

Une marge moyenne de 100 euros par unité vendue

“Elle est vendue en moyenne 3 000 dollars ou 2 300 euros en Inde”, indique le responsable de l’usine Tata. Autant dire donc que les concessionnaires ne sont pas franchement à la fête sur le plan financier avec la Nano. L’un d’eux nous a d’ailleurs révélé que sa marge moyenne par unité vendue n’était que de 100 euros, marges arrière incluses (50 euros hors marges arrière). “Tous modèles confondus, notre marge moyenne par véhicule est de 250 euros”, nous a aussi indiqué Jaipal Singh Chawhan, le responsable des ventes de la concession Concorde Motors Limited de Mumbaï, une structure proposant à la fois des modèles Tata et Fiat (les deux constructeurs sont liés via une joint-venture créée il y a quelques années).

Elle compte une douzaine de vendeurs et commercialise tous les mois environ 70 véhicules, soit un ratio par vendeur sensiblement inférieur à ce que l’on peut voir en Europe et en France. Nous l’avons rencontré le lendemain de notre retour de Pune. Un voyage que nous avons effectué en avion. Les trajets sur les routes indiennes sont d’autant plus aléatoires et longs que vous roulez la nuit ! 

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ZOOM - Joint-ventures et ambitions de quelques constructeurs en Inde

Renault/Mahindra & Mahindra (M&M) : les deux constructeurs y ont créé, il y a quelques années, la joint-venture Mahindra Renault Private Ltd. Rien d’étonnant donc si la Logan est également présente en Inde (de la mi-mai 2007 à la mi-avril 2010, environ 44 000 exemplaires de la Logan y ont été vendus). Au printemps dernier, les deux partenaires se sont néanmoins mis d’accord pour que M&M rachète toutes les parts de Renault dans Mahindra Renault Private Ltd. En cause ? La taille du véhicule, qui le soumet à une taxe de 20 % quand celle des petits modèles est de 8 %. L’accord prévoit aussi que la commercialisation de la Logan sur le marché indien sera de la responsabilité de M&M, que son nom devra changer à terme pour une appellation de la marque M&M et que Renault continuera de soutenir ce dernier via la fourniture des principaux composants de la Logan. La marque au losange reste pourtant présente en Inde : elle a aussi créé une joint-venture avec le fabricant de deux-roues et de rickshaws Bajaj. Les deux partenaires vont y proposer un véhicule susceptible de tailler des croupières à la Nano. Il sera moins cher et moins émetteur de CO2.

Fiat/Tata : à la fin 2007, ces deux constructeurs ont créé la joint-venture Fiat India Automotive Private Ltd (d’après un confrère indien, elle a dégagé une perte cumulée d’un peu plus de 161 millions d’euros sur la période allant de début janvier 2008 à fin mars 2010). Ils ont souhaité pouvoir concevoir des véhicules et des moteurs destinés aussi bien au marché indien qu’à d’autres marchés, les deux partenaires ayant décidé de travailler ensemble dans une usine située à Ranjangaon, près de Pune, dans l’Etat du Maharashtra. Elle a une capacité annuelle de l’ordre de 160 000 unités et y sont notamment produits les modèles Linea et Grande Punto de Fiat, Indicta Vista et Indigo Manza de Tata.

Maruti/Suzuki : les deux entreprises se sont rapprochées au début des années 2000 quand le constructeur japonais a pris le contrôle de plus de 50 % de Maruti, une opération qui a donné naissance à la société Maruti Suzuki India Ltd (Maruti Udyog India Ltd, jusqu’ici). Sur le seul mois de novembre dernier, et inclus l’export, elle avait commercialisé 112 554 véhicules, en hausse d’un peu plus de 28 % sur la même période de 2009. Maruti Suzuki India Ltd a produit et vendu plus d’un million de véhicules sur la période avril 2009-mars 2010 (1 018 365 très précisément, dont 150 000 unités destinées à l’export). Et le segment A2, qui comprend entre autres la Suzuki Alto et la Suzuki Swift, y a participé à lui seul à hauteur de 62 %.

PSA Peugeot Citroën : le groupe pourrait de nouveau prendre pied en Inde. Philippe Varin, son P-dg, a récemment déclaré à nos confrères de Bloomberg que le retour du groupe dans le pays était dans une “phase active”. Une annonce portant sur la signature d’un partenariat ou la mise en chantier d’une usine reste donc probable. Des journaux indiens ont d’ailleurs évoqué, il y a quelques mois, qu’une usine estampillée PSA Peugeot Citroën pourrait voir le jour à Hyderabad (Andhra Pradesh) ou à Chennai (Madras) dans l’Etat du Tamil Nadu. PSA Peugeot Citroën était présent en Inde jusqu’à la fin des années 1990 avec la marque Peugeot. Son partenaire local s’est tourné à l’époque vers Fiat. Le groupe a aussi renoncé à y construire une usine en 2009 avec Mitsubishi, préférant se focaliser sur la Chine.

Mercedes-Benz : la marque premium fait des “affaires” en Inde via sa filiale Mercedes-Benz India. Elle exploite une usine à Chakan dans la région de Pune - sa capacité va être portée à 10 000 unités par an moyennant un investissement d’environ 60 millions d’euros - et elle distribue entre autres des classes S, E, M, CLS et SLK. En tout cas, elle semble en train de rencontrer son public dans le pays, même si les volumes communiqués restent très faibles par rapport à un pays tel que l’Inde : Mercedes-Benz India a comptabilisé 5 110 ventes entre le 1er janvier et le 30 novembre 2010, soit une croissance de 80 % par rapport à la même période de 2009. Mercedes-Benz India totalisait 57 points de vente et de points de contact à la fin novembre 2010 en Inde, sites répartis sur 27 grandes villes.

Nissan : le constructeur y chapeaute une filiale dénommée Nissan Motor India Private Ltd. (NMIPL) et le cœur de son activité est situé à Chennai (Madras) dans l’Etat du Tamil Nadu : l’Alliance Renault-Nissan et le gouvernement de l’Etat de Tamil Nadu ont signé un accord concernant la construction d’une usine à Oragadam près de Chennai courant 2008. Inaugurée au premier trimestre 2010 et produisant déjà la petite Micra, cette usine dispose d’une capacité de 200 000 véhicules par an (400 000 à terme). NMIPL a prévu de commercialiser 9 modèles sur le territoire indien d’ici à la fin 2012, dont 5 qui seront directement produits en Inde. La filiale a aussi l’intention d’y totaliser plus d’une centaine de distributeurs à la fin 2013.

Ford : la marque est présente dans le pays via sa filiale Ford Motor India Private Ltd. et une usine implantée à Maraimalai Nagar, à 45 kilomètres de Chennai (Madras). Cette dernière affiche une capacité supérieure à 100 000 véhicules par an et elle pourrait à l’avenir compter une “petite sœur” sur le territoire : d’après la presse indienne, Ford India aurait engagé des démarches afin d’ouvrir un nouveau site de production en Inde, en l’occurrence près de la ville de Sanand dans l’Etat du Gujarat (Tata y est aussi présent avec un site qui fabrique notamment la Nano). Ford India compterait lancer 8 nouveaux modèles en Inde d’ici à 2015. Ses ventes ont explosé de 185 % sur la période allant de début janvier à fin novembre 2010 (79 586 véhicules vendus).

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