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Constructeurs

Acier, pièces et réparations

Publié le 3 décembre 2004

Par Alexandre Guillet
4 min de lecture
La pénurie d'acier commence à créer de graves problèmes de production pour les constructeurs. Et de prix. Vont-ils répercuter les hausses tarifaires sur les véhicules et leurs pièces de rechange ? Difficile dans un contexte de concurrence exacerbée sur la vente comme l'après-vente. Le...

...monde de l'automobile a bien des soucis. On a vu tout récemment un grand constructeur japonais (Nissan, pour ne pas le nommer) planifier une période de chômage technique dans quelques-unes de ses usines pour raisons de pénurie d'acier. Ce n'est pas grave, puisque la production perdue sera récupérée dès le début de l'année prochaine. D'ailleurs, il y a aussi, sans doute, quelques constructeurs qui aimeraient bien manquer d'acier pour pouvoir interrompre leur production pendant quelques mois et éponger ainsi leurs stocks. Quoi qu'il en soit, puisque "tout ce qui est rare est cher" (sauf le célèbre cheval à bon marché dont on parle depuis l'antiquité), le prix de l'acier augmente et continuera sans doute à augmenter. C'est tout aussi vrai pour d'autres matières premières, souvent liées à l'automobile, puisque la forte croissance de l'industrie automobile chinoise est l'une des causes principales du phénomène. J'ai déjà évoqué en d'autres occasions l'effet, a priori négatif puisque inflationniste, de cette situation sur une demande VN européenne déjà par trop déprimée. Restent les pièces de rechange, qui sont produites avec les mêmes matières premières. Que feront donc les constructeurs ?

Un choix imposé, plus une impasse

Il est difficile, sinon impossible, pour les constructeurs, de répercuter la hausse des prix (attendue) des matières premières sur les prix de vente à la clientèle des voitures neuves. Tout indique, au contraire, qu'ils devront redoubler d'efforts (prix, promotions, etc.) pour soutenir la demande. D'où, seule véritable marge de manœuvre, les combinaisons possibles des éléments suivants : négociations plus serrées en amont (fournisseurs de matières premières, équipementiers) et vers l'aval (réseaux) ; sacrifice accru sur les marges VN ; enfin, et ce serait l'élément le moins indiqué dans tous les cas, hausse des prix des pièces de rechange d'origine. En réalité, une contraction sensible de la demande des pièces d'origine est d'ores et déjà en cours et une éventuelle hausse de prix ne pourrait que l'aggraver. Les débats qui se multiplient suite à la proposition de directive européenne sur les dessins et modèles mettent par ailleurs en évidence le cul-de-sac où l'on s'est fourré : les pièces doivent compenser les marges insuffisantes des voitures neuves, aussi bien chez les constructeurs (pas tous) que dans les réseaux de marque (presque tous). Mais les prix des pièces, généralement trop élevés, sont franchement dissuasifs pour les pièces non concurrencées ; par conséquent, d'autres raisons aidant (baisse de la sinistralité), la demande stagne ou recule.

Tout d'une pièce

Les consommateurs (mais si, il y en a !) savent qu'ils peuvent choisir. Ils le savent de plus en plus souvent et de mieux en mieux, malgré des tentatives grotesques de désinformation, comme celle qui consiste à assimiler "pièces de qualité équivalente" et "pièces contrefaites". Ils savent, par exemple, qu'il est souvent préférable de réparer que de remplacer une pièce endommagée. Ils savent aussi que les constructeurs eux-mêmes proposent des gammes de pièces économiques pour les véhicules fatigués, ce qui ressemble tout de même à un embryon de contradiction, pour des pourfendeurs de pièces de qualité équivalente. Les consommateurs savent aussi qu'il y a des pièces de réemploi qu'il est intéressant d'utiliser et des pièces adaptables qu'il est possible de prendre en considération. Ils commencent aussi à percevoir que la "protection des dessins et des modèles" étendue à la pièce de rechange n'est pas vraiment une bonne affaire pour eux. On remarquera en passant qu'on n'a pas pris en compte ici les dérives plus ou moins illicites qui trouveraient dans une politique des prix imprudente une stimulation puissante. Voilà le substrat culturel sur lequel les constructeurs voudront peut-être ajouter une couche de hausse de prix des pièces d'origine. Qu'y gagneront-ils, à la fin du compte ? Une contraction accentuée de la demande des pièces neuves d'origine, concurrencées ou non. Les premières céderont le pas aux pièces de qualité équivalente et autres types de pièces. Les secondes, "protégées", souffriront du recours de plus en plus fréquent à la réparation sans substitution.

Ernest Ferrari Consultant

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