A nouveaux contrats, nouvelles marges
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Alors que les concessionnaires ont dans leur grande majorité signé de nouveaux contrats leur imposant des exigences accrues pour des marges directes moindres, il n'est pas inutile de relire ce que prévoyait le cabinet Andersen il y a deux ans dans le cadre de l'étude prospective que lui avait commandée la Commission : "La sélection quantitative et la méthode de rémunération du distributeur devraient permettre aux constructeurs de limiter les différentiels de marge entre distributeurs aussi bien que le degré de concurrence par les prix." Il poursuit : "Les distributeurs les moins compétitifs seront éliminés du marché. En effet, en raison de la faiblesse actuelle du niveau moyen de rentabilité, une légère augmentation de la remise moyenne accordée aux clients affecterait la rentabilité d'un grand nombre d'opérateurs." Les projections chiffrées annonçaient que, dans le cadre d'une baisse d'activité et d'une réduction de deux points de sa marge sur la vente de véhicules neufs, "le distributeur moyen ne pourra pas survivre".
A la limite de la vente à perte
La Commission, qui était favorable à "un barème de prix dégressifs en fonction des volumes achetés", va être déçue. Elle y voyait un moyen d'accroître la concurrence et de faire baisser les prix, sans pour autant signer l'arrêt de mort des petits concessionnaires qui auraient pu se réunir en "association" pour réaliser des achats groupés. Difficile à croire. Toujours est-il que c'est raté : en maîtrisant la rémunération, les constructeurs sont parvenus à tuer dans l'œuf toute possibilité de changement.
Quoi que... D'après la brochure explicative du règlement européen 1400/2002, les constructeurs peuvent toujours fixer un prix maximum pour leurs produits, mais ils ne peuvent en revanche restreindre "la capacité d'un concessionnaire d'accorder des remises". N'est-ce pas ce qu'ils font, en réduisant de façon drastique les marges frontales au profit de primes ? Les remises accordées en moyenne s'élèvent à 8 % du prix, or les marges faciales vont de 8 à 10 %. Si les concessionnaires proposent des remises supérieures à leur marge sur facture, ils tombent sous le coup de la vente à perte. Et ce n'est pas en incluant les primes sur la facture, comme a tenté de le faire Opel, que l'on arrangera la situation. Dans le cadre des négociations, certains réseaux (BMW, Ford ou Mercedes) ont obtenu une garantie de marge supérieure à la marge faciale, pendant au moins une année, le temps de terminer la mise aux normes de leurs affaires. D'ici là, des décisions de justice auront peut-être donné raison à des concessionnaires avides d'indépendance. En attendant, voici un tour d'horizon des nouveaux modes de rémunération des distributeurs.
Le groupement des concessionnaires Citroën est satisfait
Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles dans le réseau Citroën. Aux dires du groupement, tous les concessionnaires ont signé les trois nouveaux contrats, sauf les quelques mouvements habituels. Si aucun numerus clausus n'apparaît dans les contrats VN, Jean-François Bellaigue, président du groupement, évoque le chiffre de 320 points de vente en France. Côté rémunération, pas de changements : depuis 2001 déjà, la marge directe n'est plus que de 10 %, 2,19 points de marge directe ont été transformés en primes trimestrielles d'organisation (PTO)
ZOOMQuoi de neuf chez Chrysler Le réseau Chrysler a signé les contrats depuis un an. Les marges avaient été resserrées avant la nouvelle donne, il n'y a donc pas eu de surprise. Les distributeurs vont disposer de 10 % de marge faciale à laquelle s'ajoute un maximum de 6 % de marge variable, dont 2 points sont garantis pendant 5 ans. Sur les 6 points de variable, 2 points sont liés au volume et 4 (dont 1,5 point portant sur les critères d'intégration au réseau) à la qualité. |
Ménage de printemps chez Peugeot : 30 concessionnaires cèdent leurs affaires
Les contrats PR qui devaient être définis selon des critères quantitatifs par le constructeur n'ont pas été acceptés par la Commission. Du coup, le constructeur a dû renforcer son niveau d'exigences qualitatives pour éviter la multiplication des demandes d'agréments. "Cela a entraîné une forte concentration au niveau des contrats PR, explique Bruno Courtois, président du GCAP. Des groupes n'ont souscrit qu'un seul contrat PR pour leurs différents sites." Par ailleurs, et cela ne semble pas directement lié au contrat PR, une trentaine de concessionnaires ont préféré céder leur affaire plutôt que d'investir. "Des concessionnaires, précise Bruno Courtois, qui n'avaient pas de successeur et qui devaient quoi qu'il arrive quitter le réseau à terme." En conséquence, si Peugeot n'a résilié que 4 concessionnaires dans le cadre des nouveaux contrats, le nombre d'investisseurs va fortement se réduire, passant de 149 au 31/12/2002 à 103 à fin 2003 (pour 440 points de vente). Pourtant, explique Jean Guillaumet, en charge du développement réseau, "certains concessionnaires qui ne respectaient pas les critères immobiliers ou financiers ont été acceptés dans le réseau à condition de s'engager sur un calendrier d'actions". Par ailleurs, "4 concessionnaires n'ont signé que le contrat d'après-vente".
Pas de changements au niveau de la rémunération. Comme chez Citroën, la marge directe sur le VN est de 10 %. Des primes de qualité, autour de la notion de fidélisation, peuvent apporter de 1,5 à 3,5 points de marge supplémentaire. A cela s'ajoutent les aides, opérations de soutien pour un produit, assimilables à des primes de volume.
Renault satisfait, le réseau un peu moins
Renault s'est fendu d'un communiqué de presse pour présenter la liste des 155 partenaires de son réseau primaire (dont des partenaires doubles, mari et femme ou associés, sur une même affaire). "Toutes les affaires ont signé le nouveau contrat, à l'issue d'un processus qui s'est déroulé de manière exemplaire, depuis les négociations avec les représentants du réseau jusqu'aux signatures, en passant par les phases d'audit des critères", se satisfait la marque. Reste que Renault est le constructeur le plus critiqué pour son niveau de marge VN : les marges directes sont de l'ordre de 8 à 10 % et les primes permettent de gagner encore de 2 à 5 points de marge supplémentaire. Si des promotions sont organisées, le concessionnaire en supporte 60 % du coût et le constructeur 40 %.
Le réseau Ford rassuré
Les négociations entre le groupement des concessionnaires et le constructeur se sont bien déroulées : "La très grande majorité de nos demandes ont été prises en compte", déclare ainsi Claude Fournis, membre du groupement. Pour ceux qui avaient réalisé les investissements de mises aux normes au fur et à mesure, le nouveau contrat ne pose pas de problème. Dès lors qu'il atteint 90 % des critères, un concessionnaire est maintenu dans le réseau à condition de s'engager à atteindre les 100 %. La marge faciale, de 11,75 % auparavant, est passée à 10 %, avec la
ZOOMLes marges chez Toyota Même si elle a baissé, la marge faciale accordée par Toyota est encore de 11 %. Elle représente 60 % de la rémunération (contre 80 % auparavant). |
11,5 % de marge assurée pour 2004 chez BMW
Les contrats BMW ont été signés une quinzaine de jours avant le 1er octobre. Didier Maitret, président de BMW France, avait annoncé que, dans le cadre des nouveaux contrats, les prix et les marges étaient harmonisés en Europe, au grand dam des concessionnaires allemands qui bénéficiaient des meilleures marges mais qui, du coup, faisaient beaucoup de remises. En France, expliquait-il, la marge est restée stable mais, comme chez les autres constructeurs, elle a évolué dans sa structure : la marge frontale représentait les deux tiers de la rémunération, elle passe à 50 % au profit des primes de volume et de qualité. Globalement, soulignait-il, " il faut que le réseau obtienne une marge globale de 17 % pour l'inciter à réaliser les investissements de mises aux normes que nous lui demandons". En définitive, ces 17 % sont le maximum que les concessionnaires pourront obtenir, s'ils remplissent tous les standards, obtiennent les primes de volume et ne font pas de remises. La marge faciale est en effet passée de 13,5 % à 8 %. Néanmoins, le constructeur a garanti au réseau l'obtention d'une marge totale d'au moins 11,5 % au cours de l'année 2004.
Une dizaine de concessionnaires (dont 3 sur Paris) n'aurait pas été renommée et quelques-uns d'entre-eux ont entamé des procédures contre BMW France.
Mercedes sélectionne à l'intuitu personae
DaimlerChrysler France a renommé dès octobre 2002 les concessionnaires Mercedes qu'il souhaitait maintenir en place et exclut une dizaine d'autres. Les renommés devaient s'engager à remplir à terme des critères qui n'étaient pas encore définis, tandis que les exclus n'avaient même pas la possibilité de poser leur candidature. C'est ainsi que sur Dijon (voir article page 114), le concessionnaire en place a été résilié au profit d'un autre qui n'avait pourtant pas de concession sur la zone de chalandise défini et qui ne remplissait donc pas les critères. Ce dernier a obtenu son maintien dans le réseau après-vente et fait appel pour rester distributeur. Trois autres concessionnaires exclus ont été en définitive renommés pour la vente à force de négociation.
Les marges faciales sont inchangées tandis que les conditions d'octroi des primes restaient à définir. Le réseau, en Convention les 9 et 10 octobre, obtiendra sans doute à cette occasion des réponses.
Xavier Champagne
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