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Alain Favey, Europcar Mobility Group : "Tout n’est qu’un sujet de gestion de flotte"

Publié le 22 novembre 2023

Par Catherine Leroy
8 min de lecture
Après une longue carrière professionnelle chez les constructeurs automobiles PSA, Volkswagen, Skoda et Bentley, mais aussi dans la distribution avec la direction de Porsche Holding, Alain Favey a pris les rênes d’Europcar Mobility Group en avril 2023. Les synergies avec le groupe Volkswagen commencent à voir le jour.
Alain Favey, président du directoire et président‑directeur général d’Europcar Mobility Group. ©Europcar Mobility Group

Le Journal de l’Automobile : Quelle est la situation financière d’Europcar Mobility Group à ce jour ?

Alain Favey : Nous sommes revenus à des niveaux d’activité semblables à ceux avant la pandémie de Covid‑19. Le marché s’est d’ailleurs normalisé. Nous ne sommes plus dans une situation de pénurie de voitures. Comme le tourisme est reparti, la demande reste forte et permet de préserver un niveau de prix élevé. Déjà, en 2022, le bilan du groupe a été exceptionnel comme dans le sec­teur automobile. 2022 a donc été une année de forts résultats, soutenus par un pricing important et un bon remar­keting. Notre chiffre d’affaires s’est élevé à plus de trois milliards d’euros, en hausse de 35 %. De plus, le problème de l’en­dettement du groupe est complètement résolu. Il l’était déjà d’ailleurs au moment de l’entrée de notre nouvel actionnaire, le consortium composé de Volkswagen, du fonds d’investissement Attestor et du conglomérat néerlandais Pon Holdings.

 

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J.A. : Comment analysez‑vous le rachat de la société par le groupe Volkswagen, quinze ans après sa cession ?

A.F. : La situation est complètement différente. Nous sommes aujourd’hui détenus par un consortium. Nous ne sommes plus dans la configuration de 1999 à 2006, période pendant laquelle le groupe Volkswagen était l’unique actionnaire. Et il ne s’agit pas d’une in­tégration dans le groupe. Nous sommes vus comme un partenaire, privilégié sans doute, mais comme un partenaire. Si l’on compare la situation de 2006 à celle d’aujourd’hui, le monde de la mo­bilité a totalement changé et les axes stratégiques sont différents. L’usage du véhicule par rapport à sa possession est un sujet qui n’était clairement pas à l’ordre du jour à l’époque. Le monde a changé, tout comme la vision de Volk­swagen concernant les offres de mobili­té urbaine. Cette stratégie suppose une proximité et une logistique très fine au niveau des clients. Elle nécessite d’aller chercher des compétences à l’extérieur. Le constructeur a fait le choix d’utiliser celles d’Europcar pour développer des solutions de mobilité modernes. La marque Europcar est également impor­tante. Elle possède une grande valeur, beaucoup en Europe mais aussi aux USA, et peut être utilisée pour évoquer la mobilité partagée dans le groupe.

 

J.A. : Est‑ce également un signe que la valeur du secteur automobile se déplace de l’in­dustrie vers les services ?

A.F. : Nous allons assister à un trans­fert massif vers des solutions d’usage. C’est un levier que Volkswagen a par­faitement reconnu. Ce transfert de la possession ne s’explique pas unique­ment par la hausse du prix des véhi­cules ni parce que les constructeurs veulent augmenter leurs marges, mais posséder une voiture deviendra, dans certains cas, inabordable. Le groupe dispose d’offres classiques de LOA, de leasing à moyen ou long terme avec Volkswagen Financial Services, mais pas de solutions à court terme. Or, nous nous attendons à une croissance à deux chiffres de ces offres de location courte durée jusqu’à l’abonnement, en passant par le car sharing. À terme, l’abonnement pourrait peser jusqu’à 25 milliards d’euros en Europe et en Amérique du Nord, soit un quart du marché de la mobilité.

 

J.A. : Ce savoir‑faire n’est‑il aujourd’hui détenu que par les loueurs de courte durée ?

A.F. : Absolument. Ce savoir‑faire correspond à la mise à disposition d’une voiture, à la capacité de faire la rotation des véhicules en un quart d’heure, de les livrer à domicile… Ce sont des connaissances indispensables pour servir ces nouvelles solutions de mobilité qui ne sont pas intégrées par les constructeurs, ni même les conces­sionnaires. Finalement, tout le sujet est de disposer d’une flotte partagée et que son utilisation soit la plus importante possible. C’est aussi bon pour l’envi­ronnement que pour le portefeuille des clients. Dans cette vision de l’usage vs la possession, peut‑être même dans une optique de véhicules autonomes, tout n’est qu’un sujet de gestion de flotte. Dans cette stratégie, à très long terme, d’une offre de location qui va d’une minute à trois ans, il manquait un mor­ceau dans l’édifice de Volkswagen.

 

J.A. : Qu’englobe aujourd’hui le périmètre d’Europcar Mobility Group ?

A.F. : En plus de la marque Europcar, le groupe possède Goldcar, une marque plutôt low cost très bien implantée dans le sud de l’Europe. Aux USA, la marque Fox est aussi dans notre giron. C’est notre premier pas sur le marché américain qui est très important. Nous avons égale­ment la marque de car sharing Ubeeqo, présente notamment à Paris, et GoCar en Irlande. Nous disposions d’autres marques, mais nous avons rationalisé notre portfolio, avant et après la période du Covid. Nous essayons aujourd’hui de concentrer notre portefeuille de marques sur cet aspect plus restreint. Et pour finir, nous sommes en phase d’ac­quisition d’Euromobil en Allemagne et si nous obtenons l’accord de l’Autorité de la concurrence, nous serons en mesure prochainement de rentrer au capital de la société à hauteur de 51 %. Les autres 49 % étant détenus par Volkswagen Financial Services. L’entreprise Euromobil s’est développée depuis de nombreuses années sur la location de véhicules et les abonnements, de manière dédiée pour les marques et les concessionnaires du groupe Volkswagen en Allemagne.

 

J.A. : Qu’attendez‑vous de cette acquisition ?

A.F. : C’est une marque reconnue en Allemagne. Prendre une participation majoritaire dans Euromobil va nous permettre de rentrer dans les process, de découvrir les systèmes utilisés pour intégrer notre activité de location courte durée dans un écosystème de réseau de concessionnaires. Cela peut nous ser­vir de modèle pour une extension dans d’autres pays. En France, notamment, avec notre projet de réponse à l’appel d’offres de Volkswagen Rent ou Audi Rent. C’est un sujet qui nous intéresse stratégiquement pour étudier comment dans le futur, nous pouvons mieux intégrer notre activité de LCD dans un réseau de concessionnaires. Au‑delà de cette possibilité, nous pensons également que les contrats d’agent ouvrent de nouvelles opportuni­tés dans ce domaine que ce soit en Alle­magne, en Espagne, en France…

 

J.A. : À quel point le réseau de concessionnaires est‑il un maillon indispensable pour vous renforcer dans ces offres de mobilité ?

A.F. : L’intégration dans le monde des concessionnaires ou des futurs agents peut nous apporter un meilleur maillage, une plus grande proximité vis‑à‑vis de notre clientèle ou des clients de ces concessionnaires mais qui ne le sont pas encore d’Europcar. Nous pou­vons créer des synergies à ce niveau. Les activités classiques des concession­naires font aussi partie du savoir‑faire dont nous avons besoin, que ce soit pour l’après‑vente, la maintenance ou le remarketing. Des synergies peuvent être trouvées. Cette intégration dans le monde de la concession est très im­portante pour notre stratégie et pour le développement des offres de mobilité.

 

J.A. : Comment allez‑vous vous insérer dans le nouveau schéma contractuel proposé par le statut d’agent ?

A.F. : Nous sommes prestataires de services. Que ce soit pour les agents ou même les marques, cela ouvre de nou­velles possibilités. Nous sommes en train d’identifier les projets sur lesquels nous pouvons travailler avec Volkswa­gen et de fixer ceux prioritaires. Mais nous sommes prêts aussi à collaborer avec d’autres marques que Volkswagen, qui n’est pas le seul constructeur à avoir choisi le modèle de contrat d’agent pour ses réseaux. Nous sommes disponibles pour discuter avec ces autres acteurs.

 

J.A. : Vous venez de lancer une offre d’abonne­ment avec Volkswagen Group. Quel déve­loppement prévoyez‑vous ?

A.F. : Nous croyons beaucoup à ce genre d’offres. Depuis 18 mois, nous avons lancé myEuropcar en France, en Espagne, en Allemagne et en Australie. Mais nous travaillons sur le sujet depuis très longtemps. Nous pensons que la demande sera en forte croissance. Ce marché pourrait atteindre 20 à 25 mil­liards d’euros en Europe et en Amérique du Nord. Grâce à ce lancement, nous apprenons beaucoup sur le type de la clientèle, le nombre de clients qui pro­longent leur abonnement (NDLR : un tiers des clients prolongent leur abon­nement au‑delà de la période initiale­ment choisie). Nous avons décidé de proposer cette expérience en marque blanche sous le nom de Volkswagen Abonnement. Pour l’instant, l’offre est uniquement on line, sans intervention du réseau, mais notre ambition est d’in­clure les distributeurs dans ce schéma à terme. Cela doit faire partie d’une pano­plie de services d’une marque.

 


 

Nouveau prestataire pour la location dans les réseaux Audi, Volkswagen et Skoda

L’entité Volkswagen Mobility Solutions organise un appel d’offres pour désigner le futur partenaire de l’activité de location courte durée dans les réseaux Audi, Volkswagen et Skoda. Jusqu’à présent, Ucar (désormais propriété de Cosmobilis) était le prestataire pour les marques Audi Rent, Volkswagen Rent et Skoda Rent. "Notre objectif est de rafraîchir le parcours client, d’améliorer la part des locations de loisirs et d’étendre le concept à toutes les marques du groupe", précise Lahouari Bennaoum, directeur de Volkswagen Mobility Solutions. Le résultat de l’appel d’offres sera connu à la fin de l’an­née 2023. Europcar Mobility Group a été auditionné parmi les candidats.

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