Alain Favey, Europcar Mobility Group : "Tout n’est qu’un sujet de gestion de flotte"
Le Journal de l’Automobile : Quelle est la situation financière d’Europcar Mobility Group à ce jour ?
Alain Favey : Nous sommes revenus à des niveaux d’activité semblables à ceux avant la pandémie de Covid‑19. Le marché s’est d’ailleurs normalisé. Nous ne sommes plus dans une situation de pénurie de voitures. Comme le tourisme est reparti, la demande reste forte et permet de préserver un niveau de prix élevé. Déjà, en 2022, le bilan du groupe a été exceptionnel comme dans le secteur automobile. 2022 a donc été une année de forts résultats, soutenus par un pricing important et un bon remarketing. Notre chiffre d’affaires s’est élevé à plus de trois milliards d’euros, en hausse de 35 %. De plus, le problème de l’endettement du groupe est complètement résolu. Il l’était déjà d’ailleurs au moment de l’entrée de notre nouvel actionnaire, le consortium composé de Volkswagen, du fonds d’investissement Attestor et du conglomérat néerlandais Pon Holdings.
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J.A. : Comment analysez‑vous le rachat de la société par le groupe Volkswagen, quinze ans après sa cession ?
A.F. : La situation est complètement différente. Nous sommes aujourd’hui détenus par un consortium. Nous ne sommes plus dans la configuration de 1999 à 2006, période pendant laquelle le groupe Volkswagen était l’unique actionnaire. Et il ne s’agit pas d’une intégration dans le groupe. Nous sommes vus comme un partenaire, privilégié sans doute, mais comme un partenaire. Si l’on compare la situation de 2006 à celle d’aujourd’hui, le monde de la mobilité a totalement changé et les axes stratégiques sont différents. L’usage du véhicule par rapport à sa possession est un sujet qui n’était clairement pas à l’ordre du jour à l’époque. Le monde a changé, tout comme la vision de Volkswagen concernant les offres de mobilité urbaine. Cette stratégie suppose une proximité et une logistique très fine au niveau des clients. Elle nécessite d’aller chercher des compétences à l’extérieur. Le constructeur a fait le choix d’utiliser celles d’Europcar pour développer des solutions de mobilité modernes. La marque Europcar est également importante. Elle possède une grande valeur, beaucoup en Europe mais aussi aux USA, et peut être utilisée pour évoquer la mobilité partagée dans le groupe.
J.A. : Est‑ce également un signe que la valeur du secteur automobile se déplace de l’industrie vers les services ?
A.F. : Nous allons assister à un transfert massif vers des solutions d’usage. C’est un levier que Volkswagen a parfaitement reconnu. Ce transfert de la possession ne s’explique pas uniquement par la hausse du prix des véhicules ni parce que les constructeurs veulent augmenter leurs marges, mais posséder une voiture deviendra, dans certains cas, inabordable. Le groupe dispose d’offres classiques de LOA, de leasing à moyen ou long terme avec Volkswagen Financial Services, mais pas de solutions à court terme. Or, nous nous attendons à une croissance à deux chiffres de ces offres de location courte durée jusqu’à l’abonnement, en passant par le car sharing. À terme, l’abonnement pourrait peser jusqu’à 25 milliards d’euros en Europe et en Amérique du Nord, soit un quart du marché de la mobilité.
J.A. : Ce savoir‑faire n’est‑il aujourd’hui détenu que par les loueurs de courte durée ?
A.F. : Absolument. Ce savoir‑faire correspond à la mise à disposition d’une voiture, à la capacité de faire la rotation des véhicules en un quart d’heure, de les livrer à domicile… Ce sont des connaissances indispensables pour servir ces nouvelles solutions de mobilité qui ne sont pas intégrées par les constructeurs, ni même les concessionnaires. Finalement, tout le sujet est de disposer d’une flotte partagée et que son utilisation soit la plus importante possible. C’est aussi bon pour l’environnement que pour le portefeuille des clients. Dans cette vision de l’usage vs la possession, peut‑être même dans une optique de véhicules autonomes, tout n’est qu’un sujet de gestion de flotte. Dans cette stratégie, à très long terme, d’une offre de location qui va d’une minute à trois ans, il manquait un morceau dans l’édifice de Volkswagen.
J.A. : Qu’englobe aujourd’hui le périmètre d’Europcar Mobility Group ?
A.F. : En plus de la marque Europcar, le groupe possède Goldcar, une marque plutôt low cost très bien implantée dans le sud de l’Europe. Aux USA, la marque Fox est aussi dans notre giron. C’est notre premier pas sur le marché américain qui est très important. Nous avons également la marque de car sharing Ubeeqo, présente notamment à Paris, et GoCar en Irlande. Nous disposions d’autres marques, mais nous avons rationalisé notre portfolio, avant et après la période du Covid. Nous essayons aujourd’hui de concentrer notre portefeuille de marques sur cet aspect plus restreint. Et pour finir, nous sommes en phase d’acquisition d’Euromobil en Allemagne et si nous obtenons l’accord de l’Autorité de la concurrence, nous serons en mesure prochainement de rentrer au capital de la société à hauteur de 51 %. Les autres 49 % étant détenus par Volkswagen Financial Services. L’entreprise Euromobil s’est développée depuis de nombreuses années sur la location de véhicules et les abonnements, de manière dédiée pour les marques et les concessionnaires du groupe Volkswagen en Allemagne.
J.A. : Qu’attendez‑vous de cette acquisition ?
A.F. : C’est une marque reconnue en Allemagne. Prendre une participation majoritaire dans Euromobil va nous permettre de rentrer dans les process, de découvrir les systèmes utilisés pour intégrer notre activité de location courte durée dans un écosystème de réseau de concessionnaires. Cela peut nous servir de modèle pour une extension dans d’autres pays. En France, notamment, avec notre projet de réponse à l’appel d’offres de Volkswagen Rent ou Audi Rent. C’est un sujet qui nous intéresse stratégiquement pour étudier comment dans le futur, nous pouvons mieux intégrer notre activité de LCD dans un réseau de concessionnaires. Au‑delà de cette possibilité, nous pensons également que les contrats d’agent ouvrent de nouvelles opportunités dans ce domaine que ce soit en Allemagne, en Espagne, en France…
J.A. : À quel point le réseau de concessionnaires est‑il un maillon indispensable pour vous renforcer dans ces offres de mobilité ?
A.F. : L’intégration dans le monde des concessionnaires ou des futurs agents peut nous apporter un meilleur maillage, une plus grande proximité vis‑à‑vis de notre clientèle ou des clients de ces concessionnaires mais qui ne le sont pas encore d’Europcar. Nous pouvons créer des synergies à ce niveau. Les activités classiques des concessionnaires font aussi partie du savoir‑faire dont nous avons besoin, que ce soit pour l’après‑vente, la maintenance ou le remarketing. Des synergies peuvent être trouvées. Cette intégration dans le monde de la concession est très importante pour notre stratégie et pour le développement des offres de mobilité.
J.A. : Comment allez‑vous vous insérer dans le nouveau schéma contractuel proposé par le statut d’agent ?
A.F. : Nous sommes prestataires de services. Que ce soit pour les agents ou même les marques, cela ouvre de nouvelles possibilités. Nous sommes en train d’identifier les projets sur lesquels nous pouvons travailler avec Volkswagen et de fixer ceux prioritaires. Mais nous sommes prêts aussi à collaborer avec d’autres marques que Volkswagen, qui n’est pas le seul constructeur à avoir choisi le modèle de contrat d’agent pour ses réseaux. Nous sommes disponibles pour discuter avec ces autres acteurs.
J.A. : Vous venez de lancer une offre d’abonnement avec Volkswagen Group. Quel développement prévoyez‑vous ?
A.F. : Nous croyons beaucoup à ce genre d’offres. Depuis 18 mois, nous avons lancé myEuropcar en France, en Espagne, en Allemagne et en Australie. Mais nous travaillons sur le sujet depuis très longtemps. Nous pensons que la demande sera en forte croissance. Ce marché pourrait atteindre 20 à 25 milliards d’euros en Europe et en Amérique du Nord. Grâce à ce lancement, nous apprenons beaucoup sur le type de la clientèle, le nombre de clients qui prolongent leur abonnement (NDLR : un tiers des clients prolongent leur abonnement au‑delà de la période initialement choisie). Nous avons décidé de proposer cette expérience en marque blanche sous le nom de Volkswagen Abonnement. Pour l’instant, l’offre est uniquement on line, sans intervention du réseau, mais notre ambition est d’inclure les distributeurs dans ce schéma à terme. Cela doit faire partie d’une panoplie de services d’une marque.
Nouveau prestataire pour la location dans les réseaux Audi, Volkswagen et Skoda
L’entité Volkswagen Mobility Solutions organise un appel d’offres pour désigner le futur partenaire de l’activité de location courte durée dans les réseaux Audi, Volkswagen et Skoda. Jusqu’à présent, Ucar (désormais propriété de Cosmobilis) était le prestataire pour les marques Audi Rent, Volkswagen Rent et Skoda Rent. "Notre objectif est de rafraîchir le parcours client, d’améliorer la part des locations de loisirs et d’étendre le concept à toutes les marques du groupe", précise Lahouari Bennaoum, directeur de Volkswagen Mobility Solutions. Le résultat de l’appel d’offres sera connu à la fin de l’année 2023. Europcar Mobility Group a été auditionné parmi les candidats.
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