Verdissement des flottes : les nouvelles propositions choc
Verdissement des flottes, chapitre trois. Après la proposition de loi de l’ex-député Damien Adam et les récentes tentatives du gouvernement Barnier, c’est au tour des députés Gérard Leseul (PS) et Jean-Marie Fiévet (ER) de s’attaquer au sujet.
Les deux élus ont dévoilé, ce 18 décembre 2024, les conclusions de leur mission flash entamée au mois de septembre 2024. "Une mission perturbée, tacle Gérard Leseul, par le dépôt de plusieurs amendements, y compris du gouvernement, lors du projet de loi de finances pour 2025 à l’Assemblée nationale puis au Sénat".
Introduction de sanctions
Les propositions formulées par les deux députés sont néanmoins assez proches de celles apparues ces derniers mois. Il faut dire que le constat reste le même : les entreprises ne vont pas assez vite dans l’électrification de leur flotte.
"Il nous apparaît urgent de renforcer la mise en œuvre de la loi d’orientation des mobilités (LOM). Ce renforcement fait consensus et est globalement accepté et salué par une très grande majorité des acteurs que nous avons rencontrés", expose Gérard Leseul lors de son audition en commission du développement durable à l’Assemblée nationale.
Gérard Leseul et Jean-Marie Fiévet formulent 21 propositions qu’ils entendent bien inscrire dans une prochaine proposition de loi au cours du premier trimestre 2025. Des suggestions qui touchent évidemment au verdissement des flottes, mais aussi la thématique plus globale de l’accélération de la "mobilité verte" en entreprise.
La proposition la plus attendue, mais aussi la plus redoutée, est celle des sanctions pour les entreprises qui ne respectent pas les quotas de verdissement lors de leurs opérations de renouvellement de flotte. Il est bel et bien proposé de les soumettre à des amendes.
"Il apparaît nécessaire d’instaurer un mécanisme d’incitation progressif en rendant passible d’une amende le non-respect des quotas de verdissement à hauteur de 2 000 euros par véhicule manquant en 2026, 4 000 euros en 2027 et 5 000 euros en 2028 dans la limite de 1 % du chiffre d’affaires français", annonce Jean-Marie Fiévet. Les amendes perçues seront fléchées vers l’agence de financement des infrastructures de transport.
Exclusion des PHEV et extension aux flottes de 50 véhicules
Rappelons que, depuis le 1er janvier 2024, les entreprises disposant d’une flotte de plus de 100 véhicules doivent introduire 20 % de véhicules à faibles émissions (moins de 50 g/km de CO2) lors de leurs opérations de renouvellement. Un quota qui passera à 40 % au 1er janvier 2027 et à 70 %, au 1er janvier 2030. Une trajectoire que les deux députés ne veulent pas modifier.
Ce qu’ils souhaitent en revanche revoir est le seuil des 100 véhicules. "Nous proposons d’abaisser le seuil d’entrée dans le périmètre de l’obligation de verdissement des flottes aux entreprises disposant de 50 véhicules à partir de 2028, préconise Gérard Leseul. Le but est d’élargir le nombre d’entreprises soumises et d’envoyer un signal sur la nécessité pour toute entreprise d’entamer la transition de sa flotte". Actuellement, 3 500 entreprises en France ont plus de 100 véhicules et celles-ci étaient entre 54 et 60 % à ne pas respecter les quotas de verdissement en 2023.
Une autre proposition qui n’étonnera pas le secteur est d’exclure du périmètre d’application les véhicules hybrides rechargeables, dont "la pertinence environnementale et économique est de plus en plus contestée", argumente Jean-Marie Fiévet. Il souhaite faire place nette aux seuls véhicules électriques et à hydrogène.
Vient ensuite le cas épineux des loueurs courte et longue durée, actuellement soumis aux quotas de verdissement pour leur propre flotte et la flotte mise à disposition de leurs clients. Pour les premiers, les députés se montrent cléments.
"L’atteinte des quotas de verdissement pour les loueurs courte durée dépend fortement de la demande en véhicules électriques par leurs clients, reconnaît Gérard Leseul. Or cette demande est encore marginale."
Les loueurs courte durée épargnés
Les deux députés s’accordent également sur le fait que le renouvellement très fréquent des flottes des loueurs courte durée, tous les six à huit mois, rend difficile l’atteinte des quotas LOM. Ils recommandent donc la mise en place d’une trajectoire de verdissement spécifique sans imposer de sanctions.
En revanche, les loueurs longue durée ne sont pas épargnés. "Exclure les sociétés de location longue durée du périmètre des obligations de verdissement diviserait par trois le périmètre de couverture des quotas de la LOM, estime Jean-Marie Fiévet. Nous préconisons donc d’encourager la trajectoire de verdissement des flottes pour la LLD et d’envisager de soumettre le non-respect de la trajectoire à des sanctions."
La mission flash a ensuite permis d’identifier le sujet délicat des véhicules utilitaires légers. Le taux d’électrification est bien plus bas que pour les voitures particulières, en dépit d’une offre qui se développe.
Gérard Leseul et Jean-Marie Fiévet proposent ainsi d’exclure de la trajectoire de verdissement les grands fourgons électriques et leurs dérivés carrossés. "Pour les fourgonnettes de 3 à 4 m3, et les fourgons moyens de 5 à 7 m3, l’absence d’offre suffisante pour répondre aux besoins des entreprises a été nuancée lors des auditions, ces catégories doivent donc être conservées dans la trajectoire de verdissement actuelle", relève Gérard Leseul.
Enfin, toujours au sujet du verdissement, les députés entendent sanctionner les entreprises qui ne respecteraient pas l’obligation de déclarer la part de véhicules à faibles émissions dans leur parc. L’amende pourrait s’élever à 1 % du chiffre d’affaires réalisé en France.
Cette absence de déclaration, comme le non-respect des quotas, pourrait en outre s’accompagner d’une exclusion des procédures d’appels d’offres publics et des contrats de concession.
Une meilleure considération des mobilités alternatives
Covoiturage, transport en commun ou encore vélo de fonction… Les solutions de mobilité alternatives doivent être considérées au même titre que le véhicule électrique. "Le verdissement ne doit pas simplement s’envisager comme le remplacement de véhicule thermique en électrique. Il doit aussi permettre d’interroger de manière globale la mobilité au sein de l’entreprise et des administrations et le besoin réel en nombre de véhicules", déclare le député Gérard Lesseul.
Le plan actuel de mobilité des employeurs visant à optimiser les déplacements liés à l’activité des entreprises et les trajets domicile-travail des salariés "ne joue pas son rôle, car il explore trop peu les mobilités alternatives", selon le député socialiste. D’après les rapporteurs de la mission flash, la "mobilité verte" doit ainsi être intégrée dans la négociation annuelle obligatoire avec les syndicats de salariés. "Si la question des trajets domicile-travail doit déjà être abordée avec la loi Lom, nous comptons l’étendre aux activités mêmes des entreprises".
Un cadre fiscal pour le crédit mobilité
Ainsi, afin d’accorder plus de place aux mobilités vertes, les deux députés proposent de soutenir le crédit mobilité. Pour rappel, il s’agit d’un dispositif mis en place par la loi LOM visant à remplacer le véhicule de fonction par une enveloppe budgétaire équivalente à sa valeur de location, que le salarié peut utiliser pour des modes de transport alternatif et durable.
Les deux députés proposent d’accompagner ce dispositif en développant un cadre législatif en appliquant le même traitement fiscal que celui d’un véhicule électrique de fonction. Il pourrait par exemple être considéré comme un avantage en nature. "Le crédit mobilité doit être utilisé comme un vrai outil de verdissement et doit être pris en compte dans les quotas de verdissement", souligne le député Gérard Lesseul.
L’écoconduite généralisée
Parmi les propositions pour répondre aux inquiétudes des entreprises vis-à-vis de l’usage des véhicules électriques, deux rapporteurs de la mission flash proposent de généraliser la formation à l’écoconduite. "Nous proposons d’étendre le périmètre des actions de formation et de sensibilisation à tous les salariés ou agents en charge de la gestion des flottes tels que les gestionnaires de parcs de véhicules et de bâtiment et leur direction", souligne le député Jean-Marie Fievet.
Une formation qui doit traiter de la gestion de l’énergie, du pilotage des points de recharge, des caractéristiques, des performances des véhicules électriques et de l’évaluation des coûts associés à ce type de modèle. Une formation qui serait accompagnée d’une campagne de sensibilisation : "Essayer c’est l’adopter". "Il serait judicieux de permettre à un employeur de mettre à disposition un véhicule électrique en provenance d’une agence de location courte durée à un salarié pour un week-end ou des congés sans que cela soit assimilé à un avantage en nature", propose le député Gérard Lesseul.
Un accompagnement de l’État sur les bornes de recharge
Selon les deux députés, la croissance des bornes de recharge dans l’Hexagone est plutôt satisfaisante. Il faut cependant améliorer le maillage des points de recharge publique en zone périurbaine, rurale et sur les nœuds de mobilité comme les gares et les aéroports. À l’inverse, les recharges privées sont mieux implantées dans les territoires ruraux que dans les zones très urbanisées, notamment dans les habitats collectifs. Ils soulignent aussi le manque de transparence sur le prix d’une recharge.
"Nous appelons ainsi à prolonger le régime en vigueur de l’avantage en nature pour la mobilité électrique au-delà de 2024, nous souhaitons une réduction progressive de l’avantage en nature pour les véhicules de fonction thermique, affirme le député socialiste. Nous souhaitons prolonger le crédit d’impôt borne de recharge au-delà de 2025 et l’étendre aux entreprises pour l’équipement".
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