Richard Meyer, Stellantis : "L’hydrogène est au cœur de notre stratégie d’électrification"
Journal des Flottes : Richard Meyer, quelle est la place de l’hydrogène pour les VU Stellantis ?
Richard Meyer : Nous avons démarré par une première étape qui était d'électrifier l'ensemble de notre gamme de véhicules utilitaires en Europe. Que ce soit avec le compact, le médium et le large van. Cela nous a permis, en 2022, de prendre la tête du marché du véhicule utilitaire électrique en Europe, avec plus de 42 % de parts de marché.
La technologie hydrogène est une deuxième étape, qui est au moins aussi importante. Puisque notre ambition, c'est évidemment de garder et de renforcer notre leadership. Pour ce faire, nous devons être capables de proposer une solution zéro émission à tous nos clients professionnels, quels que soient leurs missions ou leurs secteurs d'activité. La technologie H2 permet de couvrir des tâches complémentaires par rapport à la technologie électrique, pour des clients qui ont un usage intensif de leur véhicule. En effet, ces derniers réalisent en général de longs trajets, et ils ont besoin d’un véhicule disponible en permanence, sans risque d’immobilisation pour le recharger pendant plusieurs minutes.
J.D.F. : Quel est la feuille de route en matière d’hydrogène pour Stellantis en 2023 ?
Cette technologie hydrogène est vraiment au cœur de notre stratégie d'électrification. Il ne faut pas oublier que nous sommes les premiers au monde à proposer un véhicule utilitaire léger H2 et que nos premiers VU ont été mis sur la route fin 2021.
Notre feuille de route consiste évidemment à accélérer et monter en puissance sur le sujet. D'où le partenariat avec Engie que nous avons annoncé hier, et qui devrait nous permettre de proposer à nos clients une offre à la fois véhicule et solution de ravitaillement hydrogène.
Cette ambition se concrétisera également l'année prochaine avec l'élargissement de notre offre. En plus du van moyen, le E Expert hydrogen et le E Jumpy hydrogen actuel, nous allons compléter notre offre avec le Boxer et le E Jumper. Ensuite, l'année prochaine, nous allons monter en puissance notre capacité de production industrielle. 5 000 fourgons moyens seront produits en France, sur notre site d'Hordain (59), avec possibilité d'accroître notre production à 10 000 VU avec les deux modèles que j'ai mentionnés précédemment. La production des grands vans, type Boxer, seront quant à eux produit dans un autre pays, Il s’agit, là aussi, d’une étape clé dans cette accélération.
J.D.F. : Quels sont les premiers retours d’expérience que vous avez eu concernant le E Expert hydrogen ou le E Jumpy ?
R.M. : J'ai envie de donner deux éléments de réponse. Premièrement, sur le produit lui-même, les retours sont extrêmement positifs. Ce qui surprend toujours quand on commence à conduire un véhicule à hydrogène, c'est sa similarité avec une voiture à batterie. En terme d’usage, le conducteur retrouve le même confort et l'espace de chargement est strictement identique à une version électrique ou diesel. Sans compter la charge utile, d'une tonne, qui est la même que sur un modèle électrique.
Deuxièmement, avant le partenariat avec Engie, nous nous adressions exclusivement à des clients qui avaient une solution de ravitaillement à proximité. Un sujet que nous suivions de très près et qui est essentiel pour élargir notre base de clients. Le développement de l'infrastructure de recharge hydrogène s'annonce très prometteur et nous nous situons encore au début de l'histoire. Aujourd’hui, il y a, à peu près, 200 stations en Europe… Ce qui rest quand même faible. Ces dernières se concentrent d’ailleurs essentiellement sur la France et l'Allemagne. Mais en Europe, les pays ont annoncé des investissements lourds, s’élevant à 60 milliards d'euros. L’infrastructure va se développer très vite et, nous le voyons avec Engie et leur plan de déploiement, ça peut aller très vite. Nous avons une accélération de cet écosystème qui va se faire dans les mois qui viennent.
J.D.F. : Richard Meyer, Stellantis vient d'entrer dans le capital de Symbio comment va se profiler l’avenir entre les deux entreprises ?
R.M. : Il y a déjà une connexion très forte, entre Stellantis et Symbio, depuis le lancement de notre véhicule hydrogène. Ce sont eux qui nous fournissent la pile à combustible qui équipe nos véhicules hydrogènes. Ainsi, cette participation capitalistique s'inscrit sur le long terme, avec un renforcement de notre partenariat dans cet univers hydrogène. Sur la pile à combustible, évidemment, dans nos déploiements à venir, nous allons continuer à tirer profit de la solution technique que nous vivons aujourd'hui. Ce partenariat promet un bel avenir.
J.D.F. : La production des utilitaires de taille moyenne est entièrement rapatriée dans l’Hexagone, pouvez-vous nous en dire plus ?
R.M. : Aujourd'hui, il faut savoir que nous produisons principalement notre véhicule hydrogène en France. Nous assemblons les véhicules électriques dans le nord de la France, à Hordain (59). Nous l'envoyons ensuite dans un centre spécialisé, qui fait partie du groupe Stellantis. Il se situe en Allemagne, à Rüsselsheim, à côté de Francfort. Nous y transformons le véhicule en version hydrogène et le délivrons ensuite au client.
En 2024, ce que nous ferons, c'est rapatrier cette transformation directement dans l'usine, à Hordain (59). Cela va nous permettra d'être plus efficient en matière industrielle. Nous allons décupler notre production. À la fois en termes logistiques, mais aussi économiques. Évidemment, il s’agit d’une étape clé qui nous permet, en parallèle, d'avoir, ce "label véhicule 100 % produit en France". Mais surtout, l’intérêt de développement de cette filière hydrogène dans l’Hexagone, c’est aussi profiter de l’expertise de l’un des territoires les plus à la pointe en Europe sur le sujet.
J.D.F. : La relocalisation en France de la conversion hydrogène des utilitaires Stellantis, est-ce un moyen de rapprocher la partie hydrogène du groupe de Symbio ?
R.M. : Nous pouvons dire que c'est un rapprochement physique, mais ça ne changera pas grand-chose sur la conversion des VU en tant que tel. En effet, c'est une manière d'aller encore plus loin dans ce partenariat, parce que nous allons changer de dimension et nous serons donc davantage dans cette dynamique de volume, y compris pour notre partenaire Symbio.
J.D.F. : Augmenter la cadence de la production de véhicules hydrogène alors que la couverture des stations de recharge s'affiche encore faible, est-ce qu’il y a un risque commercial pour Stellantis ?
R.M. : La stratégie de Stellantis est de se centrer sur les véhicules utilitaires légers. Cette technologie s'avère particulièrement adaptée aux usages des clients professionnels. Encore une fois, ce sont eux qui ont un besoin et un usage intensif de leur véhicule, tout en devant être zéro émission. Ce sont des clients aussi qui, par leur mission, leur parcours, sont les plus à même de passer par un hub ou un dépôt de manière régulière. Le secteur des VUL s'annonce ainsi le secteur idéal pour lancer cette technologie.
Après, évidemment, comment faire pour aller plus loin dans le déploiement de cette infrastructure ? Il y a ce partenariat stratégique avec Engie, que nous avons annoncé hier qui est une première réponse. Il y en aura probablement d'autres par la suite. Notre rôle, c'est aussi d'accompagner les pouvoirs publics dans cette accélération du déploiement des stations… Pas de les installer en revanche.
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Nous nous positionnons en quelque sorte comme le relais entre la demande des clients professionnels, dont nous voyons bien l'appétence pour ce type de technologie, et les différents acteurs de l'écosystème, y compris l'État. Nous sommes sollicités à double titre. A la fois pour les subventions qui permettent de modérer l’adhésion à cette technologie. Et également dans leur rôle sur le développement, et pour l'accélération du développement de cette infrastructure de recharge qui est vraiment un élément absolument clé.
Au niveau européen, il y a eu beaucoup d'annonces, dont 60 milliards d'euros d'investissements. C'est considérable. Il y a des plans de déploiement précis écrits aujourd'hui. La perspective concerne l'horizon 2030, où à peu près 2 500 stations seront installées en Europe. Dix fois plus qu'aujourd'hui. Mais le plus important, c'est que ces stations soient implantées dans les endroits stratégiques. Là où, absolument, il y a du passage, où il y a des trajets. L’Allemagne est le pays où il y a le plus de stations à hydrogène. Elles sont positionnées sur des couloirs routiers, utilisés par des poids lourds. Actuellement, outre Rhin, il est possible de faire des longs trajets avec un ravitaillement hydrogène, sans difficulté. A condition évidemment de suivre ces couloirs. Je pense que les autres pays vont suivre un peu cette logique.
J.D.F. : Richard Meyer, avez-vous reçu un coup de pouce de l’État pour relocaliser la conversion des VU en hydrogène dans le Nord ou pour d’autres projets sur l’hydrogène ?
R.M. : Je préfère parler des aides apportées à nos clients parce que c'est ça le plus important. L'ADEME est l'organisme en France qui définit les règles et qui propose et distribue des aides. Les montants varient selon les régions. Nous avons beaucoup poussé pour qu'elles se concrétisent le plus vite possible. Depuis janvier 2023, les professionnels peuvent en bénéficier, ce qui leur permet de faciliter l'accès à cette technologie. D'un pays à l'autre, le montant de ces aides diffère également. Puis un exemple intéressant, pardon de le citer à nouveau, c'est l'Allemagne où l'écart de prix entre un diesel et un véhicule hydrogène est de 80 % grâce aux aides. Elles permettent de faire accélérer le marché.
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