Mehdi Ferhan, Hyvia : "Notre objectif est d’arriver à parité de prix avec les modèles électriques d’ici à 2025"
Journal des Flottes : Hyvia a vu le jour il y a maintenant près de deux ans. Où en êtes-vous dans votre développement ?
Mehdi Ferhan : Effectivement, Hyvia est une société qui a été créée en juin 2021 par Renault et Plug Power, nous allons bientôt fêter nos deux ans. Nous sommes aujourd’hui 120 salariés et nous allons continuer à nous renforcer dans les années qui viennent. Nous allons recruter pour accroître nos capacités de R&D et ainsi être en mesure de développer plusieurs générations de véhicules. Nous proposons à l’essai sur ce World Hydrogen Summit de Rotterdam la première génération du Renault Master Van H2-Tech. Il sera décliné d’ici à la fin de l’année en version City Bus ainsi qu’en version châssis-cabine qui ouvrira plusieurs possibilités de transformation, comme du frigorifique.
Le coût de certains composants pourra ainsi être divisé par deux ou trois
JDF : Le nouveau Master est prévu pour 2024. Cela signifie-t-il que les véhicules que vous proposez aujourd’hui sont une offre transitoire en attendant cette nouvelle version qui sera pensée dès l’origine pour accueillir les composants hydrogène ?
MF : Ce nous proposons aujourd’hui n’est pas transitoire, je dirais plutôt qu’il s’agit d’une première étape. L’objectif principal de notre projet était la rapidité d’exécution. Nous sommes partis de la plateforme du Renault Master électrique et d’une pile à combustible développée par Plug Power. Nous avons marié les deux en un temps record. En 18 mois, nous sommes parvenus à obtenir l’homologation tout type européenne de ce véhicule, ce qui n’a jamais été fait dans les standards habituels de l’automobile. D’autant plus que nous n’avons pas transigé sur la sécurité de fonctionnement, sur la fiabilité du produit et sur sa performance. C’est un véritable tour de force que nous avons accompli pour cette première génération de Renault Van Master H2-Tech. Plusieurs tests pilotes en conditions réelles sont en cours avec des clients européens et nous venons aussi de signer une commande à l’occasion du World Hydrogen Summit avec une entreprise néerlandaise. Nous allons ensuite faire évoluer notre famille de produits pour répondre à d’autres usages. J’ai parlé tout à l’heure du châssis-cabine dont la pile à combustible et les réservoirs seront logés dans le compartiment moteur et le châssis. Nous pourrons ainsi faire du vrai H3, car sur le Van H2-Tech ces éléments sont situés basés sur le toit du véhicule ce qui nous empêche de proposer la plus grande hauteur.
JDF : Les tarifs des véhicules hydrogène sont très élevés aujourd’hui, ce qui limite de fait les débouchés. Quelles sont les perspectives d’évolution à ce niveau ?
MF : C’est effectivement le cœur de notre stratégie, de rendre compétitifs rapidement nos véhicules à hydrogène. Notre objectif est d’arriver à parité de prix avec les modèles électriques d’ici à 2025. Nous allons pour cela nous appuyer sur toute la panoplie de l’ingénieur automobile. Nous discutons avec plusieurs fournisseurs classiques pour les emmener avec nous sur le développement de projets spécifiques hydrogène. Je pense par exemple à des fournisseurs de compresseurs d’air qui proposent des produits pour les véhicules essence et diesel, nous voulons faire en sorte qu’ils nous accompagnent sur la partie hydrogène. Les usines existent, il suffit de faire quelques adaptations. Ils savent produire en masse des produits fiables. Cela débouchera sur des ruptures de coûts car nous allons passer de petits volumes à une production de masse. Le coût de certains composants pourra ainsi être divisé par deux ou trois.
JDF : L’usine de Flins, où Hyvia est implanté, devrait aussi monter en cadence ?
MF : Tout à fait, cela fait aussi partie de notre plan de développement. Nous avons récemment obtenu des subventions massives de l’Union européenne, ce qui va nous permettre d’investir dans nos capacités de R&D, mais aussi dans nos capacités industrielles. Sur Flins, nous avons depuis un an une ligne pilote de production de piles à combustible que nous allons passer à l’échelle industrielle. Ce sera notre giga factory de piles à combustible qui va être en mesure de produire plusieurs dizaines de milliers d’unités par an dans un futur proche. Nous allons monter progressivement en régime. A partir de 2025, nous allons avoir des premières tranches de monter en cadence industrielle. Nous allons être capables de faire des systèmes pile à combustible, des piles, puis des composants de piles, de façon à maîtriser de plus en plus les coûts.
JDF : L’objectif est-il également que sur la prochaine génération du Master, la version hydrogène intègre la chaîne d’assemblage, au même titre que l’électrique et le thermique ?
MF : Il s’agit de la seconde étape du plan industriel, après la montée en régime de l’usine de Flins. Nous travaillons avec l’usine de Batilly, le site d’assemblage du Master, pour intégrer effectivement en ligne la production du Master hydrogène d’ici à 2025. Le projet est déjà bien engagé de notre côté. Au début, il y aura seulement quelques unités au milieu d’un flux de versions thermiques et électriques, mais avec le décollage du marché de l’hydrogène, nous espérons évidemment que les volumes de production seront de plus en plus importants. Cette intégration se fera au bénéfice de la qualité des produits et de la capacité de production. Nous sommes aujourd’hui dimensionnés pour produire un millier d’unités par an, avec l’usine de Batilly nous serons bien au-delà. Nous allons changer d’échelle et encore une fois gagner en compétitivité.
En 2025, nous devrions être présents dans une douzaine de pays
JDF : Quelles sont les ambitions justement dans les années à venir, les perspectives de développement pour Hyvia ?
MF : Nous démarrons nos activités sur les trois pays les plus en avance en Europe sur l’hydrogène, que sont la France, l’Allemagne et les Pays-Bas. Ils sont les mieux pourvus notamment en infrastructures, en stations hydrogène. Sans compter que les pouvoirs publics y sont les plus actifs. Nous avons ensuite l’objectif d’aller sur d’autres pays, nous sommes par exemple en discussions avancées pour déployer des flottes de véhicules à hydrogène au Royaume-Uni, en Espagne, en Scandinavie, en Suisse ou en Belgique. Nous allons procéder par vagues. En 2025, nous devrions être présents dans une douzaine de pays. Nous voyons dans ces pays les premiers frémissements avec l’ouverture des premières stations et la mise en place d’un premier niveau de l’écosystème. En 2030, je rappelle que nous visons la place de leader du marché du VUL hydrogène en Europe avec une part de marché de 30 %.
JDF : Et en termes de volumes ?
MF : Nous ne communiquons pas sur les volumes, mais il est certain que le marché des VUL hydrogène est actuellement une niche qui va progressivement gagner en importance, en particulier pour les usages intensifs, là où les modèles à batterie se heurtent à deux problèmes : l’autonomie et le temps de recharge. Avec l’hydrogène, nous avons suffisamment d’autonomie, en l’occurrence 400 km pour le Master Van H2-Tech, et le plein ne prend que cinq minutes. Cela rassure les clients.
JDF : La filière ne risque-t-elle pas de se heurter au faible nombre de stations ?
MF : Les projets sont très nombreux en Europe, il n’y a pas d’inquiétude particulière à avoir. Il y a beaucoup de stations en Allemagne, un peu en France et aux Pays-Bas, mais c’est en train de se développer. Hyvia va aussi proposer des stations mobiles avec un produit qui sera disponible à la vente ou à la location. Cela va permettre à des opérateurs de petites flottes d’avoir une petite station sur leur site et ainsi d'être autosuffisants sur leurs besoins de recharge. Hyvia fournira en prime de l’hydrogène vert.
Nous venons de créer Hyvia Financial Services
JDF : Que proposez-vous en matière de financement sur la partie véhicule ?
MF : Nous venons de créer Hyvia Financial Services. Il s’agit d’une solution de financement pour les véhicules et les stations de recharge H2 qui sera déployée progressivement en Europe. L’objectif est de favoriser l’adoption par le client final. L’intérêt principal, c'est vraiment de se mettre dans les baskets des utilisateurs qui voient aujourd'hui une nouvelle technologie arriver sur le marché qui n'est pas encore connue, notamment sur le marché de l'occasion. Quelle sera la valeur résiduelle du véhicule à hydrogène dans quelques années ? Quels sont les besoins en assurance et les besoins en service de maintenance ? Le package de services financiers que nous allons proposer comprend donc la location du véhicule, les pneumatiques et la maintenance conventionnelle, mais aussi celle du matériel hydrogène. Nous avons mis en place un label H2 Ready qui est décerné aux garages qui sont en mesure d’entretenir des véhicules à hydrogène avec du personnel formé et du matériel spécifique. Nous avons à ce jour deux sites Renault labelisés, ceux de Rungis et Lyon Sud. Vient s’ajouter enfin la location possible d’une station avec l’apport d’hydrogène vert.
JDF : Que nécessite un véhicule hydrogène en termes d’entretien, en dehors des prestations courantes ?
MF : La pile à combustible, là où est produite l’électricité, est un organe qui va fonctionner plusieurs heures de suite. Nous comptons justement les heures et les kilomètres parcourus et comme pour un moteur thermique, il y a une maintenance périodique. Il y a ensuite les réservoirs à 700 bars de pression d’hydrogène, qui sont au nombre de quatre sur le Master Van, sur lesquels nous effectuerons des contrôles réguliers d’étanchéité. Il faut s’assurer qu’il n’y ait pas de fuites.
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