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Les ZFE ne parviennent pas à convaincre les Français

Publié le 25 mai 2023

Par Jean-Baptiste Kapela
5 min de lecture
Le sénateur des Alpes-Maritime, Philippe Tabarot, a présenté les résultats de la consultation en ligne sur l’acceptabilité des ZFE. Sur les 51 346 volontaires ayant répondu, 86 % sont défavorables à leur mise en place.
Philippe Tabarot, sénateur des Alpes-Maritimes et rapporteur de la mission flash du Sénat sur les ZFE.

86 % des particuliers sont nettement défavorables à la mise en place des zones à faibles émissions (ZFE). Il s’agit là du résultat de la consultation en ligne organisée, du 17 avril au 14 mai 2023, par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat. Une enquête basée sur le volontariat, qui a permis de recueillir les réponses de 51 346 particuliers et professionnels (respectivement une part de 93 % et de 7 %).

 

"Ce niveau de participation est inédit, c’est un record, souligne Philippe Tabarot, sénateur des Alpes-Maritimes. Un "succès" qui témoigne des nombreuses inquiétudes que ce dispositif génère chez les Français". Néanmoins, le rapporteur de la mission de contrôle sur les ZFE a tenu à nuancer en rappelant que la consultation n’est pas représentative en raison de sa nature basée sur le volontariat. D’ailleurs, le dispositif est connu pour  97 % des répondants.

 

Un risque de tension sociale ?

 

Les volontaires ont donc répondu à la vingtaine de questions qui leur ont été posées par les sénateurs.  Au total 86 % de particuliers et 79 % de professionnels sont opposés aux ZFE. Notons que la part des "tout à fait opposés" est nettement supérieure à celle des "plutôt opposés". 69 % de "tout à fait opposé" contre 17 % de "plutôt opposé" pour les particuliers.

 

Pour exprimer leur mécontentement, les répondants n’y sont pas allés de main morte. Le Sénat a réalisé un patchwork des mots récurrent recensé dans les témoignages. "C’est de l’exclusion sociale pure" ;  "il y a une discrimination flagrante entre les différents citoyens ; il y a ceux qui ont les moyens de suivre la technologie et les autres" ; "Il s'agit d'une mesure technocratique qui de surcroît crée une véritable rupture d'égalité d'accès au centre-ville selon que vous soyez aisé ou non", est-il possible de lire pêle-mêle parmi les réponses des répondants opposés au dispositif.

 

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"Je ne vais pas dire qu'on a filtré… mais dans les nuages de mots que nous avons réalisés, nous n’avons pas voulu mettre trop de mots que la bienséance rejette. Nous avons eu un petit peu de tout. De zones à fort emm**dement à zones à forte exclusion. Des termes qui révèlent une inquiétude sur un risque de creusement des inégalités sociales", souligne le sénateur des Alpes-Maritimes.

 

Des disparités géographiques et sociales

 

La consultation organisée par le Sénat révèle des différences dans les réponses en fonction de la géographie et de la catégorie sociale. Ainsi, 60 % des particuliers ayant participé au questionnaire résident à proximité d’une ZFE et près d’un quart vivent dans la Métropole du Grand Paris (24 %). D’autre part, la consultation permet de constater que, plus un répondant réside loin du centre d’une métropole, plus il est défavorable au dispositif. Par conséquent, 23 % des volontaires au questionnaire qui résident en centre-ville sont favorables aux ZFE, contre seulement 8 % dans les communes rurales.

 

Au niveau de l’aspect social, les réponses diffèrent aussi selon la catégorie socioprofessionnelle. 25 % des cadres et 28 % des étudiants se disent ainsi favorables aux ZFE. A contrario, seuls 11 % des employés et 4 % des ouvriers approuvent le dispositif. Il faut toutefois repréciser que les répondants sont majoritairement défavorables aux ZFE, et ce, dans toutes les catégories socio-professionnelles.

 

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Le premier frein au déploiement des ZFE réside dans le coût d'acquisition des véhicules propres, jugé trop élevé pour 77 % des particuliers, devant l'accessibilité insuffisante des métropoles depuis les zones périurbaines ou rurales (51 %) et l'insuffisance d'offres de transports alternatifs (42 %). Malgré la menace, à terme, d'une amende de 68 euros, 83 % des particuliers n'envisagent pas pour autant de changer de véhicule pour fréquenter une ZFE.

 

Compte rendu mi-juin

 

Depuis le mois de mars, en plus de la consultation en ligne, le Sénat a mené plus d’une quarantaine d’auditions. Philippe Tabarot, en tant que rapporteur de la mission flash sénatorial, précise qu’il attend encore certaines informations avant de rendre ses conclusions mi-juin.  "Nous constatons qu'aujourd'hui des métropoles particulièrement volontaristes ont fixé des calendriers assez resserrés et sont contraintes de revenir en arrière. Nous ne sommes plus sur un clivage politique", reconnaît le sénateur des Alpes-Maritimes.

 

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"86 % de rejet d'une consultation, qui, je le rappelle, n'est pas sur un sondage représentatif. Oui, des questions se posent et les chiffres interpellent. Je crois que l'objectif de notre rapport sera de prendre en compte ce qui paraît évident aujourd'hui : un manque d'information, de clarté, d'harmonisation et de synchronisation sur toutes ces mesures. Néanmoins, le sujet des ZFE est un impératif de santé publique", précise Philippe Tabarot.

 

Pour le moment, selon le sénateur, la meilleure réponse aux ZFE reste le report modal, en particulier sur les transports en commun. "40 millions de véhicules électriques ne régleront pas le problème de la congestion automobile", affirme-t-il. Pour rappel, d’ici à 2025, 43 agglomérations de plus de 150 000 habitants seront concernées par les ZFE, soit onze métropoles au total. Le sénateur précise que ce rapport organisé par le Sénat a aussi pour objectif d’éviter le risque d’une "bombe social à retardement" comme il est possible de l’entendre dans l’opinion publique. (Avec AFP)

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