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L’électrique met le poste des pneumatiques sous tension

Publié le 11 janvier 2024

Par La Rédaction
12 min de lecture
La transition énergétique s’invite dans les flottes automobiles avec des conséquences directes en matière de réduction des frais de maintenance. Derrière les avantages du verdissement, l’attention se porte sur le suivi des pneus appelés à devenir le premier poste de dépenses dans l’entretien des véhicules électriques.
pneus VE
Le rendement kilométrique des pneumatiques prend un relief particulier sur les véhicules électriques. ©Continental

Le taux de pénétration des véhi­cules électriques dans les flottes automobiles demeure à géomé­trie variable. Il oscillerait entre 8 et 10 %. La tendance répond à la loi d’orientation des mobilités (LOM) et bénéficie d’une fiscalité avantageuse.

 

La car policy intègre aussi les engage­ments en matière de RSE (responsabilité sociétale des entreprises). Sur fond de mix énergétique, elle donne toute sa place aux modèles hybrides, hybrides rechargeables (PHEV) et full electric, en particulier pour la desserte des ZFE (zones à faibles émissions) malgré une autonomie encore limitée des véhicules utilitaires électriques.

 

Dans ce contexte, Epyx – société bri­tannique spécialisée dans la gestion de flotte automobile – a évalué la durée de vie des pneumatiques installés sur les véhicules électriques versus sur les modèles thermiques. Selon les don­nées publiées cet automne, les pneus montés sur les véhicules électriques dureraient en moyenne 10 219 km de moins que ceux installés sur les voi­tures essence ou diesel. Plus précisé­ment, le premier remplacement des enveloppes sur un véhicule électrique interviendrait en moyenne à 28 944 km ou 551 jours d’utilisation.

 

Des données confirmées par Arnaud Miquel, res­ponsable du parc automobile de Chro­nopost (voir ci-dessous). La consomma­tion en pneus est inhérente au poids accru des modèles électrifiés et au couple instantané, explique Cyrille Roget, directeur de l’innovation de Michelin : "À véhicule égal, elle se ré­vèle supérieure."

 

En ce qui concerne les hybrides, le rem­placement serait requis après environ 40 000 km ou 585 jours. Quant aux modèles thermiques diesel et essence, les pneus nécessiteraient un changement après quelque 39 000 km parcourus ou 670 jours d’utilisation. De plus, l’entité met en évidence des coûts d’installation plus élevés, avec une moyenne de 240 euros. Pour les modèles diesel ou essence, ce montant descend à 150 euros pour des pneus de 17 à 18’’.

 

Prix et rendement des pneus, des sujets de préoccupation

 

Dans les faits, le passage aux modèles électriques est un sujet à la fois "concret et abstrait" pour les gestionnaires de flotte, note Matthieu Faucheux, direc­teur des ventes d’Euromaster. La thé­matique se révèle "ultratransverse". Sa complexité s’explique également par les "allers‑retours" des réglementations relatives à la LOM ou aux ZFE.

 

Dès lors, du côté des responsables de parc, la méconnaissance des uns n’aurait d’égale que l’expertise des autres. "Les gestionnaires ont conscience des spécifi­cités des véhicules électriques en ma­tière de couple ou de poids. Ils s'inquiètent du prix des pneus et du rende­ment kilométrique qui deviennent des sujets de préoccupation."

 

Une hausse de l’usure des pneus de 26 % s’avère conséquente à l’échelle d’un parcBenjamin Filippi, directeur d’Eurofleet Tyres & Services

 

Pour autant, du côté des responsables de parc et des pneumaticiens, la transition énergétique ne s’accompagne pas d’une révolution dans la gestion du poste des pneumatiques. "Elle ne change pas réel­lement la donne", remarque Benjamin Filippi, directeur d’Eurofleet Tyres & Ser­vices, tout en reconnaissant la fiabilité des résultats avancés en matière d’usure des enveloppes sur les modèles élec­triques. "Une hausse de 26 % s’avère conséquente à l’échelle d’un parc. D’au­tant que la monte dimensionnelle crois­sante générée par des jantes de 18 à 23’’ s’accompagne d’un renchérissement du coût des pneus à la rechange."

 

Le contexte technique, dimensionnel et inflationniste actuel contribue à mettre le poste des pneumatiques des flottes VE sous pression. Son coût est appelé à augmenter, avec une hausse possible de 20 à 25 % sur un parc roulant électrifié, avance Benjamin Filippi.

 

Tenir compte du poids et du couple des VE

 

Interlocuteurs privilégiés des gestion­naires, les réseaux spécialistes accom­pagnent la mutation des parcs roulants. Deux facteurs déterminants sont à prendre en compte dans les véhicules électriques, souligne Matthieu Faucheux.

 

D’une part, les accélérations et les frei­nages peuvent générer une usure préma­turée des pneus et impacter le rendement kilométrique.

 

D’autre part, un suivi pré­ventif associé à des profils adaptés sera préconisé. Lors des inspections de parc, plus de 60 % des pneus présentent un dé­faut (usure, pression, géométrie…). Les recommandations visent à garder la maî­trise du budget relatif aux pneumatiques.

 

Car sans surveillance, le changement des enveloppes pourra s’opérer dès 20 000 km sur un VE ! Pour autant, "il n’y a pas de fatalité", selon le responsable. "Les manufacturiers sont en train d’adapter leurs gammes en prenant en compte les effets poids, couple, usage et bruit, de manière à limiter ces facteurs de risque."

 

Les constructeurs mettent l’accent sur l’autonomie, là où les utilisateurs attendent des kilomètresPierre‑Emmanuel Leclercq, chef de produit de Continental France

 

Au‑delà, il faut reconsidérer les usages des pneumatiques sur les modèles électriques et en repenser l’approche, estime Matthieu Faucheux. L’enjeu est de tenir compte du poids et du couple. Le freinage régénératif influence également la longévité du pneu. La technolo­gie, absente des modèles thermiques, vise à récupérer de l’énergie cinétique pour alimenter la batterie de traction.

 

Par ailleurs, le silence de fonctionne­ment des VE imposera un profil le moins bruyant possible, nous in­dique‑t‑il. Enfin, la résistance au roule­ment aura un lien direct avec le rende­ment kilométrique et donc l’autonomie des batteries de traction.

 

Des spécifici­tés qui conduisent les manufacturiers comme Michelin et Hankook à re­mettre l’ouvrage sur le métier. "Sur un véhicule électrique, il est préconisé d’utiliser un pneu pensé pour l’élec­trique, même si les gammes restent en­core faibles et peu profondes."

 

Les manufacturiers refont leurs gammes

 

Du côté des manufacturiers, la stratégie face à l’électrification du parc roulant a évolué avec les années. À l’origine, l’ac­cent a porté sur le développement de profils spécifiques. Les modèles élec­triques concernent à présent un parc hétérogène composé de citadines, de berlines et de SUV, souligne Pierre‑Em­manuel Leclercq, chef de produit pneus tourisme, 4x4 et camionnettes de Continental France.

 

L’évolution a conduit les fabricants à repenser leurs enveloppes pour les adapter en premier lieu aux VE se focalisant sur la réduc­tion de la résistance au roulement à même de préserver l’autonomie des batteries de traction, le renfort de la carcasse et l’insonorisation.

 

La compa­tibilité concerne les gammes été, hiver et toute saison. La polyvalence est certi­fiée à travers le marquage EV du côté de Continental. Pierre‑Emmanuel Le­clercq de souligner la "dichotomie" du marché. "Les constructeurs mettent l’accent sur l’autonomie des VE avec des profils été dotés d’une faible résistance au roulement, là où les utilisateurs at­tendent des kilomètres."

 

La consommation en pneus est inhérente au poids accru des modèles électrifiés et au couple instantanéCyrille Roget, directeur de l’innovation de Michelin

 

Sur le plan technique, Cyrille Roget constate que la technologie "extra­lourd" (ou heavy) créée pour les mo­dèles thermiques peut s’appliquer à l’électrique. À l’inverse, les mousses acoustiques présentes sur les pneus des véhicules électriques de manière à ré­duire les bruits de cavité contribueront au silence de fonctionnement des ver­sions essence ou diesel.

 

"Les technolo­gies que nous pensions spécifiques aux VE servent aussi bien pour les modèles thermiques. Nous estimons au­jourd’hui que toutes nos gammes sont compatibles." La différence se fait da­vantage sur l’usage. Certains automo­bilistes privilégieront l’autonomie, d’autres une conduite sportive. Quant à la polyvalence, elle trouvera sa réponse dans le profil toute saison dont la résistance au roulement a été retra­vaillée de manière à améliorer l’autonomie et la performance énergé­tique nécessaires à l’électrique.

 

Face à des gammes devenues hybrides, "il va falloir être vigilant et se former", prévient Benjamin Filippi. L’enjeu est de savoir si les technologies mises en avant par les manufacturiers sont réel­lement adaptées aux modèles élec­triques, de manière à limiter l’évolution du coût du poste des pneumatiques des flottes électrifiées.

 

Un enjeu de suivi préventif

 

En matière d’exploitation, les para­mètres importants à prendre en compte sur un véhicule thermique le sont encore davantage sur un modèle électrique, avance Cyrille Roget. À la différence des consommations en car­burant, l’indicateur de référence porte ici sur l’autonomie.

 

Sur un véhi­cule électrique, la surveillance des pressions apparaît dès lors fondamen­tale. Un pneumatique gonflé à la mauvaise pression va s’échauffer plus vite et consommer davantage d’éner­gie. Sur un modèle thermique, la consommation en carburant pourra augmenter de 0,5 à 1 l aux 100 km. Sur un véhicule électrique, une auto­nomie prolongée de 10 à 20 km fera la différence au moment de rejoindre une borne de recharge.

 

Les gestionnaires s’inquiètent du prix des pneus et du rendement kilométriqueMatthieu Faucheux, directeur des ventes d’Euromaster

 

L’attention pourra également porter sur les formations à l’écoconduite afin de retrouver un rendement kilométrique plus conforme aux performances atten­dues d’un pneu. Car les capacités tech­niques des véhicules électriques peuvent engendrer des comportements néfastes au volant, remarque Matthieu Faucheux.

 

Sur un VE, la puissance transmise aux pneus, les accélérations et les freinages prononcés, mais égale­ment le poids, demandent une conduite plus souple afin de minimiser le coût de possession des pneus, abonde Mikael Aladenise, responsable technique de Continental France.

 

A lire aussi : Wyz veut accélérer le déploiement de sa solution pour les flottes

 

Une nécessaire expertise

 

Les modèles électriques renforceraient donc le besoin d’accompagnement des flottes sur le poste des pneumatiques. Une même dimension affiche une va­riété d’indices de charge et de vitesse, observe Benjamin Filippi. Face à des profils devenus runflat, EV, proposés en gammes été, quatre saisons et hiver, le conseil devient primordial.

 

Car si un pneu développé pour un véhicule élec­trique pourra s’adapter à un modèle thermique, la réciprocité n’est pas pos­sible, prévient‑il. "Un profil classique fera le nécessaire en termes de tenue de route, mais à l’usage, le confort acous­tique n’est pas dans son ADN." Il pourra aussi impacter l’autonomie du véhicule.

 

Quant à sa structure, elle n’est pas prévue pour répondre à l’em­bonpoint des modèles électriques les­tés d’une batterie de traction de 300 kg. La vigilance entourant le suivi régulier des pneumatiques (pression, usure, géométrie) apparaît d’autant plus né­cessaire sur les véhicules électriques que la fréquence des visites en atelier s’avère réduite.

 

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Le VE en toute saison !

 

Pensée et développée pour répondre aux contraintes techniques spécifiques des véhicules électriques en matière de poids et de couple, la gamme toute saison du manufacturier Vredestein prend le contre‑pied des habituels majors du segment. Un profil compatible avec les modèles thermiques ne sera pas optimisé pour les véhicules électriques, explique Yves Pouliquen, directeur des ventes de Vredestein France. Les gammes toute saison VE du fabricant visent à répondre à la durée de vie des enveloppes mise à mal sur les versions électriques. Mais pas que. "Les pneus deviennent l’un des seuls motifs de se rendre dans un garage sur les VE", remarque le responsable. Le recours à un profil all season évitera dès lors les permutations été‑hiver à l’automne et au printemps. "Il s’agit d’un choix d’usage. Un pneu tout temps est le meilleur compromis pour un VE." La tendance séduirait une part croissance de gestionnaires de flotte, le toute saison répondant à 90 % des besoins.

 

Après avoir conquis le marché de l’été, le profil gagne à présent l’hiver malgré un surcoût de 5 à 8 % sur les versions spéciales VE. Néanmoins, pour les flottes dont les utilisateurs sont exposés à des conditions hivernales marquées (notamment dans le cadre de la loi Montagne et des trois départements situés en zones blanches), le recours aux pneus hiver reste ancré, y compris pour les véhicules électriques.

 


 

3 questions à…

 

Arnaud Miquel, responsable du parc automobile de Chronopost

 

"Sur les VU électriques, la réduction des immobilisations compense l’usure des pneus"

 

Au regard de votre expérience, quel est l’impact des véhicules électriques sur le poste des pneumatiques ?

Nous avons pris un virage vers la livraison 100 % électrique dès 2018. Aujourd’hui, nous disposons de 1 100 véhicules utilitaires électriques toutes marques confondues. Nous avons donc un certain recul pour observer les contraintes des motorisations électriques versus thermiques. Nous sommes amenés notamment à changer les pneus plus souvent. Nous constatons une baisse de la durée de vie de l’ordre de 10 000 km. À modèle équivalent, le premier changement de pneus s’effectue entre 25 000 et 30 000 km, soit 550 jours, contre 40 000 km et deux ans sur une camionnette thermique.

 

Dès lors, les pneus supposent‑ils une vigilance accrue ?

Nous sommes plus regardants dans le suivi des indicateurs et des données consolidées transmis par nos prestataires Eurofleet et Viasso. Notre objectif est d’être accompagnés de manière à aboutir à une meilleure maîtrise du coût grâce à des professionnels du pneu et à une gestion au réel du poste. Nous sensibilisons aussi nos livreurs à travers plusieurs critères comme le contrôle des pressions de manière à allonger la durée de vie des pneus. Il s’agit d’un facteur essentiel à prendre en compte avec une vérification mensuelle. Nous mettons aussi en place des formations à l’écoconduite, car une voiture électrique ne se conduit pas de la même manière qu’un modèle thermique.

 

En matière de pneumatiques, le rapport bénéfice‑risque plaide‑t‑il en faveur des VE ?

La surconsommation des pneus est un inconvénient, mais ce dernier reste minime au regard des avantages en termes de maintenance. Sur un modèle électrique, l’entretien se concentre sur les consommables, à savoir les plaquettes de frein, les disques et les pneus. Contrairement à un modèle thermique, il n’y a pas de panne de turbo, de casse moteur ou de distribution à remplacer. Le désagrément généré par la consommation accrue en pneumatiques est donc limité par rapport au coût engendré par les réparations des modèles thermiques. D’autant que l’immobilisation nécessaire à un remplacement de pneus est infime. Les prestataires peuvent intervenir directement sur nos parcs et effectuer l’opération en une heure, là où une intervention mécanique peut nécessiter un mois en atelier.

 

Dossier réalisé par Ludovic Bellanger 

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