Kleuster Freegônes, le pari de Renault Trucks dans la mobilité douce
Le silence. Une caractéristique qui, en temps normal, n’est pas propre à une usine. Pourtant, au cœur du site historique de Renault Trucks, situé à Vénissieux (69) dans la banlieue lyonnaise, c’est le premier élément qui frappe les opérateurs de la zone d’assemblage du Freegônes, triporteur électrique de la start-up Kleuster. Il faut dire que les douze salariés ne sont pas habitués. Ces derniers travaillaient auparavant pour l’usine Renault Trucks fabriquant des moteurs onze litres, juste à côté de la zone d’assemblage de 2 100 m² du triporteur.
"Dans les années à venir, il risque d’y avoir beaucoup moins de moteur produits dans notre usine de Vénissieux. Il nous fallait des pistes de reconversions et l’assemblage de vélos-cargos nous semble être une belle opportunité", souligne Samuel Artus, le responsable industriel de Kleuster, issu de Renault Trucks. Passer des moteurs thermiques à l’assemblage d’un triporteur électrique n’est pas anodin. Il s'agit de faire évoluer des process industriels vers un fonctionnement plus artisanal.
Pourtant, l’entreprise du groupe Volvo n’a pas eu de difficultés à trouver des volontaires. "Nous ne les avons pas forcés, il y a eu un vrai engagement de leur part. Ils sont passés d’un shift jour/nuit à un shift exclusivement jour. Ils ont aussi accepté une perte de salaire pour venir sur la partie vélo-cargo. Ils sont sortis de leur zone de confort pour venir travailler ici et ils font face à des process dont ils n’ont pas l'habitude", renchérit Samuel Artus. Les opérateurs, d'une trentaine d'années, ont été formés sur le tas.
Un partenariat industriel et commercial entre Kleuster et Renault Trucks
En octobre 2022, l’annonce d’un partenariat industriel et commercial entre la start-up, rachetée par le groupe de distribution Jean Lain Mobilités, et Renault Trucks avait de quoi surprendre. Mais en un an, le projet commun avance doucement. Le site devrait ainsi assembler 200 Freegônes d’ici à la fin 2023. Au-delà du bâtiment dédié à l'assemblage de son vélo-cargo, le partenariat a permis à Kleuster de bénéficier du savoir-faire industriel du constructeur lyonnais.
Rappelons que Renault Trucks s’occupe aussi de la partie commerciale. Par conséquent, la distribution et l'après-vente du Freegônes s’effectue dans le réseau Renault Trucks France Monde et via le loueur longue durée Clovis Location France. Actuellement, 30 groupes de distribution et 250 points de service proposent le véhicule de la start-up.
"Nous avons pour objectif de proposer une large gamme de véhicules aux entreprises. Dorénavant, avec le Kleuster, nous avons un véhicule qui est capable d’atteindre les centres urbains, de plus en plus inaccessibles. Avec le Freegônes, nous ne cachons pas notre ambition de concurrencer les véhicules utilitaires", souligne Julien Sonzini, directeur mobilité urbaine de Renault Trucks France.
Une élaboration industrielle main dans la main
Les deux entreprises ont mélangé leur savoir-faire pour industrialiser le Freegônes. "D’habitude, Renault Trucks design les produits, les ingénieurs conçoivent les plans et les chaînes qui les mettent en production. Mais ici, nous prenons le produit, nous le démontons, puis nous réfléchissons à la manière dont il faut l’assembler, main dans la main avec Kleuster", affirme Samuel Artus. Cela a pris du temps, nous nous sommes trompés, nous avons corrigé les erreurs, et depuis juillet nous avons stabilisé les process et nous sommes désormais capables de monter en compétence et en cadence, comme dans nos autres usines."
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Le site d’assemblage du Freegônes est découpé en cinq zones : une zone d’entrée et de sortie des marchandises ; une zone logistique, où sont entreposées les pièces des fournisseurs ; une zone de sous-ensemble où les éléments sont prémontés ; une ligne principale d’assemblage pour le châssis et la cabine ; et une zone de stockage. "L’un des avantages de ce triporteur sur la partie industrielle, c’est que le châssis est unique. Cela nous permet de sortir de la volumétrie et d’avoir une meilleure cadence sur la ligne d’assemblage", explique Pierre-Louis Dumas, directeur technique de kleuster.
12 kg pas plus !
Le constructeur a apporté toutes les normes de sécurité de ses usines à Kleuster. Ainsi, les 280 composants stockés dans l’usine sont déballés et remballés, "pour éviter les troubles musculo-squelettiques", assure Samuel Artus. En effet, le groupe Volvo impose une charge inférieure à 12 kg en matière de manutention. Une règle d’or que l’entreprise applique à l’assemblage du Freegônes. Si Kleuster avait pour habitude de réceptionner les composants déjà préassemblés, Renault Trucks a réfléchi aux pièces qui peuvent l’être au sein de l’usine. Ainsi, dans la partie sous-ensemble, une dizaine de composants sont préassemblés sur de petites chaînes de montage, permettant un gain de temps sur le montage final du Freegônes.
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Pour transporter le châssis du Freegônes de plusieurs dizaines de kilogrammes, sur chaque poste de la chaîne d'assemblage, un chariot spécifique a été conçu afin de respecter la fameuse règle des 12 kg. Un chariot tracté manuellement mais qui pourrait bien être automatisé, à la manière d’un Véhicule à guidage automatique (AGV) comme il est possible de trouver dans les usines de constructeurs automobiles classiques.
Une internationalisation prévue en 2024
"Pour le moment, les volumes prévus ne sont pas suffisants pour automatiser les process. En revanche, à mesure que le nombre de Freegônes en commande augmentera, nous sommes prêts à accélérer la cadence", précise Gérard Têtu, fondateur de Kleuster, en montrant une zone du chariot prévue à cet effet. La raison du silence qui règne dans le site d’assemblage est due à l'absence de machine, mais cela pourrait bien changer dans les mois à venir.
En effet, sur le marché français du vélo-cargo BtoB, Kleuster espère une part de 7 % des 4 000 vélos-cargos vendus aux professionnels en 2024 et 10 % en 2025. Sans compter une volonté de s’internationaliser, en exportant le Freegônes aux Pays-Bas l’année prochaine, mais aussi au Royaume-Uni et en Belgique dans deux ans. La cadence risque bien d'augmenter dans les prochaines années.
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