E85 : tout pour plaire ou presque
Un carburant à 0,75 euro le litre, peu propice aux fluctuations, qui dit mieux ? L’E85, c’est de lui dont il s’agit, gagne assurément en popularité et en notoriété à l’heure où toutes les autres propositions voient leur prix à la pompe flamber. Le carburant le moins cher du marché est en position de force face à un gasoil et un SP95 qui se négocient respectivement aux alentours de 1,65 et 1,75 euro le litre. Même le GPL ne fait pas le poids avec un prix moyen en stations évoluant de 0,85 à 0,90 euro.
Nous sommes le pays européen leader dans la production de bioéthanol Nicolas Kurtsoglou, fuel manager au SNPAA
Le superéthanol, l’autre nom de l’E85 composé de 85 % de bioéthanol et de 15 % d’essence, présente bien d’autres avantages que son seul prix à la pompe. Pour Nicolas Kurtsoglou, fuel manager au SNPAA, le Syndicat national des producteurs d’alcool agricole, rouler à l’E85 est aussi un acte patriotique dans la mesure où il s’agit d’un carburant élaboré en France.
"Nous sommes le pays européen leader dans la production de bioéthanol, avec 25 % de part de marché, devant l’Allemagne, le Royaume‐Uni et l’Espagne, qui produisent respectivement 16%, 12% et 11% du volume annuel", explique‐t‐il.
90 % de particules en moins
Ce carburant participe par conséquent à l’indépendance énergétique du pays, avec 351 821 m3 d’E85 écoulés en 2020, un volume qui atteindra 420 000 m3 en 2021. "Cela évite l’importation d’au moins 400 000 t de pétrole chaque année", complète Nicolas Kurtsoglou. Autre point à souligner, la filière représente 8 900 emplois directs, indirects et induits, essentiellement dans des zones rurales. Les usines sont basées pour la plupart dans le Nord et dans les Pyrénées‐Atlantiques.
Faire le plein d’E85 est également un geste en faveur de l’environnement. Le bioéthanol est, en effet, produit à partir de blé, de betteraves, de maïs et de résidus sucriers et amidonniers.
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Cela se traduit par une réduction de 40 % des émissions de CO2 sur l’ensemble du cycle de vie du produit par rapport à un carburant standard. Sans compter qu’en sortie de pot d’échappement, l’E85 génère 90 % de particules en moins qu’un véhicule essence. Tous ces avantages cumulés ne sont évidemment d’aucune utilité si le carburant n’est pas disponible à la pompe, à proximité des automobilistes, où qu’ils se trouvent sur le territoire.
Autant l’E85 était introuvable il y a une dizaine d’années, autant il est aujourd’hui largement diffusé avec 2 554 stations distributrices, soit 28 % du total en France. Nicolas Kurtsoglou précise que "le nombre de pompes s’est envolé de 1 100 unités en l’espace de deux ans". Toutes ces stations sont à retrouver sur l’application Mes Stations E85.
TotalEnergies a créé des stations à marche forcée au cours des trois dernières années Pierre‐Emmanuel Bredin, directeur du réseau France
TotalEnergies a été un acteur clé dans cette montée en puissance. Sur les 3 500 stations opérées par l’énergéticien dans l’Hexagone, plus de 800 proposent à ce jour de l’E85. Selon Pierre‐Emmanuel Bredin, directeur du réseau France, "TotalEnergies a créé des stations à marche forcée au cours des trois dernières années avec l’ouverture d’une pompe pratiquement tous les jours et nous sommes prêts à accompagner le mouvement plus amplement si nécessaire".
L’entreprise a également mobilisé ses dépôts, la clé étant un approvisionnement rapide des stations. L’E85 est à présent stocké dans une quarantaine d’entre eux, contre une quinzaine en 2018.
De série ou en boîtier
Reste ensuite à trouver les véhicules pouvant rouler à l’E85. Pour ceux déjà à la route, la solution est d’installer un boîtier de conversion homologué. Cette opération coûte entre 600 et 700 euros. Un nombre croissant d’automobilistes franchit le pas. Flexfuel Energy Development, spécialiste du sujet, revendique par exemple la pose de plus de 2000 boîtiers chaque mois. Certaines entreprises se laissent tenter par cette solution, mais elles doivent composer avec la perte de garantie constructeur. Cela implique qu’elles aient des véhicules achetés et non en LLD, les loueurs longue durée refusant toute transformation entraînant une perte de garantie.
Une autre possibilité est d’opter pour des véhicules compatibles de série. En l’occurrence, le choix est relativement limité. Seuls deux constructeurs disposent de propositions au catalogue : Jaguar Land Rover et Ford. La marque américaine est de loin la plus entreprenante avec une gamme de six modèles pouvant rouler, dès leur sortie d’usine, à l’E85.
Il s’agit des Fiesta EcoBoost, Puma EcoBoost, Focus EcoBoost mHEV, Kuga FHEV, Fiesta Van et Transit Connect. Les dirigeants français de la marque ont fait un intense lobbying auprès de leur direction européenne pour développer une gamme complète.
Louis‐Carl Vignon, président de Ford France, a obtenu gain de cause, mettant notamment en avant le succès rencontré par le Kuga Flexifuel ancienne génération. En 2019, ce modèle roulant à l’E85 avait été écoulé à 5919 exemplaires, soit 65 % des ventes du SUV toutes motorisations confondues. Ford compte donc réitérer cette performance avec une force de frappe bien plus puissante.
"Avec notre gamme E85 complète, nous parlons à ceux qui veulent une voiture à moins de 20000 euros comme à ceux qui ont besoin d’un véhicule plus familial, résume Louis‐Carl Vignon. Nous couvrons ainsi une large plage en matière de pouvoir d’achat et d’usage, nous favorisons l’accès de cette technologie au plus grand nombre." L’ambition de Ford est d’atteindre un mix de 50 % sur les quatre modèles qu'elle propose. Pour les utilitaires Fiesta Van et Transit Custom, la barre est fixée à 20 %.
Pas de malus mais de la TVS
Les clients ne s’y trompent pas en optant pour ces modèles. Car si l’E85 engendre une surconsommation de l’ordre de 25 % par rapport à l’essence, il reste un choix gagnant pour le porte‐monnaie. Selon le SNPAA, un automobiliste économise plus de 600 euros en roulant 13 000 km par an. Il faut, pour cela, tenir compte du prix à la pompe largement plus avantageux, mais aussi de la fiscalité. Dans la plupart des régions, la carte grise des véhicules E85 est gratuite.
Vient s’ajouter un abattement de 40 % sur les émissions de CO2 prises en compte dans le calcul du bonus/malus. Par exemple, un Puma homologué à 126 g/km tombe à 76 g/km. La volonté du SNPAA est d’étendre cet abattement à la TVS. Des amendements ont été poussés en ce sens dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2022, mais ceux‐ci ont été retoqués. "C’est un frein pour les ventes aux entreprises", constate Louis‐Carl Vignon. Mais le législateur ne l’entend pas encore de cette oreille.
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