Cécile Baudin et Cyril Lubin, Somelac : "Les essais de voitures électriques sont transformés"

Le Journal de l'Automobile : Les chiffres du marché VN à entreprise ne sont pas au niveau attendu. Quelle analyse faites-vous ?
Cyril Lubin : Il y a beaucoup d'inconnues en 2025. Mais nous observons de nettes améliorations des conditions commerciales chez les constructeurs auprès desquels nous commandons des véhicules. Cela nous permettra d'abaisser les coûts de détention et donc de parier sur de bonnes perspectives pour les valeurs résiduelles. Ce sont autant d'opportunités à ne pas manquer.
J.A. : Qu'en est-il plus précisément de la situation de Somelac ?
C. L. : Le premier trimestre a été difficile. Le deuxième nous a permis de redresser la trajectoire. Nous avons réalisé un mois de juin historique, au cours duquel le groupe a augmenté son chiffre d'affaires de 23 % par rapport à l'an passé. Une performance qui s'explique en partie par un effet calendaire. D’une part, nous avons engrangé les signatures d’offres de location longue durée qui étaient en attente clients BtoB. Notre offre de voitures d'occasion nous a parfois même permis de raccourcir les délais de livraison. D’autre part, sur la location courte durée, les voyages d’affaires ont repris de façon très dynamique et le tourisme de loisir a fait un bond très significatif, à la fois pour la clientèle française mais aussi étrangère. Les actions marketing et les offres mises en place par Hertz ont soutenu cette demande.
J.A. : Selon une étude récente de l'Avere France, un tiers des entreprises achève son chantier de verdissement. Comment se comportent vos clients BtoB ?
Cécile Baudin : Désormais, ils nous demandent systématiquement d'inclure des voitures électriques dans les propositions. Ils cherchent au moins à comparer. Le VE affiche une croissance forte, sans pour autant avoir une pénétration significative car l'hybride reste le produit le plus sollicité, tandis que le diesel a pratiquement disparu des demandes de devis. D'une manière générale, les essais de voitures électriques sont transformés. D'ailleurs, chez nos employés aussi, la technologie a fini par convaincre 85 % des personnes. Le grand défi reste celui d'écouler des VE sur le marché des voitures d'occasion.
J.A. : Arval et Ayvens entendent miser sur les certificats d'économies d'énergie (CEE) pour motiver les gestionnaires de flottes à basculer. Quel est votre plan ?
C. L. : Au regard de leur taille, ils doivent adopter une logique économique. Nous sommes une PME qui s'adresse à des PME et des ETI. Nous voulons donc garder une approche focalisée sur l'usage des collaborateurs car les voitures électriques répondent à bien plus de besoins dans les sociétés que les préjugés ne le font croire. Ce n'est pas une solution de mobilité réservée aux citadins. Somelac n'a donc aucune intention de se positionner comme un acteur low cost du VE auprès des flottes. Nos offres commerciales flexibles et nos divers services, tels que notre programme de formation, ont une valeur ajoutée pour les sociétés, qu'il faut défendre.
J.A. : Qu'en est-il dans votre flotte ?
C. B. : À ce jour, les voitures électriques représentent 12 % de nos acquisitions. La prudence reste de mise, cependant, nous sommes à l'écoute pour augmenter cette part. Nous espérons atteindre les 15 % dans quelques mois, nous nous placerons dans le haut du panier, en comparaison avec les autres acteurs du secteur. Nous avons mesuré que notre activité génère 37 000 tonnes de CO2 par an. Il faut prendre des mesures pour réduire cet impact environnemental.
Les voitures électriques répondent à bien plus de besoins dans les sociétés que les préjugés ne le font croire
J.A. : Considérez-vous les marques chinoises ?
C. L. : Nous avons été le premier client significatif de BYD. Mais il y a une problématique de SAV, en termes de couverture territoriale et de disponibilité des pièces. Nous privilégions les marques européennes, d'abord par souci d'attente client et ensuite par soutien à l'industrie. En plus, le manque de visibilité sur la courbe de valeur résiduelle nous oblige à la plus grande précaution.
J.A. : Par la voix de Jean-Philippe Imparato, Stellantis a tiré la sonnette d'alarme sur la faiblesse des ventes de VUL électriques. À quoi tient le désamour des décisionnaires, selon vous ?
C. L. : Il y a une véritable problématique de coût. L'investissement de départ est trop conséquent, dans un contexte marqué par l'incertitude économique. Les voitures ont fait de rapides progrès techniques. Les utilitaires attendent leur tour et nous pensons que, dès 2026, il y aura des nouveautés qui pourraient changer la donne. Chez nous, les VUL électriques relèvent de l'anecdote et sont souvent destinés à un usage sur site privé.
J.A. : Entrons dans l'univers de la location courte durée. Quels sont les chiffres de Somelac ?
C. L. : Activité historique de Somelac, la location courte durée est la plus importante du groupe. Elle est la clé d'accès à nos services et concentre 95 % de l'effectif, soit près de 90 personnes. Sous l'enseigne Hertz, nous avons 49 points de location, dont 19 agences en propre depuis que nous avons ouvert en 2025 les sites de Laval (53) et Libourne (33). Notre parc se compose de 1 800 véhicules dont 1 600 voitures.
J.A. : Quels sont les enjeux ?
C. L. : Nous devons poursuivre la digitalisation du parcours, sans pour autant tomber dans le 100 % dématérialisé. Le but étant de gagner en productivité et en satisfaction des clients. Ces derniers veulent de la réactivité, alors que les délais de réservation se raccourcissent. Aujourd'hui, un client à usage professionnel passe commande en moyenne trois jours avant la date et un client loisir réserve en moyenne sept jours avant. Ils veulent aussi de la réassurance et de la transparence. Ce que des outils comme WeProov, que nous utilisons, apportent.
J.A. : Comment se porte votre secteur de la LCD ?
C. B. : L'année 2024 a été mauvaise, en raison de l'augmentation des intérêts bancaires. Nous avons aussi souffert d'un déséquilibre entre l'offre et la demande. Les loueurs ont pris le pari que les Jeux Olympiques généreraient du trafic, mais il n'en a rien été. Il est encore complexe de calibrer les flottes, mais nous abordons l'été 2025 avec optimisme et confiance. En plus, le vieillissement du parc automobile français se traduit par une baisse de la fiabilité et donc davantage de pannes. Nous serons sollicités pour dépanner les sinistrés.
J.A. : En mai 2024, Somelac a pris un engagement auprès de VPN Autos, l'enseigne de voitures d'occasion. Quel en est le bilan ?
C. B. : Ce rapprochement avait pour but de répondre à un besoin. Nous avons choisi une marque à forte notoriété pour aborder ce marché spécifique des voitures d'occasion. VPN Autos a su nous accompagner et nous les en remercions. La première année s'est soldée par un volume de ventes relativement faible d'une centaine d'unités. Nous avons tout de même été satisfaits des marges commerciales qui ont doublé par rapport à notre schéma traditionnel fait de ventes BtoB.
La fin de certaines crises médiatiques encouragera les consommateurs à sauter le pas
J.A. : Quel était le mix ?
C. B. : Nous avons revendu des voitures d'occasion issues du parc de location courte durée. Sous le panneau Matitine, nous avons proposé des exemplaires âgés de plus de cinq ans, en provenance de contrats LLD ou d'achats extérieurs. Il y avait 5 % de VE dans ce total et, au fil des mois, nous aurons 60 % de voitures hybrides à commercialiser.
J.A. : Quelle est la suite ?
C. L. : Nos collaborateurs sont avant tout des spécialistes de la location courte durée qui ont été formés à la revente de véhicules d'occasion. Ce qui n'est pas chose aisée pour eux. Au cours des prochains mois, nous allons travailler sur l'organisation de leurs journées pour qu'ils gagnent en efficacité. Ils auront pour objectif de doubler le volume durant cette deuxième année. Et la fin de certaines crises médiatiques encouragera les consommateurs à sauter le pas.
J.A. : Dans un monde de mobilité qui invente son avenir, envisagez-vous des partenariats ?
C. L. : VPN Autos a été le premier chapitre de notre plan 2030. Celui-ci prévoit des collaborations dans divers domaines comme le commerce, le service après-vente ou le marketing. Somelac restera à l'écoute de propositions, notamment avec des groupes de distribution, tout comme nous travaillons sur des synergies avec notre actionnaire, le groupe Picoty.
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