Le secteur automobile favorable au nouveau bonus écologique
L'époque où le bonus écologique pour l'achat d'une voiture électrique était simple touche à sa fin. Dans quatre mois, au 1er janvier 2024, la nouvelle mouture de cette aide à l'achat entrera en vigueur. En attendant, les moulinettes tournent à plein régime du côté de l'Ademe et de Bercy. Car il s'agit de passer d'un bonus, dont les limites se basent aujourd'hui uniquement sur un plafond de poids et de prix (2,4 tonnes et 47 000 euros maximum), à un score environnemental lié à chaque modèle. Sans laisser tomber pour autant cette limite de poids et de tarif.
L'objectif clairement avoué de l'exécutif étant d'arrêter d'accorder un soutien financier à des constructeurs qui importent des véhicules dont la production et le transport jusqu'au client final émettent plus de CO2 que d'autres. Autrement dit, d'arrêter de subventionner des modèles asiatiques pour soutenir la production européenne.
"Soutenir une production réalisée au bout du monde, dans des pays dont le mix énergétique est extrêmement carboné, consiste plutôt à déplacer le problème qu’à le régler. Nous souhaitons que le bonus automobile, qui aujourd’hui nous coûte quelque 1,2 milliard d’euros dont à peu près 400 millions part en dehors des frontières de l’Europe, soit consacré à l’appui de la transition des consommateurs, mais aussi à de la production durable", expliquait récemment Roland Lescure au Journal de l'Automobile, souhaitant ainsi mettre fin à la naïveté de la politique industrielle française.
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Nouveau score environnemental
Le 28 juillet dernier, le gouvernement publiait ainsi des projets d'arrêté et de décret établissant la méthode de calcul. Et donnait un mois entier pour que toutes les parties prenantes puissent faire remonter leurs contributions sur le calcul des nouveaux critères qui attribueront un score environnemental à chaque véhicule électrique.
"Le score environnemental comprend plusieurs composantes (acier, aluminium, autres matériaux, batterie, transformation intermédiaire, logistique liée à l'assemblage et l'acheminement) dont les facteurs d’émissions (FE) exprimés en équivalent CO2 dépendent du pays ou de la zone géographique du lieu d’assemblage ou de la fabrication de la batterie. Pour le calcul du score environnemental, l’adresse du site d’assemblage du véhicule est en revanche directement considérée pour calculer les kilomètres à parcourir pour acheminer le véhicule depuis son site d’assemblage vers le site de distribution "moyen" en France", nous explique Laurent Gagnepain, coordinateur scientifique et technique de l'Ademe.
Exemple éclairant : celui d'une voiture produite en Espagne avec une batterie produite en Chine. Pour l'acier et les transformations intermédiaires, les émissions du pays sont prises en compte. Pour l'aluminium et les autres matériaux, ce sont les émissions européennes qui sont considérées. Les émissions liées à la fabrication de la batterie sont celles du pays. Enfin, le calcul des émissions liées à la logistique, c'est la distance parcourue et les moyens (avion, bateau, camion) du site de production jusqu'au parc de stockage en France qui sera comptabilisée.
Pourquoi certains critères se basent sur les émissions de CO2 du pays quand d'autres prennent la valeur moyenne d'une zone géographique ? "Tout simplement parce que les données par pays ne sont pas forcément existantes", rétorque Laurent Gagnepain.
Concrètement, le projet d'arrêté distingue deux catégories de voitures. Celles disposant de cinq places assises, avec un volume de coffre supérieur à 200 litres et une autonomie supérieure ou égale à 170 km. Ces modèles doivent afficher une empreinte carbone de 14,75 T de CO2 maximum pour obtenir un score supérieur à 60, la limite déclenchant l'attribution du bonus. Pour les véhicules homologués pour quatre places, l'empreinte carbone, quant à elle, ne doit pas dépasser 9 T de CO2.
Des contributions positives
"C'est une approche assez innovante, fait remarquer Marc Mortureux directeur général de la PFA (Plateforme de l'automobile ), et un vrai choix politique". Les constructeurs français réunis au sein de l'organisation semblent soutenir la démarche, y compris le groupe Renault dont sa petite Dacia Spring risque de faire les frais de cette nouvelle méthode de calcul. Malgré sa petite batterie (26,8 kWh), la Spring est aujourd'hui homologuée en quatre places, lui imposant une empreinte carbone beaucoup plus faible.
Il est vrai que le nouveau bonus tente, par ses critères, de prendre en compte l'intégralité du cycle de vie du véhicule et non uniquement ses émissions à l'usage. Ce qui constitue aujourd'hui l'un des principaux reproches faits aux véhicules électriques.
L'Iddri (Institut du développement durable et des relations internationales), a également apporté sa contribution au gouvernement. Jean-Philippe Hermine, coordinateur de l'initiative Mobilité en Transition au sein du Think Tank, est favorable au renforcement des conditions d'éligibilité du bonus écologique. "C'est un signal de cohérence qui est proposé aux consommateurs et de clarté aux constructeurs en valorisant les activités d'économies circulaires et/ou de relocalisation", explique-t-il. "Le mérite de la proposition est de poser un premier cadre concret, avec une logique simple, de prise en compte de ces enjeux reconnus par tous, mais qui souffrent jusqu’à présent d’un déficit d’outillage et de méthode partagée pour avancer."
Un modèle de calcul pour une version européenne du bonus ?
Pour autant l'Iddri aimerait qu'une progressivité du bonus soit établie selon le score final obtenu. Une manière de favoriser les plus petits véhicules électriques et de réduire ainsi la tendance à l'inflation dans les tailles de batteries.
La PFA, de son côté, pointe du doigt le besoin de précisions notamment sur les éléments de la batterie concernés dans le calcul du score. L'organisation se montre favorable à la prise en compte de critères de réparabilité des batteries. Ces critères ont déjà été intégrés dans le projet d'arrêté pour une évolution future du score environnemental.
Le poids de l'administratif et le délai de traitement dans la transmission des informations par les constructeurs, leur intégration par l'Ademe et l'attribution du score environnemental donne quelques frayeurs aux professionnels du secteur. La PFA espère ainsi que les dossiers seront traités au fur et à mesure de leur réception. De la même manière, l'organisation souhaiterait limiter la période de transition entre l'ancien bonus et le nouveau.
Un point d'attention également pour Mobilians, dont l'objectif est de soutenir les services automobiles. Soucieuse de la mise œuvre opérationnelle, notamment pour la distribution automobile, l'organisation milite justement pour un délai de transition allant jusqu'au 30 septembre compte tenu des retards de livraison subis par les constructeurs. De la même manière, Mobilians souhaite que la catégorie de véhicules dédiée aux transports de personnes soit réintégrée dans la version définitive de l'arrêté tout comme la prise en compte du rétrofit dans ce bonus.
Mais surtout, l'enjeu de cette stratégie pour le gouvernement, qui constitue une première en Europe, serait de servir d'exemple aux autres pays européens. Pas évident que l'Allemagne emboîte le pas à la France.
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