BorgWarner teste l’hydrogène comme carburant dans un moteur diesel
Spécialisé dans les injecteurs, l’équipementier américain BorgWarner vient de développer un système d'injection d'hydrogène gazeux pour alimenter un moteur thermique, une technologie appelée H2ICE.
Sur son site de Blois (41), l’équipementier a en effet transformé un moteur diesel, en l’occurrence le 2.2 BlueHDI d’un Peugeot Boxer et d’un Citroën Jumper, tous les deux achetés neufs dans une concession, pour le faire fonctionner, non pas avec du gazole, mais avec de l’hydrogène gazeux, stocké dans des réservoirs sous pression.
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"Il s’agit d’un projet développé en interne sur lequel nous travaillons depuis deux ans, qui a mobilisé une centaine de personnes et qui représente un investissement d’une dizaine de millions d’euros", présente Jean-Luc Beduneau, directeur de l’innovation chez BorgWarner.
Une transformation à coût mesuré
La transformation, réalisée en partenariat avec Dangel et Caillau, un fournisseur local dans l’industrie automobile, porte sur plusieurs éléments du véhicule. A commencer par la partie stockage. "Les deux réservoirs de 350 bars ont été installés en position verticale, derrière la cabine de conduite, présente l’ingénieur. Cela réduit la longueur de chargement, mais cela permettait de développer ces prototypes à moindre frais, sans toucher à la structure même du véhicule." A terme, il est prévu d’installer un réservoir de 700 bars dans le but de réduire l’espace dévolu au stockage.
Concernant la partie moteur, les ingénieurs ont modifié les injecteurs et la rampe d’injection, sans oublier la partie software de la gestion du carburant. L’équipementier a également remplacé les bougies de préchauffage du bloc diesel par celles d’un moteur essence, tandis que la ligne d’échappement a été conservée avec le traitement SCR actif. "Notre volonté est de conserver le plus possible d’éléments du moteur thermique afin de réduire les coûts et de faciliter le rétrofit", explique Jean-Luc Beduneau.
0,4 g/km de CO2 !
Pour valider le bien-fondé de son travail, BorgWarner a mesuré son prototype selon le protocole de l'UTAC en prévision des normes Euro 7. Et les résultats sont très intéressants. Les émissions de CO2 enregistrées lors des mesures sont de seulement… 0,4 g/km. "Cela correspond à ce qu’émet un être humain lorsqu’il respire !" précise Jean-Luc Beduneau.
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Quant aux autres polluants, les résultats sont tout aussi satisfaisants. "Sur les hydrocarbures, ainsi que sur les CO et les NH3, nos appareils de détection n’ont enregistré que des traces alors que la norme à venir est de respectivement 100 mg/km et 500 mg/km, présente l’ingénieur. Et pour les NOX, nous avons mesuré seulement 3,9 mg/km pour une norme à 20 mg/km."
Enfin, cette technologie n’émet aucune particule fine, mais seulement de la vapeu d'eau. "Comme sur un modèle à pile à combustible", précise-t-il.
Les deux prototypes ont déjà réalisé 4 000 km sur route ouverte sans aucun incident majeur. Ainsi transformé, les véhicules conservent le même niveau de puissance que la version diesel, mais perdent un peu en couple à bas régime.
Une autonomie jusqu'à 500 km
Sur le papier, les avantages de cette technologie par rapport au tout électrique sont nombreux. A commencer par l’autonomie. Pour l'instant, les deux prototypes sont capables de rouler jusqu'à 300 km sans faire le plein d’hydrogène, mais à terme, BorgWarner vise les 500 km.
C’est beaucoup plus que les 370 km maxi (cycle WLTP) annoncés par les constructeurs de véhicules utilitaires les plus avancés sur le sujet, en l’occurrence le Fiat e-Ducato, sachant, qu’en réalité, l’autonomie est bien inférieure. En outre, l’autonomie en hydrogène reste constante quelles que soient les conditions météorologiques, ce qui n’est pas le cas pour un véhicule à batterie.
Le deuxième point porte sur le poids du véhicule. "Avec les réservoirs d’hydrogène, le surpoids est d’environ 240 kg, voire de seulement 100 kg si l'on le compare à un modèle diesel équivalent avec un réservoir de gazole plein", précise Jean-Luc Beduneau. Pour rappel, les batteries d’un utilitaire électrique pèsent entre 300 et 400 kg.
Faire le plein rapidement
D’un point de vue pratique, faire le plein d’hydrogène ne prend que quelques minutes contre plusieurs heures pour un véhicule électrique. "Il faut seulement six minutes pour remplir notre réservoir d’une contenance de 13,5 kg", explique Jean-Luc Béduneau.
Enfin, sous l'angle macro-économique, cette technologie se passe de batterie ce qui permet non seulement de réduire le coût de la technologie, mais aussi de ne pas dépendre de terres et matériaux plus ou moins rares.
Cette technologie semble avoir séduit les fabricants d’engins de chantier. BorgWarner déclare travailler avec le constructeur JCB qui commercialisera dès l’année prochaine des produits H2ICE.
Pour les véhicules particuliers ou les utilitaires légers, l’équipementier annonce être en discussion avec des constructeurs automobiles. Annoncée comme relativement peu coûteuse, elle pourrait redonner un second souffle au moteur thermique.
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"Nous travaillons également en rétrofit pour les poids lourds, complète Jean-Luc Bédineau qui voit dans cette technologie un accélérateur pour le développement de l’hydrogène. Les constructeurs ont d’ailleurs annoncé travailler sur des moteurs « agnostiques », capables de fonctionner avec tout type de carburants. Notre solution est parfaitement adaptée à cette approche."
Pour rappel, BorgWarner n’est pas le seul à travailler sur cette piste. Toyota est notamment en plein développement sur le H2ICE. Il fait actuellement courir dans un championnat de rallye asiatique une Yaris GR dotée de cette technologie.
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