Xavier Peugeot, Stellantis Pro One : "Le Peugeot e-Boxer Hydrogen devrait se situer autour de 80 000 euros HT"
Le Journal des Flottes : Pourriez-vous nous faire un point sur les immatriculations des véhicules utilitaires hydrogène chez Stellantis ?
Xavier Peugeot : Aujourd’hui, nous avons plusieurs centaines de commandes. Elles proviennent essentiellement des compagnies de taxis qui répondent aux quatre qualités qu’apporte l’hydrogène. Pour rappel, ce sont des véhicules zéro émission avec des performances inchangées par rapport au thermique, une autonomie accrue de 400 à 500 km avec un temps de ravitaillement de moins de cinq minutes. Nous devrions avoir davantage de commandes cette année avec la commercialisation de notre deuxième fourgon et le développement d’écosystèmes hydrogène qui fleurissent en Europe.
JDF : Quels sont les objectifs de la stratégie hydrogène de Stellantis ?
X. P. : L’hydrogène s’adresse encore à un public de niche. La technologie en est à ses balbutiements et plusieurs aspects nous intéressent. Le premier, c’est d’avoir la capacité d’offrir plusieurs réponses zéro émission. Nos clients ont des attentes différentes et nous axons notre stratégie sur trois piliers. D’un côté, il y a l’électrique avec notre gamme de véhicules à batterie. De l’autre, nous avons l’hydrogène, que nous confirmons aujourd’hui avec le lancement cette année d’un deuxième grand fourgon aux côtés de celui que nous avons lancé en 2022. Enfin, nous travaillons aussi sur les solutions rétrofit qui offrent davantage d’accessibilité en matière de prix. Dans notre stratégie, l’hydrogène apporte une réponse complémentaire et ne répond pas aux mêmes attentes que les autres motorisations zéro émission. D’autre part, il faut être prêt tôt dans cette technologie, car le jour où elle prendra son envol, que les infrastructures seront en place et que l’écosystème sera mûr, vous serez immédiatement dans le bon wagon. C’est exactement ce qu’il s’est passé avec l’électrique lorsque nous avons proposé un premier utilitaire à batterie dès la fin de l’année 2021. Aujourd’hui, nous pouvons dire que nous sommes leaders sur cette motorisation en Europe sur le segment des utilitaires, avec 32 % de part de marché.
JDF : Durant le salon Hyvolution, Stellantis présente son nouveau fourgon hydrogène, l'e-Boxer. Pourquoi avoir choisi une version hydrogène pour ce fourgon de grande taille ?
X. P. : Nous répondons, là aussi, à différents types d’usages et nous nous sommes donnés pour mot d’ordre de ne pas toucher aux capacités du véhicule. Ainsi, que vous utilisiez un Peugeot Expert, un Citroën Jumpy ou un Peugeot Boxer en hydrogène, thermique ou électrique, vous aurez les mêmes prestations d’usage. Nous parlons à des clients professionnels et s’ils font le choix de passer par des réponses zéro émission, ils n’oublient pas que c’est un outil de travail. Que nous puissions délivrer les mêmes capacités, c’est un point absolument fondamental. Un fourgon de grande taille comme le Boxer va nous permettre de répondre à d’autres usages, toujours intensifs et à des clients intéressés par les trajets longues distances, car ce véhicule possède une autonomie plus développée. En termes de technologie, nous avons quatre réservoirs 700 bars pour sept kilos d’hydrogène alors que nous avons trois réservoirs 700 bars pour cinq kilos pour le Citroën ë-Jumpy Hydrogen. Cela nous permet d'avoir une autonomie de 500 km.
JDF : Le Citroën ë-Jumpy Hydrogen a atterri sur la ligne de production du site d’Hordain (59), cela a-t-il fait baisser le prix de cet utilitaire ? Quelles sont les conditions d’acquisition et les tarifs des grands fourgons commercialisés cette année ?
X. P. : En effet, les prix ont beaucoup évolué avec l’industrialisation de notre fourgon de taille moyenne. Aujourd’hui, le Citroën ë-Jumpy Hydrogen est accessible au prix de 71 000 euros HT. Pour donner un ordre d’idée, c’est 20 000 à 25 000 euros de plus qu’un utilitaire électrique. Mais les prix ont fortement baissé depuis un an et il est possible d’avoir des aides, comme en région Rhône-Alpes qui propose jusqu’à 22 000 euros d’enveloppe pour l’achat d'un véhicule hydrogène. En parallèle, nous travaillons sur le TCO pour réduire le delta par rapport au coût d’entretien d'un utilitaire électrique. Concernant le Peugeot e-Boxer Hydrogen, nous n’avons pas encore annoncé de prix précis, mais il devrait se situer autour de 80 000 euros HT. Ces fourgons sont vendus de manière classique dans les réseaux, mais nous avons des points de vente spécialisés dans les régions les plus dynamiques. Le réseau est le premier levier d’assistance et nous tenons à avoir un maillage géographique cohérent.
JDF : Les versions hydrogène des fourgons de moyenne et grande taille se retrouvent sur les lignes de production à Hordain et Gliwice (Pologne). Où en êtes-vous au niveau de la production ?
X. P. : Ce qui nous permet de tenir en attendant que la technologie et l’écosystème hydrogène soient à un niveau de maturité nécessaire, c’est notre capacité à produire le Citroën ë-Jumpy Hydrogen sur le site d'Hordain, où sont déjà produites les versions thermique et électrique. Un véhicule qui est donc produit en France sur une plateforme multi-énergie et avec une capacité, selon la vitesse de l’offre, de basculer d’une technologie à une autre. Nous sommes prêts à monter à une cadence pouvant aller jusqu’à 5 000 unités pour les fourgons de taille moyenne à Hordain et 5 000 également de grande taille à Gliwice, en Pologne. Pour rappel, lors de la commercialisation des fourgons de taille moyenne, il y a deux ans, nous avions commencé la production sur des sites tests en Allemagne avant de basculer la production à Hordain. Les grands fourgons, quant à eux, seront produits à Gliwice. Le process se déploie actuellement et nous lancerons officiellement la production autour de l’été. L’usine est donc en phase de préparation.
JDF : Certaines entreprises traversent des difficultés dans l'élaboration d’une gamme hydrogène, je pense notamment à Hyvia ou, en dehors des véhicules utilitaires, à Hopium. Comment percevez-vous ce ralentissement sur le marché de l’hydrogène et quelle stratégie adoptez-vous pour éviter les difficultés ?
X. P. : En effet, en tout cas sur ce salon (Hyvolution, NDLR) nous n’avons pas de concurrence et nous sommes les seuls sur ce marché des véhicules utilitaires. Sur notre stand, les deux véhicules sont déjà une réalité concrète et disponible. Nous avons écrit une feuille de route qui répond à des attentes clients sur trois types d'offres technologiques : électrique, hydrogène et rétrofit. Dans l’industrie, quand nous faisons un investissement et un choix stratégique, il ne faut pas changer de fusil d’épaule tous les quatre matins. C’est pour cela que nous avons besoin de lisibilité et de stabilité dans l’environnement avec des aides gouvernementales claires. Nous avons fait ce choix car c’est une technologie zéro émission complémentaire à l’électrique et qu’elle est bien à sa place. Il y a dix ans, nous avions les mêmes questions sur l’électrique. Avec le recul, nous avions eu raison de poursuivre notre feuille de route car nous sommes premiers sur le marché européen. C’est la même logique ici. Nous apportons une réponse complémentaire en maintenant un cap stratégique dans la durée et avec un déploiement suffisamment tôt. Toutefois, je ne qualifierais pas cela de ralentissement, mais plutôt d’un rythme de décollage de l’activité hydrogène qui est moins rapide que ce que nous avions anticipé. Mais si je pensais que l’hydrogène ne décollerait pas du tout, je pense que nous aurions arrêté notre programme. Tant qu’il n’y a pas d’écosystème et d’infrastructure, il y aura une difficulté. C’est donc une question de rythme plutôt que de croyance.
JDF : Stellantis a signé un partenariat avec Hysetco l’an dernier. Comptez-vous poursuivre cette collaboration ? D’autres partenaires sont-ils prévus ?
X. P. : Nous avons un excellent partenariat avec Hysetco. Aujourd'hui, ils ont une flotte conséquente de 700 véhicules à hydrogène, dont 250 utilitaires. L’usage se déploie progressivement et on a bon espoir d’avoir avec eux de nouveaux véhicules mis à la route puisqu’ils ont une forme de lead sur le sujet. Nous avons le partenariat Hysetco, mais nous ne sommes pas pour autant dans une logique exclusive, mais plutôt de discussion avec les acteurs pour proposer les meilleures offres qui incluent nos véhicules. Nous sommes aussi en contact avec des entreprises, notamment de la logistique, qui ont des flottes de camions hydrogène. Ces sociétés se sont souvent équipées de leur propre station. Ils ont donc logiquement la capacité pour recharger leurs utilitaires hydrogène. Mais en général ces entreprises sont dans une démarche de découverte, de vérification des usages, dans l’espoir d’aller plus loin. Nous sommes sur des démarches d’early adopters. Ces partenariats sont importants, car ils permettent le développement de l’écosystème hydrogène et c’est le point clé de l'émergence de cette technologie.
JDF : Stellantis est présent en Bourgogne-Franche-Comté avec l’usine de Sochaux (25). Il s’agit d’une région dynamique en matière d’hydrogène. Est-il envisageable de voir naître un partenariat avec la région ?
X. P. : Nous discutons avec tout le monde et nous avons annoncé un partenariat l’année dernière avec Engie. Nous avons beaucoup de discussions avec les régions les plus actives. Pour simplifier, il y a trois grands pays qui sont leaders sur le sujet de l’hydrogène. Il y a la France, l’Allemagne et les Pays-Bas. Tous ont des politiques incitatives qui varient. En Allemagne, ils ont arrêté les aides pour les utilitaires. En France, il n’y a plus de soutien national, mais des aides à l’échelle régionale. Ainsi, quand vous avez une région comme l’Auvergne-Rhône-Alpes qui propose jusqu’à 22 000 euros d'aide, des infrastructures développées et une équipe dédiée pour promouvoir la technologie… C'est ce genre de réponse qui nous permet d’envisager un partenariat. Nous avons aussi besoin que l’écosystème se mette en place. Le degré de déploiement varie beaucoup, non pas d’un pays à l’autre, mais d’une région à l’autre. Ce sont les localités les plus actives que nous ciblons pour mettre en place des partenariats. Si on fait le parallèle avec le véhicule électrique il y a dix ans, on se disait : "C’est très bien le véhicule à batterie, mais on la charge où ?" Aujourd’hui, vous avez des bornes partout. Lorsque nous aurons atteint un certain seuil, nous verrons la technologie hydrogène décoller en termes de ventes.
JDF : Est-ce que le contexte morose du marché pénalise le marché de l’hydrogène ?
X. P. : Non, nous ne sommes pas sur les mêmes rythmes que l’hydrogène. Dans le monde de l’utilitaire, je rappelle que ce n'est que quelques centaines de véhicules. Quant à l’électrique, nous sommes à un peu moins de 10 % de notre mix de vente. Bruxelles a fixé les objectifs qui nous ramènent à 20 %. Tant que c’est la référence officielle, ça reste le cap. Est-ce que les choses bougeront ? Nous verrons. Aujourd’hui, en tout cas, nous sommes prêts à pousser la technologie qui correspond le mieux à l’environnement et aux attentes des clients. Ces plateformes multi-énergie nous permettent de basculer d’une technologie à une autre facilement.
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