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Constructeurs

Les constructeurs français sont les plus à risques

Publié le 24 octobre 2008

Par Alexandre Guillet
5 min de lecture
Emmanuel Bulle, directeur senior département entreprises et spécialiste automobile chez Fitch, décrypte la crise actuelle, en pourfendant bien des idées reçues. Refusant de céder à l'alarmisme ambiant, il livre...

...toutefois une analyse sans concessions, notamment sur les constructeurs français.

Données de cadrage

"Actuellement, pour parler de façon imagée, on peut faire un parallèle entre la stratégie de downsizing sur les moteurs et la stratégie globale des constructeurs. Tous les acteurs, surtout ceux d'Europe de l'Ouest, appliquent aussi le downsizing à leurs opérations", lance en guise de préambule Emmanuel Bulle. Il ne faut pas forcément y voir une tendance négative et d'ailleurs, selon Emmanuel Bulle, "les constructeurs sont aujourd'hui mieux armés pour affronter une crise qu'ils ne l'étaient il y a quelques années. Reste bien entendu à savoir si la crise sera cyclique ou structurelle et combien de temps elle durera". Plusieurs éléments sont mis en avant pour étayer cette assertion. Tout d'abord, le bénéfice par unité produite augmente, et les marges et la profitabilité des constructeurs sont globalement à la hausse. Parallèlement, la gestion de la dette a fait l'objet d'un soin particulier. "Dans ce domaine, les baisses ont été très significatives, notamment pour Daimler, Volkswagen et Fiat, BMW ayant toujours été à un très bon niveau. Seul Renault est nettement moins performant", détaille Emmanuel Bulle. L'analyse de l'item "cash-flow" révèle une tendance globalement similaire, avec des trends positifs depuis 2005 pour BMW, Daimler, Volkswagen et Fiat et des performances bien moindres pour Renault et PSA. Pour expliquer ces bons résultats d'ensemble, les démarches de réduction des coûts sont mises en exergue. "Nous voyons beaucoup d'alliances se nouer pour réduire les investissements. C'est une tendance lourde du secteur, même si tout le monde n'en sortira pas vainqueur au final", commente Emmanuel Bulle. De même le ratio ventes/nombre d'employés a été optimisé, même si Renault, PSA et Fiat sont en retrait par rapport aux allemands. "Même si les actions de restructuration coûtent très cher en Allemagne, en France et en Italie, elles portent leurs fruits et le processus n'est pas achevé", souligne Emmanuel Bulle. Par ailleurs, le levier de l'intérim va être de plus en plus exploité, car c'est un vrai gage de flexibilité, même si les constructeurs n'aiment pas trop en parler car le grand public et les mass-medias leur reprochent alors une approche "employés-kleenex".

La crise actuelle

"En Europe de l'Ouest, nous sommes entrés dans un cycle de crise depuis six mois et cela va encore durer 12, voire 24, mois. Il convient de noter que les effets de cycle sont traditionnellement plus marqués aux Etats-Unis qu'en Europe et qu'il ne faut pas sombrer dans le pessimisme absolu sur la base de comparatifs erronés", explique Emmanuel Bulle. La spectaculaire récession espagnole, "où tous les généralistes sont touchés et où c'est plus dur pour ceux qui ne performent pas en Allemagne, dont les français", s'explique principalement par le système des crédits à taux variables et ne peut donc pas être généralisée. Par contre, de réelles interrogations existent au niveau du crédit, car environ 75 % des véhicules sont financés par des établissements bancaires. La pénétration des captives oscille entre 20 et 30 %. "En Europe, elles sont traditionnellement conservatrices et ne prennent guère de risques. C'est plutôt un élément positif, mais en même temps, elles ont des obligations de volumes, car elles représentent en moyenne 15 % du profit global des constructeurs. Il faut donc éviter toute dérive à ce niveau pour ne pas dérégler le système global et maintenir l'attention sur les valeurs résiduelles, enjeu de long terme", déclare Emmanuel Bulle. Par ailleurs, la crise actuelle est encore rehaussée par l'explosion des prix des matières premières, le cours de l'acier symbolisant à lui seul l'acuité de la situation. "La zone d'impact est très forte sur l'industrie automobile, mais contrairement à ce qu'on entend parfois, tous les constructeurs ne subissent pas le phénomène de la même façon", affirme Emmanuel Bulle.

Les constructeurs français ne sont pas les mieux lotis…

D'un strict point de vue financier, les constructeurs français sont ceux qui ont actuellement le profil le plus à risques. Cependant, Fitch prend en compte le profil stratégique des entreprises pour tempérer les constatations financières brutes. Ainsi, la bonne répartition géographique de ses ventes sert Volkswagen. Mais les constructeurs français ne donnent pas tous les gages de sécurité. "Nous ne raisonnons pas uniquement comme des analystes financiers. Ainsi, que Renault dégage 5,8 ou 5,9 % de rentabilité à la fin du Contrat n'est pas le plus déterminant. Ce qui m'importe, en tant qu'agence de notation, c'est de connaître la capacité de Renault à combler sa dette et à trouver le juste équilibre entre le remboursement de cette dette et la production de cash", explique Emmanuel Bulle.

Pas de scénario catastrophe en vue

Selon Fitch, les constructeurs ont des alternatives économiques à leur disposition pour faire face à la crise actuelle. Ils disposent notamment de lignes de crédit et ce n'est donc pas l'impasse. En outre, en cas de catastrophe, ils bénéficieraient d'aides d'Etat, ne serait-ce que pour sauver l'emploi. "Quelles que soient les lois, ces aides seraient débloquées en Europe de l'Ouest et aux Etats-Unis, c'est clair. Entendons-nous bien, il s'agit de soutenir un secteur dans sa globalité, mais je pense qu'aucun état n'aidera en direct un constructeur en particulier", précise Emmanuel Bulle.

Photo : "Que Renault dégage 5,8 ou 5,9 % de rentabilité à la fin du Contrat n'est pas le plus déterminant. Ce qui m'importe, c'est de connaître la capacité de Renault à combler sa dette et à trouver le juste équilibre entre le remboursement de cette dette et la production de cash", explique Emmanuel Bulle.

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