Jean-Philippe Imparato, Alfa Romeo : "Un plan produits très clair pour les prochaines années"
Le Journal de l’Automobile : Comment se porte Alfa Romeo ?
Jean-Philippe Imparato : Nous sommes actuellement dans une phase de reconstruction, mais la machine est lancée. Nous avons un plan produits sur dix ans qui a été validé, financé et qui est en cours d’exécution. D’ici 2030, nous prévoyons le lancement d’un nouveau produit ou d'une évolution majeure chaque année avec pour objectif d’avoir une gamme 100 % électrique à partir de 2027. Notre stratégie sur ce sujet est simple : "From 0 to 0", de zéro modèle électrifié, nous passerons à zéro émission.
J. A. : Dans le détail, quel sera le calendrier ?
J.-P. I. : Je n’irai pas jusqu’en 2030, mais je peux vous donner notre plan produits jusqu’en 2025. Cette année a été celle du lancement du Tonale, notre nouveau SUV du segment C et première nouveauté depuis la mise sur le marché de la Giulia. Dès l’année prochaine, nous lancerons la version hybride rechargeable de 280 ch qui émettra 40 % de CO2 de moins que le Stelvio et la Giulia. En 2024, nous aurons notre premier modèle 100 % électrique (cela sera probablement un véhicule du segment B, NDLR) ce qui nous permettra de conquérir une nouvelle clientèle. Ce modèle est aussi prévu avec d’autres énergies. En 2025, nous proposerons un modèle qui ne sera disponible qu’en électrique. Nous serons les premiers à disposer de la nouvelle architecture électronique de Stellantis. Cela nous permettra d’offrir des prestations et des services, notamment concernant le traitement des données, uniques sur le marché, comme notamment l’optimisation du coût d’utilisation (TCO) de nos véhicules.
J. A. : Alfa Romeo a souffert ces dernières années d’une gamme très étroite. Comment faire revenir les clients dans les concessions ?
J.-P. I. : Il faut avant tout de la stabilité et ne pas changer de cap tous les six mois. Nous arrivons avec un plan produits très clair et avec des prestations qui le sont tout autant. Notre travail est de reconstruire une marque, pas de faire du volume. Pour cela, nous nous appuyons sur la qualité et la fiabilité des produits ainsi que sur les valeurs résiduelles et sur leur TCO.
J. A. : D’où la garantie 5 ans sur le Tonale, une offre unique de la part d’une marque européenne ?
J.-P. I. : Exactement. Cette offre deux ans plus trois ans via le financement nous permet non seulement de prouver que nous avons confiance en notre produit, mais également de créer de la fidélisation.
J. A. : Alfa Romeo est une marque qui dispose d’un capital sympathie encore très fort. Qu’en est-il commercialement parlant ?
J.-P. I. : Notre marque dispose effectivement d’un ADN très fort, mais avec l’arrivée du Tonale, de nouveaux clients nous rejoignent. Avant son lancement, le taux de conquête était de seulement 28 %. Aujourd’hui, nous sommes à 40 % et nous visons les 50 %. Parmi les 20 000 commandes que nous avons enregistrées sur le marché européen depuis sa commercialisation, nous avons une forte clientèle provenant du premium allemand. En France, nous touchons également d’anciens utilisateurs de Peugeot 3008 ou de Citroën C5 Aircross. Sur le marché hexagonal, le Tonale démarre d’ailleurs très fort. Nous avons réalisé, en seulement trois mois, 50 % de notre prévisionnel. Preuve que le véhicule était attendu. Cette dynamique a permis également de tirer les deux autres modèles de la gamme, les prises de commandes de Stelvio et de Giulia ont en effet progressé de 8 %. Toutes ces bonnes nouvelles nous permettent de viser les 0,5 % du marché français fin 2022. J’ajoute à cela que nos enquêtes sur la satisfaction des clients progressent fortement. Sur le véhicule neuf, le taux de satisfaction est passé de 84,2 % en 2021 à 92,4 % en 2022 et en après-vente, de 73,2 % à 81 %.
J. A. : Reconstruire une marque prend du temps. En avez-vous ?
J.-P. I. : Oui. D’autant plus qu’Alfa Romeo est profitable et contribue pleinement à la croissance de Stellantis. Nos outils de pilotage ne sont pas le volume mais bien la rentabilité. Pour y arriver, nous allons nous appuyer entre autres sur des prix nets et sur des valeurs résiduelles en hausse. A titre d’exemple, le Tonale affiche une valeur résiduelle de 54 %, ce qui est un excellent niveau.
J. A. : Vous lancez une version diesel du Tonale alors que vous annoncez qu’Alfa Romeo sera 100 % électrique en 2027. N’est-ce pas contradictoire ?
J.-P. I. : Alfa Romeo est une marque premium et globale. Globale signifie qu’elle est vendue non seulement en Europe, mais également en Amérique du Nord, au Japon, en Océanie et dans la région Afrique Moyen-Orient. Si l’Europe s’oriente vers le tout électrique, ce n’est pas le cas pour d’autres marchés. Nous devons donc être capables de répondre à tous les besoins. En outre, même à l’intérieur de l’Europe, j’observe que l’électrification n’avance pas partout à la même vitesse. C’est par exemple le cas dans les pays d’Europe du sud où le réseau de recharge n’est pas aussi dense que celui d’autres régions du continent. Proposer un diesel dans la gamme Tonale est donc important pour le développement de la marque, d’autant plus que pour le canal BtoB, il offre un TCO très avantageux notamment pour les gros rouleurs.
J. A. : Votre discours est très orienté flottes d’entreprise. Est-ce votre cible ?
J.-P. I. : Ce canal est fondamental pour Alfa Romeo. En France, il représente 50 % des ventes. Mais d’une manière générale, je pense que le processus de vente à particulier va progressivement se rapprocher de celui qui existe dans le BtoB, que ce soit en termes de financement ou de services.
J. A. : Quelle est votre stratégie concernant le réseau ?
J.-P. I. : Je préfère que le réseau investisse dans les hommes et les femmes qui porteront la marque plutôt que dans le béton. Entendez-par là que je veux m’appuyer sur un réseau qui met à la disposition de la marque une force commerciale dédiée, qu’il dégage un univers spécifique pour la marque, dont l’ADN est l’Italie, le sport, le design et bien sûr, la couleur rosso, sans pour autant s’étaler sur des mètres carrés. Si avoir le panneau Alfa Romeo est pour occuper de la superficie vacante et être une marque noyée avec les autres dans la stratégie de l’investisseur, cela ne m’intéresse pas.
J. A. : Cela signifie que le réseau va être restructuré ?
J.-P. I. : Cela a déjà commencé. Il y aura à l'avenir moins d’investisseurs, mais le nombre de points de vente restera identique.
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