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Constructeurs

Entretien avec Anne Asensio, vice-présidente Design Experience chez Dassault Systèmes

Publié le 14 mars 2008

Par Alexandre Guillet
5 min de lecture
Jean-Pierre a une créativité fulgurante.Même génération, même promo, même trajectoire de comète dans le design automobile avec notamment la saga partagée de la "grande époque" de Renault : Anne Asensio est bien placée pour parler d'un ami...

...qu'elle considère comme "son presque frère". Pour expliquer ce succès, elle évoque certes le talent, mais surtout des valeurs fondamentales et leur inoxydable respect
au fil du temps et des situations.

Journal de l'Automobile. Vous connaissez Jean-Pierre Ploué depuis très longtemps, n'est-ce pas ?
Anne Asensio. Oui, on peut dire que nous avons été à l'école ensemble ! Dans cette promo 85 de l'Ensaama que l'on peut qualifier d'exceptionnelle sous l'angle automobile. Nous sommes en effet nombreux à avoir ensuite rejoint des constructeurs, et pas uniquement les constructeurs français auxquels on fait le plus souvent référence. Nous sortons donc de la même école et avons partagé beaucoup de choses communes, mais nous n'avons pas tous le même profil ni la même personnalité pour autant. Nous nous entendions tous très bien, avec un lien vraiment fort. D'ailleurs, Jean-Pierre, pour moi, c'est un peu comme un frère. Si je me souviens des années Renault, cette entente était une grande force et comme en plus nous restions très différents, notre travail a abouti à des résultats hors du commun.

JA. D'un point de vue professionnel, comment définiriez-vous Jean-Pierre Ploué ?
aA. Avant tout, je mettrais en avant sa créativité : il a vraiment une créativité fulgurante ! Par ailleurs, il dispose aussi d'une grande capacité à associer idées et images, puis à les formaliser très rapidement. Chez lui, on sent toujours une forme d'impatience, de bouillonnement. Il a d'ailleurs aussi les qualités du fonceur. Pour les gens qui travaillent avec lui, ça ne doit pas toujours être évident car cela peut devenir épuisant ! En fait, comme moi, il a une forte tendance à l'hyperactivité et ça lui confère un côté fou-fou.

JA. Et comment définiriez-vous l'homme, en quelques mots ?
aA. On pourrait revenir à ce que je viens de dire, mais je crois que le mot qui caractérise le mieux Jean-Pierre, c'est : "généreux" ! Une immense générosité qu'il combine avec une grande ouverture d'esprit et un réel altruisme. Par conséquent, on a envie de le suivre, car il convainc dans le mouvement et la générosité.

JA. Quel regard portez-vous sur son travail chez Citroën, étant entendu que le style de la marque n'était pas au mieux à son arrivée ?
aA. On peut même carrément dire que le style de Citroën était tout à fait moribond à son arrivée… Le travail qu'il a accompli est remarquable, mais en fait, je crois qu'il a eu deux chances. D'une part, son talent, que j'évoquais à l'instant. Et d'autre part, le contexte : en effet, vu l'état du style de Citroën à l'époque, il n'y avait pas une grande marge d'erreur et un bon designer pouvait difficilement se planter. Cela n'enlève rien à son mérite, surtout qu'il a redressé la marque très rapidement. C'est l'effet de la fulgurance dont je vous parlais. Et aussi le fait de sa capacité à s'entourer et à travailler en équipe et pour le coup, on peut dire qu'il a su s'entourer de jeunes designers très talentueux.

JA. Comme on peut le comprendre en filigrane de vos paroles, parmi les choses qui frappent quand on rencontre Jean-Pierre Ploué, au même titre que vous ou que les autres membres de cette fameuse promo 85, c'est un caractère très accessible, aux antipodes de la figure du designer diva pourtant répandue dans l'auto : comment expliquez-vous cela ?
aA. Comme je le disais tout à l'heure, même si nous sommes tous différents, nous respectons les mêmes valeurs de base, de vie d'une certaine manière. La générosité en fait partie. Je crois d'ailleurs que nous sommes restés très proches tout au long de nos carrières respectives grâce à ce socle de valeurs communes. Bref, même si le succès nous sourit et la presse nous encense, nous refusons la starisation. Moi, par exemple, je veux que tous "mes" designers me tutoient, même le dernier arrivé. D'une manière plus générale, je pense que c'est aussi lié à la confiance en soi. Quand on est convaincu de ce que l'on fait, de sa démarche, de ses choix et de ses valeurs, on peut être fidèle à sa façon de vivre. Quand on a moins confiance en soi ou qu'on est moins généreux, on peut sans doute plus aisément se réfugier dans la posture de la diva.

JA. Pourtant, vous évoluez dans une époque où l'on associe très souvent un nom à un modèle et où on aime les formules "papa de tel modèle", "maman de tel modèle", ce qui flatte l'ego. Qu'en pensez-vous ?
aA. C'est ridicule ! Je n'aime pas du tout cela. C'est le travail d'équipe qu'il faut mettre en avant. Cette question de la paternité exclusive d'un modèle n'a pas de sens. Nous faisons ce métier par passion, par conviction et parce que cela fait sens. A mes yeux, notre succès découle d'ailleurs aussi de notre honnêteté. Quand on cherche à trop plaire, à trop se mettre en avant, à s'approprier trop de choses qui ne sont pas de notre seul chef, cela rime en fait bien souvent avec les prémices de la fin du succès.

JA. En vingt-huit ans d'existence du prix, qui a presque toujours récompensé des capitaines d'industrie ou des responsables commerciaux ou financiers, Jean-Pierre Ploué est le premier designer distingué : qu'est-ce que cela vous inspire par rapport à votre discipline ?
aA. D'abord, j'ai envie de dire : "Enfin !". Nous sommes toujours un peu perçus comme les esthéticiens de fin de parcours, alors que nous avons un rôle très important dès le début des projets. Donc je suis ravie pour Jean-Pierre, mais aussi pour le design et tous les designers. Dans cette optique, ce prix a aussi une grande importance.

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