On attend le (Air)bus de l’hydrogène…
A l’heure où la coopération européenne a été – ou est encore – érigée en arme absolue pour gagner les grandes batailles technologiques et économiques (Airbus de l’aéronautique, Airbus des batteries en attendant d’autres Airbus), force est de constater que, dans le domaine de l’hydrogène, pourtant présenté comme l’énergie du futur par excellence, l’Europe ne parle pas d’une seule voix. Et si l’on regarde ce qui se passe à l’échelle de l’axe franco-allemand, c’est même la dissonance.
Alors que Paris et Berlin ont célébré de concert le fonds de relance européen historique à 500 milliards d’euros concocté en mai par Emmanuel Macron et Angela Merkel, pour sortir de la crise post-Covid, les deux capitales ont un discours nettement moins commun en matière de stratégie visant la neutralité carbone. A Paris, la programmation pluriannuelle de l’Energie (PPE) fait la part belle à l’électrique, alors qu’à Berlin, c’est l’hydrogène qui rafle tous les investissements. Les chiffres sont sans appel : 9 milliards d’euros de l’autre côté du Rhin d’ici 2030, contre à peine 100 millions par an dans l’Hexagone…
La stratégie nationale pour l’hydrogène, dévoilée il y a quelques jours par l’Allemagne, prévoit donc une enveloppe globale de 9 milliards d'euros (7 milliards pour développer le marché intérieur et 2 milliards visant à conclure des partenariats internationaux). Pour atteindre ses objectifs climatiques, le pays vise avant tout l’hydrogène durable (ou vert). "Seul l’hydrogène vert, produit à partir d’énergies renouvelables, est pérenne", précise le plan national, qui prévoit ainsi 5 gigawatts d'ici 2030 et 10 gigawatts d'ici 2040.
L’autre pilier concerne le développement des réseaux de distribution d’hydrogène. Le programme mené par H2 Mobility Deutschland (dans lequel on retrouve -cocorico- les Français Air Liquide et Total) table sur 400 stations d'ici 2023 (contre une centaine aujourd’hui).
En comparaison, les responsables français jouent « petits bras ». Du temps où Nicolas Hulot était ministre de l’Environnement, la stratégie nationale pour l’hydrogène, c’était 500 millions prévus sur 5 ans ! En 2019, le gouvernement a dépensé 91,5 millions dans le cadre d’appel à projets soutenus par l’Ademe. Et cette année, il y en a à peine 50 au budget de ladite agence. On est loin du compte…
Les pouvoirs publics ont beau jeu de rappeler qu’un appel à manifestation d’intérêt (AMI) a été lancé, pour des « projets d’envergure sur la conception, la production et l’usage de systèmes à hydrogène » et qu’à date 160 dossiers auraient été déposés. Dans ce domaine, comme dans beaucoup d’autres, le Talon d’Achille français vient de l’éparpillement des initiatives. Dans le cas de l’hydrogène, les projets émanent des territoires (régions, départements, métropoles, communautés de communes). Outre-Rhin, l’hydrogène est érigé en cause nationale…
D’ailleurs le 26 mai dernier, lors de l’annonce du plan de relance du secteur automobile, le Président Macron n’a évoqué qu’une seule fois l’hydrogène dans son discours, en mentionnant l’usine de piles à combustible qui va voir le jour à St Fons près de Lyon, sur le site de Symbio (la JV détenue à égalité par Michelin et Faurecia).
Alors bien sûr, on pourra objecter que les constructeurs allemands ont jusqu’alors fait le choix de véhicule à batterie plutôt qu’à l’hydrogène. Et qu’en avril, Mercedes a même annoncé sa volonté de tirer un trait sur la voiture à hydrogène, de transférer ses activités dans les piles à combustible au sein de sa filiale camions et de l’apporter à une co-entreprise fondée à 50/50 avec Volvo. Certains se rassureront aussi sur les ambitions françaises dans l’hydrogène, avec le lancement d’un projet tricolore d’avion à hydrogène pour les années 2035…
Mais, sur le long terme, il est à craindre que le pragmatisme germanique fasse ses preuves. En France on a des idées ! Essayons cette fois de les transformer en succès !
L’Arval Mobility Observatory