Yoann Taitz, Autovista : "Il y a un problème d'alignement des valeurs résiduelles"
Journal de l'Automobile : Selon vos analyses, quelles sont les tendances en matière d'évolution des valeurs résiduelles (VR) ?
Yoann Taitz : Nous avons observé dès décembre 2022 que les valeurs résiduelles s'inscrivaient à nouveau en baisse. Mais depuis le mois de janvier, le phénomène s'est amplifié. Toutes les énergies disponibles sur le marché des voitures d'occasion sont concernées et tout particulièrement les modèles électriques.
JA : Pour quelle raison ?
YT : Sur ce segment, Tesla reste la marque de référence. Sa stratégie de baisse des prix, en janvier puis en avril, a logiquement eu un impact. Certes, tous les constructeurs n'ont pas suivi le mouvement, cependant les clients ont eu des arguments pour négocier plus ardemment. Il semblerait aussi que le pari de Tesla, qui se fonde sur une baisse mondiale des prix et un maintien de la valeur en euros, a un effet pervers. En plus, cela provoque une forme d'attentisme car les clients pensent toujours que le lendemain sera plus avantageux.
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JA : Comment évoluent les valeurs résiduelles des voitures électriques dans ce contexte ?
YT : Depuis le début de l'année 2023, la valeur résiduelle à 12 mois des voitures électriques a chuté de deux points chez les généralistes et de cinq points chez les premium. L'effet de mix et la hausse des prix dans les catalogues VN compensent en partie cette tendance. A 24 mois, celle des électriques est stable pour les généralistes et en légère baisse pour les premium. Le marché n'accepte plus les hausses de tarifs, alors les prix s'ajustent de manière mesurée.
JA : Des distributeurs commencent à militer pour l'instauration d'une campagne de bonus. Etes-vous de cet avis ?
YT : Le système du bonus-malus tue les valeurs résiduelles et atténue les effets bénéfiques de telles mesures. Et pour cause, 95 % du montant du malus est remis dans le VO. De fait, nous avons pu voir des valeurs à 100 % même après 36 mois. Je ne pense donc pas que ce soit la solution la plus adaptée à la situation.
JA : Quelle est la solution ?
YT : Il y a pour le moment un problème d'alignement. La demande est supérieure à l'offre sur les quelques segments prisés par les consommateurs. Les valeurs résiduelles restent donc très hautes et les constructeurs peinent à prendre la mesure de cette réalité. On constate donc, par ailleurs, un ralentissement de la rotation des stocks. Les distributeurs sont alors amenés à pratiquer des promotions pour assainir les parcs. Ce qui sème plus de trouble.
Certaines marques pourraient prolonger les contrats de sorte à atténuer l'effet de vague de PHEV sur les parcs
JA : Quel bilan tirez-vous pour les motorisations thermiques ?
YT : Les voitures d'occasion dotées de moteurs essence font de la résistance. Il y a une légère baisse de la VR sur les marques généralistes et premium à 12 mois, mais les prix se maintiennent à un niveau très haut. Ce qui entraine de l'attentisme selon toute vraisemblance.
JA : Qu'observez-vous sur les VO diesel ?
YT : La VR des exemplaires à 12 mois a baissé de deux points en pourcentage au cours des quatre premiers mois de 2023. Ce qui équivaut à 1 000 euros environ en valeur. A 24 mois, la VR tombe de 1,5 point, tandis qu'elle est stable à 36 mois. Il faut dire que d'une manière générale, nous estimons que les valeurs à 36 mois ne seront impactées qu'au second semestre 2023.
JA : Il y a quelques temps, vous émettiez une alerte sur le sort des modèles électriques et hybrides. Vos prévisions d'alors se confirment-elles ?
YT : Cela concernait avant tout les hybrides rechargeables. La transition générationnelle va commencer à impacter les VR à 36 mois, car l'autonomie s'allongeant sur les dernières versions, les précédentes peuvent perdre en intérêt. Mais les retours de LLD sont toujours attendus pour l'été 2023. Selon la politique de chacun des acteurs, le scénario variera.
JA : Que peut-on imaginer ?
YT : Certaines marques pourraient prolonger les contrats de sorte à atténuer l'effet de vague de PHEV sur les parcs, qui serait dévastateur pour les VR. La LOA VO pourrait aussi être une réponse, mais les offres manquent. Il ne faut pas oublier non plus que les hybrides rechargeables sont vendues à 85 % dans les flottes. Ce qui signifie que l'attrait naturel des particuliers est faible. Il faudra des financements compétitifs pour les faire basculer.
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JA : Les loueurs également ont un rôle à jouer…
YT : Assurément ! Reste à savoir s'ils ont anticipé le risque et créé un décalage des VR pour que la dépréciation à couvrir soit plus faible. Dans ce registre, j'émets des craintes car les visions sont bien souvent à court terme.
JA : Au-delà des frontières hexagonales, quelle est la tendance ?
YT : Nous constatons une baisse généralisée à travers l'Europe. Elle est amplifiée en Allemagne et en Espagne qui de facto deviennent des territoires d'approvisionnement attractifs pour les vendeurs de voitures d'occasion. A l'export, les voitures électriques trouvent de l'intérêt aux Pays-Bas pour son système de taxation favorable et en Suède, qui se développe à bon rythme. Le marché norvégien se ferme progressivement maintenant qu'il approche du seuil de saturation.
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