Objectifs CO2 : les groupes qui pourraient avoir les plus fortes amendes
« L’apocalypse de l'industrie automobile » : tels sont les termes employés par Jato Dynamics pour qualifier les objectifs européens de CO2 auxquels doivent se conformer les constructeurs automobiles aux échéances 2021, 2025 et 2030. Et pour cause, le fournisseur d’informations automobiles vient de publier une étude sur l’impact financier de ces objectifs réglementaires. Un chiffre ressort plus particulièrement : celui de 33,6 milliards d’euros, soit la somme totale des amendes dont pourraient écoper les constructeurs à partir de 2021. Un chiffre à prendre avec du recul toutefois, puisque calculé en prenant en compte les grammages moyens en CO2 de 2018, selon la méthode de calcul des amendes fixée par la Commission européenne et le Parlement européen.
Pour rappel, les deux institutions prévoient une amende de 95 euros par gramme supplémentaire et par véhicule. De quoi faire trembler tous les constructeurs dans un contexte où les rejets de CO2 des VP neufs commercialisés repartent justement à la hausse depuis deux ans, montée en puissance de l’essence et adoration des européens pour les SUV obligent. En 2018, la grande majorité des marques a ainsi vu son grammage moyen de CO2 croître (voir graphique 1). Le rejet moyen s’est ainsi établit à 120,5 g/km selon le cycle NEDC corrélé, soit un bond de 2,5 g/km part rapport à 2017.
Ecarts croissants entre réalité et objectifs
« La situation est assez déconcertante », résume Jato qui observe ainsi un écart croissant entre les objectifs de CO2 et la réalité des constructeurs. Sur le périmètre des marques opérant en Europe - à l’exception des plus petites - seules quatre sur dix-huit ont enregistré une amélioration l’année dernière. Seulement, les ventes de ces quatre constructeurs que sont Honda, Suzuki, Toyota et GM ne représentaient que 7 % du total des VP neufs écoulés dans l’Europe des 23. En revanche, les quatre constructeurs qui ont été les moins performants, les premium Daimler, JLR, BMW et Volvo, fabricants de premier plan, ont représenté 16 % du nombre total d’immatriculations… (voir graphique 2).
« Si les conditions 2021 étaient appliquées aujourd’hui, et en excluant tout type de crédit d'éco-innovation pour contre-balancer les émissions totales, de nombreux constructeurs automobiles seraient confrontés à une situation très difficile », explique Jato. Avec, en toute logique, ceux aux forts volumes les plus concernés.
Volkswagen, PSA et Renault en première ligne
Groupe le plus menacé par cette épée de Damocles, Volkswagen, dont chacun avait déjà pu constater les difficultés à mettre en conformité aux normex Euro 6d temp et Euro 6c sa large de gamme de moteurs. Le groupe allemand, dont le delta entre grammage moyen actuel et objectif 2021 atteint actuellement 26,6 g/km (voir graphique 3 pour les delta), devrait payer, selon les calculs de Jato, la plus forte amende, soit près de 2 525 euros par véhicule vendu et un total de près de 9,2 milliards d’euros (voir graphe 4 pour les amendes). Sachant que l’année dernière, le groupe a réalisé un bénéfice après impôts de 12,15 milliards d’euros, l’amende équivaudrait donc aux trois-quarts de son dernier bénéfice mondial (voir graphique 5 pour les ratios).
Deuxième groupe qui serait le plus touché, PSA, qui se situe à 23,1 g/km de sa cible 2021. Et qui, en conséquence, serait tenu de payer une amende de 2 194 euros par véhicule immatriculé. Sur la base du volume de ses ventes de l'année dernière, PSA devrait ainsi s’acquitter d’une amende de 5,4 milliards d’euros. Une somme que le groupe français n’aurait pas les moyen de payer, sachant, que l’an dernier, il a enregistré un bénéfice net de 2,83 milliards d’euros. Le ratio entre amende potentielle et bénéfice est également affolant pour le troisième groupe le plus menacé par ces amendes, Renault. Une pénalité qui pourrait atteindre, selon les calculs de Jato, 103 % du bénéfice net enregistré en 2018, soit 3,57 milliards d’euros.
Sans oublier le groupe Hyundai, affichant à l’heure actuelle un delta de 30 g/km entre taux d’émission moyen et objectif 2021. Le coréen pourrait ainsi payer une amende représentant pas moins de 132 % de son bénéfice soit 2,88 milliards d’euros. FCA, dont l’amende a été calculée avant son annonce de collaboration avec Tesla, s’avère également mal embarqué, avec un ratio amende / bénéfice de 89 % et une pénalité de 3,24 milliards d’euros.
Toyota s’en sort la tête haute
Jato conseille cependant de prendre du recul par rapport à ces chiffres basés sur des résultats 2018 et ne tenant pas compte les plans d’électrification ainsi que des possibles ajustements de gamme que pourraient décider les marques. « La conclusion de cette étude est le pire des scénarios pour les constructeurs. Ces derniers ont peut-être la technologie nécessaire pour lancer des voitures plus propres et des solutions alternatives pour réduire les amendes. Le temps est leur seule limite », résume Jato.
Peu de constructeurs peuvent aujourd’hui se targuer de considérer l’échéance 2021 sereinement. Mais justement, ceux dont l’électrification a depuis longtemps dépassé le stade de plan en font partie. Exemple éclatant, Toyota, constructeur qui émet le moins de CO2 en moyenne, principalement grâce à sa gamme hybride. Sans oublier que le japonais dépend moins de l’Europe que la plupart de ses concurrents, avec seulement 8,5 % des ventes réalisées sur le Vieux Continent. Avec un rejet moyen de CO2 de 101,3 g/km, soit un delta de 7,8 g/km par rapport à son objectif 2021, Toyota n’aurait qu’à s’acquitter d’une amende de 500 millions d’euros soit seulement 3 % de son résultat net.
Graphique 1 : évolution des émissions de CO2 par constructeur
Graphique 2: classement des constructeurs par émission de CO2, évolution par rapport à 2017
Graphique 3 : efforts d'émissions de CO2 à consentir d'ici 2021
Graphique 5 : ratio amende potentielle / profit