Verdissement des flottes automobiles : retour à la case départ pour les loueurs courte durée
Il va falloir reprendre depuis le début le travail de pédagogie. La branche mobilité partagée de Mobilians, réunissant les acteurs de la location courte durée, a une nouvelle fois convoqué les journalistes pour partager leurs inquiétudes et leurs incompréhensions. Cette fois-ci, ce n’est plus la loi de l’ex-député Renaissance Damien Adam qui titille la profession des loueurs (celle-ci ayant été abandonnée avec la dissolution de l’assemblée en juin), mais l’amendement du député du Rhône Ensemble pour la République, Jean-Luc Fugit. Déposé dans le cadre du Projet de loi finance pour 2025, celui-ci vise à instaurer une taxe aux entreprises soumises aux obligations de verdissement de la LOM.
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"Nous ne comprenons pas cet amendement déposé sans qu’il y ait eu de concertation, et ce, alors qu’une mission flash a été lancée sur le sujet par les députés Gérard Leseul et Jean-Marie Fievet. Les acteurs de la location ont d’ailleurs été auditionnés il y a dix jours à ce sujet. Selon nous, les objectifs de cet amendement sont encore moins réalisables que la proposition de loi Damien Adam. Nous demandons avant tout à ce que l’esprit de la LOM soit respecté", alerte Guirec Grand-Clément, président de la branche mobilité partagée de Mobilians et directeur général de la filiale française d’Enterprise.
Des objectifs d’électrification impossibles à respecter
Pour les loueurs, leur imposer les mêmes sanctions qu'à une entreprise "classique" relève de l’irrationnel. "Nous n’avons pas des flottes classiques réservées à nos salariés, mais des flottes spécifiques destinées à des clients, qui n’ont pas les mêmes usages ni les mêmes destinations", a martelé Guirec Grand-Clément au cours de la conférence de presse. En effet, la loi LOM imposait des objectifs de verdissement sans distinction. Lors de l’étude de la proposition de loi du député Damien Adam, les loueurs courte durée avaient pu être entendus et un pas en avant avait été fait, une reconnaissance en leur faveur.
Les loueurs courte durée ont une nouvelle fois mis en avant leur particularité. Ces derniers sont en effet dépendants de la demande des clients. "Nous avons mis des véhicules dans notre parc, mais ils sont très peu demandés. Nous comprenons qu’il y ait des objectifs à atteindre en matière de décarbonation, mais cela ne doit pas se faire au détriment d’une certaine réalité opérationnelle. Le but d’un véhicule, c’est qu’il ne traîne pas sur un parking, or, en l’absence de demande de client, c’est souvent le cas pour nos véhicules électriques. Nous pouvons appliquer le choix de l’électrique à nos salariés, mais sûrement pas à nos clients", assure Guirec Grand-Clément.
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Sans compter que 50 % de la clientèle des agences de location sont des professionnels. Ces derniers louent régulièrement des utilitaires. "Au niveau des VU, nous sommes dans un vide juridique. Il n’y a pas de demande et peu d'offres qui y répondent. Nous essayons tout pour les louer, explique Guirec Grand-Clément. L'un des loueurs membres a d’ailleurs ouvert une société spécifique aux véhicules électriques, mais la faiblesse de l’engouement pour ces voitures fait qu'il a dû la mettre en sommeil", ajoute-t-il. Selon les loueurs courte durée, le taux d’utilisation d'un VE est de 47,5 % contre 75 % pour un véhicule thermique.
Un mécanisme de sanction au cœur des débats
Actuellement, la filière de la LCD se compose à 90 % de TPE et PME. L’absence d’aide à l’acquisition d’un VE après la suppression de la prime, couplée à une faible demande et à d’éventuelles sanctions avec cet amendement, détruirait les ambitions électriques des loueurs courte durée. Comme c’était le cas pour la loi du député Damien Adam, l’amendement du député Jean-Luc Fugit propose un calendrier de verdissement des flottes plus souple pour les loueurs (10 % de véhicules bas carbone dans leur renouvellement à partir de 2025, 20 % à partir de 2027 et 60 % à partir de 2030).
En revanche, le mécanisme de sanction est au centre des inquiétudes des acteurs de la LCD. Ainsi, les flottes de plus de 100 véhicules qui ne sont pas alignées sur les objectifs d’électrification recevront une amende de 2 000 euros par véhicule faible émission manquant, 4 000 euros en 2027 et 5 000 en 2028.
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Face à ces amendes, la filière juge "contre-productives" ces sanctions, assurant qu’elle n’a pas la capacité financière de "laisser dormir les véhicules sur les parkings et d’assumer les sanctions". Les loueurs estiment les pertes à 100 000 véhicules et une contraction du marché automobile à hauteur de 2,5 milliards d’euros en une année et donc, par ricochet, moins de véhicules électrifiés sur le marché de l’occasion, l’un des objectifs de cette réglementation.
Les demandes des loueurs
La filière brandit l’aspect écologique de leur service en précisant que les véhicules loués transportent en moyenne deux personnes et qu’une location correspond au retrait de huit véhicules sur la route. Les loueurs remettent sur la table une proposition de longue date. Ils souhaitent ainsi que les locations temporaires de véhicules soient prises en compte dans le reporting des entreprises.
"Si l’achat et la location longue durée sont pris en compte, nous ne comprenons pas pourquoi la LCD ne l’est pas. Il s’agit d’une mesure vertueuse pour la demande de véhicule électrique et qui ne coûterait rien aux pouvoirs publics", assure Guirec Grand-Clément. Un système qui, selon eux, mettrait fin à la pratique des entreprises qui se servent de la LCD comme une "échappatoire thermique".
Les loueurs courte durée réitèrent leur demande précédente : qu’un régime particulier leur soit attribué. D’autre part, la filière espère que les amendes soient annulées et que la mission flash des députés Gérard Leseul et Jean-Marie Fievet arrive à son terme et aboutisse en prenant en compte les spécificités de leur métier. Mobilians se dit prêt à travailler avec les pouvoirs publics pour ajuster la réglementation.
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