Véhicule sans chauffeur : le retard de l’Europe est-il rattrapable ?
En matière de véhicule autonome, c’est un peu les montagnes russes. Il y a d’abord eu un engouement démesuré et sans doute excessif des constructeurs automobiles, une course à l’échalote aux investissements et à qui reviendrait l’honneur du premier lancement. Puis, l’âge de raison et les désillusions venant, il a fallu se rendre à l’évidence que tous les acteurs de l’automobile n’étaient pas éligibles à cette conquête industrielle. S’en est donc suivi un reflux pessimiste aussi brutal qu’avait été l’euphorie.
Avec le recul, on peut avancer que les usages du véhicule autonome n’avaient sans doute pas été assez travaillés en amont : transport public, transport en commun, circulation sur route ouverte ou fermée, avec quel niveau d’autonomie. De ces arbitrages découlaient des types de véhicules autonomes : voitures, navettes, minibus, robotaxis, poids lourds, droïdes de livraison, nettoyeurs de voirie. Et donc des choix d’investissements.
Plus de dix ans après le coup d’envoi de cette grande révolution industrielle et moyennant une centaine de milliards d’euros dépensés en R&D, les premières conclusions peuvent être tirées quant aux segments plus prometteurs que d’autres. Selon une étude de France Stratégie, le service de veille de Matignon (1), "la filière des robotaxis constitue une perspective particulièrement recherchée en Chine".
Cette note met en évidence "l’avance que ce pays a prise par rapport au reste du monde, à l’exception des États-Unis" et s’interroge "sur les risques et les opportunités, pour la France et l’Union européenne, que représentent les progrès observés en Chine et aux États-Unis".
Hormis l’américain Waymo et ses 300 engins en exploitation commerciale, tous les opérateurs sont actuellement chinois. Ils ont pour noms Baidu, AutoX, Didi, Pony.ai ou encore WeRide. Ils gèrent 16 flottes urbaines commerciales (sans opérateur de sécurité à bord), dont quatre aux États-Unis et douze en Chine. Aucune société n’est encore sur les rangs en Europe, souligne France Stratégie, les industriels ayant majoritairement fait le choix des bus et des navettes autonomes.
L’intérêt des robotaxis réside principalement dans le coût des services, inférieur de 80 % voire 90 % à celui des services de VTC ou de taxi. Leur facilité d’usage ouvre par ailleurs des perspectives de mobilité à des populations qui en sont privées (personnes âgées, en situation de handicap, sans permis de conduire, éloignées des transports collectifs). Enfin, robotaxis rime avec réduction des parcs de voitures particulières dans une fourchette comprise entre 30 % et 50 %, avance l’étude.
Comme dans toute technologie, le risque zéro n’existe pas ; le robotaxi n’est bien sûr pas exempt d’inconvénients, à commencer par son faible taux d’occupation (proche de 0,7 personne), contre 1,4 environ en voiture particulière. Zoox, la filiale d’Amazon, travaille ainsi sur un véhicule autonome de niveau 4, avec quatre places assises en vis-à-vis, sans volant ni tableau de bord, qui pourrait solutionner cette question de la capacité d’accueil d’un robotaxi.
En face de la Chine et des États-Unis, l’Europe et la France accusent un retard qui sera "difficile à combler" sans alliances industrielles, estime France Stratégie. Dans ces pays, les choix stratégiques y ont été différents, favorisant les transports en commun.
Pour rattraper le retard et créer un véritable écosystème industriel de la conduite autonome (niveau 4), d’autres liens de coopération doivent être noués dans "les robotaxis ou encore les robots de livraisons, de logistique ou de distribution", comme cela est le cas dans les transports publics. Sauf à s’exposer à une offensive américaine ou chinoise en Europe, comparable à ce qui se passe dans l’automobile avec les voitures chinoises.
Le retour de Renault sur le devant de la scène prouve en tout cas qu’en matière de conduite autonome, le repli industriel n’est pas la solution. S’appuyant sur un cadre réglementaire plus favorable à la circulation sans conducteur, la marque au losange revient dans la course. Elle vient de s’allier à la jeune pousse WeRide, active dans les robotaxis à Pékin, pour déployer des minibus d’une vingtaine de places, sur des trajets définis à l’avance. Une première étape qui en appellera peut-être d’autres.
L’Arval Mobility Observatory
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